Combien de temps faut-il à un immigrant au Québec pour devenir Québécois ?
Introduction : Une société en mutation
Le Québec, comme de nombreuses sociétés contemporaines, est confronté à des transformations profondes en ce début du 21e siècle. Parmi ces transformations, l’immigration occupe une place centrale dans les débats politiques et sociaux. Ce texte explore les tensions, les paradoxes et les défis liés à l’intégration des immigrants dans la société québécoise, en mettant en lumière les enjeux culturels, historiques, linguistiques et sociaux.
Entre hier et aujourd’hui : une évolution contrastée
Depuis 1995, l’immigration revient régulièrement dans le discours politique québécois, souvent instrumentalisée à des fins électorales. Les immigrants, bien qu’ils se sentent Québécois et Canadiens, sont fréquemment perçus comme des « autres ». Le débat public est marqué par des contradictions et des incompréhensions, notamment parce que les politiques tiennent suffisamment compte des besoins réels de la société d’accueil et peu ou pas du tout de ceux des communautés ethnoculturelles.
Le triptyque sociétal : Famille - Démographie (régionalisation) - Langue française.
La famille ne répond pas du tout au profil de la famille québécoise qui depuis les années``60`` s’est totalement transformée. Elle-a évolué devenant un modèle hybride, loin des structures traditionnelles notamment avec les acquis liés à l’égalité des droits entres les femmes et les hommes, l’accès des femmes au monde du travail ainsi que la protection des enfants contre toute forme de violence.
La langue française, au sein des communautés ethnoculturelles n’est pas du tout prise en charge dans les réflexions politiques. Elle est fragilisée non seulement par l’influence de l’anglais mais par la diversité linguistique des nouveaux arrivants. Son enseignement aux allophones ne répond plus aux besoins des nouveaux arrivants comme cela fut lorsque ceux-ci arrivaient avec des qualifications de hauts niveaux dans la langue de leurs pays d’origine et une maitrise partielle ou totale de la langue de Molière.
Une histoire de l’immigration au Québec
L’immigration au Québec s’est déroulée par vagues successives :
- Du 17e au 18e siècle a vu l’arrivée de communautés chrétiennes européennes (Français, Espagnols, Irlandais, Portugais…).
- Durant les années ``50``et ``60``la poursuite du flux européen a été observé et avec l’arrivée de populations d’Amérique latine, d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient la diversité s’est accrue.
- Depuis les années 2000 : On voit une augmentation incontrôlée des demandeurs d’asile et des réfugiés, avec une baisse du nombre de résidents permanents qualifiés.
Cette évolution a modifié le profil des immigrants : Ils sont moins qualifiés, moins expérimentés, et souvent porteurs de valeurs peu compatibles avec celles de la société québécoise.
La famille immigrante : entre confrontation et adaptation
La famille immigrante d’aujourd’hui diffère de celle des précédentes. Les valeurs des immigrants restent souvent ancrées dans celles de leurs pays d’origine, ce qui crée des tensions avec les normes québécoises. Les politiques d’intégration doivent tenir compte de cette réalité, en adoptant une approche cohérente et humaine. La famille immigrante d’où qu’elle vienne répond aux caractéristiques patriarcales et cultuelles. Les valeurs qu’elle apporte avec elle sont fondées sur des repères et des standards qui n’ont plus court ou le sont relativement peu au Québec.
Le statut des femmes immigrantes : un enjeu majeur
Les immigrants sont des êtres humains
La Révolution tranquille a permis des avancées significatives pour les femmes québécoises, notamment en matière de droits, d’émancipation et de reconnaissance sociale. En revanche, les femmes immigrantes, souvent issues de sociétés patriarcales, n’ont pas bénéficié des mêmes progrès. Leur féminisme est davantage sociopolitique (lutte contre le colonialisme, contre le totalitarisme, la dictature, pour la reconnaissance des droits) que socioculturel.
Les défis sont nombreux : La francisation, l’apprentissage du numérique, l’accès à l’emploi, à la santé, au logement, à l’éducation. L’émancipation des femmes immigrantes est essentielle pour éviter leur marginalisation et favoriser leur pleine citoyenneté. Le soutien aux jeunes filles immigrantes est tout aussi crucial pour leur permettre de s’engager activement dans la société québécoise en devenir.
Cependant, l’émancipation des femmes immigrantes en provenance du Sud est freinée par des pratiques patriarcales, des conflits, des violences aussi bien familiales que communautaires, des influences a distance qui deviennent des handicaps. Au Québec, les luttes féminines ont permis des progrès notables depuis les années 1960. Il est donc impératif d’étendre ces actions aux femmes immigrantes, en favorisant leur autonomie économique, leur accès à l’éducation et leur reconnaissance sociale.
Jeunes immigrants : entre chocs culturels et résilience
Je suis Québécois mais mon père est d’origine Algérienne
Les jeunes immigrants, qu’ils soient nés au Québec ou arrivés récemment, vivent des chocs culturels multiples : Même si le choc du départ, finit par s’estomper au fil du temps celui de l’arrivée se vit sur le plan identitaire. Le statut migratoire des parents influence leur propre intégration. Souvent, les parents perdent leur statut social antérieur, ce qui affecte la cohésion familiale. Malgré ces obstacles, de nombreux jeunes réussissent brillamment dans leurs études, s’engagent dans des activités communautaires et contribuent activement à la société québécoise. Pourtant, ils sont encore perçus comme des immigrants, même s’ils sont nés ici.
Apprentissage du français : un levier d’intégration
Il dit parler en français mais je ne le comprends pas
La maîtrise du français est essentielle pour l’intégration des immigrants. Les cours de francisation doivent être adaptés aux besoins des apprenants, notamment en milieu professionnel. Les contenus actuels sont souvent insuffisants ou inadaptés.
Les immigrants francophones (issus d’anciennes colonies françaises) ont plus de facilité à apprendre le français que ceux venant de pays anglophones ou moyen orientaux. Cela confirme que le capital linguistique francophone étant lui-même en déclin dans certains pays du Sud, les bassins de recrutement devraient être revus avec d’autres critères.
Planification et régionalisation : un défi stratégique
La régionalisation de l’immigration ne peut être prescrite sans préparation. Elle nécessite une coordination entre les lieux d’arrivée et les régions d’accueil, une répartition équitable des ressources, et une réduction des délais de traitement des dossiers. Le document de planification triennale 2026-2029 du gouvernement a fait l’objet de critiques avoir seulement ciblé les seuils en occultant les autres paramètres. La quête d’harmonie sociale exige une réflexion approfondie sur les impacts sociaux de l’immigration, tant pour les Québécois que pour les immigrants eux-mêmes.
Conclusion : vers une intégration réfléchie
A mon humble avis, la planification de l’immigration devrait anticiper les contraintes identitaires, politiques culturelles, sociales et économiques. Elle devrait promouvoir des solutions adaptées aux besoins des populations. Si certains paramètres plaident pour une augmentation des seuils d’immigration (pénurie de main-d’œuvre, vieillissement démographique), d’autres justifient leur réduction (inadéquation des profils, tensions sociales).
Le Québec a tout intérêt à repenser ses politiques d’immigration pour favoriser une intégration réussie, mutuellement avantageuse aussi bien pour la société d’accueil que pour les sociétés immigrantes. Cela implique de reconnaître dès le départ les immigrants comme des citoyens à part entière, capables de contribuer aux transformations futures de la société dans toutes ses composantes.
Ferid Racim Chikhi
Témoin des convergences et des fractures










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