Claude Gendron - Je suis un arrière-grand-père de 81 ans. J'ai lu le courrier qui oppose l'abbé Raymond Gravel aux rédacteurs du site pro-vie Life-SiteNews.com. J'aimerais y réagir en relatant ce qui m'a éloigné puis rapproché de l'Église.
Dans ma jeunesse et mes premières années de vie adulte, j'ai fréquenté l'Église de façon régulière, et ensuite avec mon épouse. C'était il y a 55 ans. Après une éducation chrétienne, nous étions fidèles aux enseignements de l'Église. Nous ne le regrettons pas aujourd'hui, malgré les épreuves de la vie.
Mon questionnement s'est par la suite développé graduellement après le Concile Vatican II qui, de 1962 à 1965, avait suscité beaucoup d'espoir dans la mise à jour de l'attitude de l'Église catholique. Les autorités civiles entreprirent alors de dégager notre société de l'influence, quand ce n'était pas des diktats, des autorités religieuses. La spiritualité du clergé dominant toute théorique nous disait: «Obéissance à Dieu, sinon... »
Synode épiscopal
À l'automne de 1967, j'ai été appelé à couvrir à Rome, pour le quotidien La Presse, le premier synode épiscopal après le Concile. Le but était alors de voir dans quelle mesure s'était amorcé le renouveau de l'Église postconciliaire. Après toutes ces années, je me souviens que les communiqués et les réponses aux conférences de presse quotidiennes étaient plutôt vagues et présentaient une belle image globale.
Pour décortiquer le tout et découvrir les interventions des participants, les journalistes furent invités à participer à une rencontre quotidienne avec les conseillers des évêques participants dans le sous-sol d'une librairie, via della Consolazione, près du Vatican. J'ai pu ainsi regrouper certains énoncés permettant d'informer mes lecteurs des interventions de mon évêque d'alors, le cardinal Paul-Émile Léger.
Celui-ci était revenu converti du Concile deux ans auparavant; l'ostentatoire prince de l'Église était devenu un humble pasteur. Quant à voir et saluer mon évêque à Rome, ce fut impossible. Le Collège canadien m'en avait bloqué l'accès. Mon évêque en a été profondément choqué quand je lui ai raconté l'incident quelques mois plus tard. Le cardinal finit par démissionner et s'expatrier au service d'un évêque africain. Bref, il en résulta alors que l'Église avait peu progressé après le Concile, la majorité des ecclésiastiques étant réfractaires... Plusieurs évêques et prêtres en furent attristés, mais Rome n'était pas prête à bouger. C'est du moins l'impression que j'en ai gardée.
Frustré, j'ai cessé de fréquenter l'Église au début des années 1970. Cela ne nous a pas empêchés, mon épouse et moi, de prier régulièrement en notre for intérieur.
Les années passèrent. Puis, surgit récemment la question des homosexuels, hommes ou femmes. Scandales, tiraillements, déchirements. Péchés impardonnables. Recours aux lois de l'Église, jugement, punitions, condamnations. Exclusion, excommunication! Intrigué par ce bouillonnement de méchanceté, je me suis dit: «Quelque chose ne va pas.» Surgit alors la voix de l'abbé Raymond Gravel qui tentait d'apaiser le débat. Ce ton me plut. L'attitude chrétienne ne serait-elle pas justement d'abaisser le ton, de s'asseoir, de réfléchir, de comprendre et de nous soutenir réciproquement... plutôt que de crier haro, de juger, de condamner, d'excommunier, allant même jusqu'à la calomnie et à la médisance à répétition, comme on le voit dans LifeSiteNews? Quel est le degré de crédibilité de ces auteurs qui se prétendent chrétiens? Quelle attitude nous indique alors l'amour évangélique?
Il y a trois ans, le brouhaha m'incita à me rendre à Saint-Joachim-de-la-Plaine, où Raymond était alors curé. Je n'entrai pas dans l'église. Je demeurai dans le portique pour écouter l'homélie. Surprise! Je crus alors entendre mon ancien curé, feu Jean Caron, de Saint-Maurice-de-Duvernay. Au début des années 1960, ce Jean Caron était un curé avant-gardiste, moderne, qui faisait participer ses paroissiens et paroissiennes à qui il avait ouvert le presbytère.
Il avait même osé tourner le dos à l'autel pour célébrer la messe sur une table face aux fidèles, comme le Christ avec ses disciples. Notre église se remplissait, alors que les églises voisines se vidaient (même phénomène à La Plaine avec Raymond Gravel). Les gens venaient de partout. Ces initiatives évangéliques n'étaient pas sans gêner les curés des paroisses voisines. Le Concile donna raison à Jean Caron.
De tout cela, il résulta qu'après une absence de près d'une quarantaine d'années, ayant toujours la foi, j'ai rétabli mon lien avec l'Église. Grâce à qui? Grâce à Raymond Gravel, qui sait actualiser et incarner la Parole, le message évangélique, dans le concret de la vie, en 2010, avec les propos d'un pasteur dans la langue de chez nous. Je retrouve l'Évangile, je retrouve un Jésus d'aujourd'hui qui, présent dans l'assemblée des chrétiens et agissant par eux dans la société (même si celle-ci est laïque), s'exprime par le vécu de tous les jours.
Dans un tel contexte, il nous faut promouvoir la vie, pas en jugeant ni en condamnant, mais en étant plus humains, en cherchant à comprendre ceux et celles qui sont déprimés, en nous mettant à leur service. Nous ne sommes pas les maîtres de la vie et de la mort. D'ailleurs, mourir, ce n'est pas retourner au néant, c'est passer d'une forme de vie à une autre, éternelle celle-ci.
Nous n'avons pas besoin de loi qui tue, mais d'esprit qui vivifie. Nous n'avons pas besoin de clergé uniquement mâle porteur du passé, mais de prêtres et d'évêques qui, comme Raymond Gravel, sont porteurs d'un message qui nous met au défi d'intégrer notre foi et la présence du Christ dans la vie de tous les jours et dans la société où nous vivons... sans exclure ceux et celles qui, partageant notre foi en un Dieu constamment créateur, ont des perspectives différentes des nôtres. Nous finirons un jour par nous unir. Comment cela se fera-t-il? Je l'ignore.
Si nous y arrivons, nous pourrons dire que notre Église aura trouvé sa véritable catholicité. Mais, de grâce, cessons ces chicanes internes. Aucun et aucune d'entre nous ne peut prétendre posséder entièrement la vérité ni pouvoir juger les autres. Nous sommes humains et limités. Est-ce assez clair?
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Claude Gendron - Ancien journaliste et agent d'information à la retraite
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