Le 29 mai marquera la Journée internationale des Casques bleus des Nations unies (ONU). Cela constitue un moment propice pour s'interroger sur l'évolution de la position canadienne quant au maintien de la paix onusien. Devenues l'un des outils principaux de la communauté internationale pour gérer les crises complexes qui menacent la sécurité internationale, les opérations de maintien de la paix (OMP) de l'ONU ont su et dû s'adapter aux nouvelles réalités stratégiques et géopolitiques du moment malgré le déclin de la participation canadienne.
Dans le sillage des déboires des opérations de paix au Rwanda, en Somalie et en Bosnie, l'ONU a entrepris un examen approfondi de ses pratiques de maintien de la paix avec notamment le rapport Brahimi, en 2000, qui a initié une véritable transformation du milieu. Cependant, dix ans après l'adoption de ce rapport, le maintien de la paix est toujours aux prises avec des problèmes de sous-financement chronique ainsi qu'avec un manque d'intérêt et de participation en matière d'effectifs de la part des principaux pays occidentaux. À ce titre, le Canada ne fait pas exception, malgré l'importance que revêt le maintien de la paix dans l'imaginaire collectif canadien.
Recrudescence des missions de paix
En 2009, les Nations unies ont déployé plus de Casques bleus qu'à tout autre moment de leur histoire. Le personnel déployé dans les opérations de maintien de la paix de l'ONU est plus de cinq fois supérieur à celui d'il y a dix ans. Avec plus de 124 000 troupes, civils et policiers déployés, l'ONU compte aujourd'hui plus de troupes sur le terrain que n'importe quel autre acteur dans le monde à l'exception des États-Unis — soit plus que la France, la Chine, la Russie et le Royaume-Uni réunis. Dans les prochaines années, on prévoit une croissance de la demande pour des opérations de paix onusiennes.
La multiplication des OMP n'est pas le fruit du hasard. Si elles sont si populaires, c'est principalement parce qu'elles ont démontré à la communauté internationale leur grande utilité comme outil dans la résolution et la gestion des conflits. Avec un budget annuel d'environ 8 milliards de dollars, soit le double du budget annuel des forces de police de la ville de New York, l'ONU gère pas moins de 16 missions sur le terrain, dans des régions allant du Darfour à la République du Congo en passant par Haïti. Toutefois, il existe un fort déséquilibre géographique dans la participation au maintien de la paix. Si les pays du «Nord» financent largement les missions, les effectifs sur le terrain proviennent majoritairement des pays en développement. Ce fardeau devient de plus en plus lourd à porter pour des pays comme l'Inde, le Bangladesh ou le Nigeria.
Les OMP onusiennes ont besoin des capacités militaires et civiles des pays comme le Canada pour réduire la surcharge opérationnelle et garantir des forces d'intervention rapides, mobiles et robustes.
De la tradition à l'abandon
Bien que la demande en Casques bleus n'ait jamais été aussi forte, la contribution du Canada n'a presque jamais été aussi faible. Pire encore, les grands changements qu'ont connus les OMP au cours des dernières années ne semblent même pas avoir été pris en note par le Canada qui, rappelons-le, a joué un rôle de premier plan dans l'élaboration de cet outil de gestion des conflits. Certains décideurs politiques au Canada ont choisi de délaisser le maintien de la paix au profit d'une plus grande interopérabilité avec les Américains et l'OTAN.
La contribution canadienne en ce qui touche le personnel sur le terrain a par conséquent chuté radicalement. Si en 1992 le Canada était le premier pays contributeur de Casques bleus; aujourd'hui, il est recalé au 58e rang, entre l'Ouganda et le Zimbabwe. La participation canadienne au maintien de la paix est maintenant constituée de 99 policiers, 37 experts militaires et 24 militaires.
L'heure des choix
Le Canada est à la croisée des chemins quant à son rôle sur la scène internationale. Le retrait annoncé des troupes d'Afghanistan en 2011 ouvre la porte à un réengagement dans les OMP. À cela s'ajoute la campagne de séduction du Canada auprès des États membres de l'ONU pour obtenir un siège non permanent au Conseil de sécurité en janvier 2011. Cette candidature serait considérablement moussée par une participation canadienne à une ou des opérations de paix.
Toutefois, le Canada a récemment opposé une fin de non-recevoir aux demandes de l'ONU de contribuer à la mission en RDC sans avoir tenu un véritable débat public sur les mérites de cette mission potentielle.
À l'heure où la population canadienne est majoritairement favorable à un rôle strictement de maintien de la paix pour les Forces canadiennes, et pendant que certains pays de l'OTAN tels que la France et l'Italie ont repris du service au sein des OMP et que l'administration Obama a tenu à rencontrer les pays contributeurs de troupes, le gouvernement canadien fait toujours bande à part.
Il serait dommage que le Canada abandonne l'outil pour lequel il a travaillé si fort à façonner au moment où l'ONU a besoin plus que jamais de personnel ayant un savoir-faire et des capacités logistiques et militaires avancées pour faire face aux nouvelles réalités.
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Ont signé ce texte: Warren Allmand (président du Mouvement fédéraliste mondial, Canada), Paul LaRose-Edwards (directeur général CANADEM), Dominic F. Leger (coordonnateur du Groupe de travail sur les opérations de paix), Nicolas Lemay-Hébert (professeur invité à l'École des sciences de la gestion de l'UQAM et directeur de l'Observatoire sur les missions de paix de la chaire Raoul-Dandurand, UQAM), Peggy Mason (ancienne ambassadrice du Canada pour le désarmement), Carolyn McAskie (ancienne sous-secrétaire générale de l'ONU à l'appui à la consolidation de la paix), John Siebert (directeur général de Project Ploughshares).
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