Si le principe fondamental de l'autorité du Parlement a été réitéré hier par le président de la Chambre des communes, en pratique le débat qui oppose gouvernement et opposition a peu évolué depuis décembre dernier. L'appel au compromis du président Peter Milliken en fait foi, la réaction conservatrice aussi.
Quand, en décembre, les partis d'opposition ont décidé de s'unir pour ordonner au gouvernement de remettre au comité sur l'Afghanistan des documents non censurés sur le transfert de prisonniers, le président des Communes avait eu ce commentaire: «Il est malheureux, si je puis me permettre une observation, que des arrangements n'aient pas été faits pour régler la question au comité [...] où on aurait pu s'entendre sur les documents à présenter aux députés et sur la forme de ces documents.»
C'est au fond cette observation que Peter Milliken a concrétisée hier, en renvoyant tous les partis à chercher, et trouver!, d'ici deux semaines une solution qui reconnaîtrait les rôles et responsabilités respectifs du Parlement et du gouvernement. Et si l'opposition a salué sa victoire de principe, puisque le président Milliken confirme que les privilèges de la Chambre ont été bafoués par le refus du gouvernement de produire les documents demandés, en pratique le débat est loin d'être éteint.
Ainsi, le communiqué des libéraux y va d'une mise en garde: «Nous allons certainement considérer la position du gouvernement. Mais soyons clairs: nous ne lui permettrons pas de se cacher derrière des questions de sécurité nationale là où il n'y en a pas.» Le ministre fédéral de la Justice, Rob Nicholson, a de son côté rappelé que les conservateurs ne transigeront pas sur la sécurité nationale, concept qu'ils ont toujours interprété strictement.
Mêmes arguments, mêmes acteurs. L'art du compromis souhaité par M. Milliken semble déjà bien compromis!
Ce qui est en cause dans cette affaire, c'est la confiance envers le gouvernement Harper. Mais puisqu'aucun parti n'a intérêt à provoquer des élections (les sondages les placent tous sous la barre des 30 %), le bras de fer doit se jouer autrement. L'opposition s'imagine triompher dans deux semaines, lorsque le président Milliken sonnera la fin de la médiation. Mais ne concluons pas trop vite à l'absence de riposte du côté conservateur.
Les experts ont beau dire qu'un recours à la Cour suprême serait inapproprié, si la chose est possible, elle n'est donc pas à exclure. Explorer toutes les portes de sortie fait partie du modus operandi de ce gouvernement. Par exemple, il a fallu, en juin dernier, que la Cour fédérale lui ordonne non seulement de rapatrier Abousfian Abdelrazik, ce Canadien coincé au Soudan, mais que celui-ci se présente devant le juge pour prouver que l'engagement avait été tenu, pour que le gouvernement cède. Visiblement, celui-ci n'avait pas grand égard pour le Canadien d'adoption.
Et il n'en a pas plus envers le Parlement, dont Stephen Harper a bousculé les usages davantage que tous ces prédécesseurs: coup de force auprès de la gouverneure générale pour ne pas être renversé par l'opposition unie, prorogation du Parlement pour éviter les débats, comités parlementaires paralysés par les agissements conservateurs... La liste est longue.
Quelle ironie d'ailleurs de constater que c'est par respect pour la Chambre que Peter Milliken a décidé de donner une nouvelle chance à «140 ans de collaboration et d'accommodement» alors que c'est précisément la mauvaise foi gouvernementale qui a conduit à ce point de rupture! C'est pourquoi il faut encore attendre avant d'applaudir la sage décision rendue.
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