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Il y a 75 ans, le 21 janvier 1948, le gouvernement du Québec, dirigé à l’époque par Maurice Duplessis, accorde par décret le statut de drapeau officiel au fleurdelysé.
Ce jour-là, on décroche l’Union Jack britannique qui flotte au sommet de la tour centrale du parlement de Québec pour le remplacer par un drapeau bleu traversé d’une croix blanche avec quatre fleurs de lys qui pointent vers le centre.
C’est qu’il n’existe pas d’exemplaire du drapeau officiel qui vient d’être adopté à l’Assemblée législative du Québec (ancien nom de l’Assemblée nationale du Québec).
On doit attendre 12 jours pour que l’esquisse de notre drapeau national, avec ses quatre fleurs de lys positionnées bien droites aux quatre coins, soit présentée.
Deux ans plus tard, une loi officialise finalement cette décision ministérielle.
- Écoutez l'entrevue avec Pierre B. Berthelot à l’émission de Guillaume Lavoie diffusée chaque jour en direct 14 h 15 via QUB radio :
ORIGINES
Quelle est l’origine de ce beau drapeau bleu et blanc ? Pour connaître son histoire, remontons d’à peu près 500 ans, à l’époque de la Nouvelle-France.
D’abord, la fleur de lys apparaît officiellement en Amérique du Nord, en 1534, lorsque Jacques Cartier plante, à Gaspé, une croix de bois qui porte les armoiries du royaume de France sur lesquelles paraissent trois fleurs de lys dorées. Un geste plutôt colonial qui va grandement déplaire, il faut se le dire, au chef Donnacona.
Néanmoins, le symbole de la fleur de lys s’implantera dans notre patrimoine collectif durant toute la période coloniale française.
L’ancêtre le plus direct de notre drapeau fleurdelysé que nous avons trouvé est sans aucun doute l’étendard militaire de la bataille de Carillon. Cette bannière en est une de procession. Elle aurait flotté lors de la bataille de Fort Carillon en 1758 à Ticonderoga, dans l’actuel État de New York. Les troupes françaises du général de Montcalm et l’armée britannique de James Abercrombie s’y sont affrontées.
PHOTO D'ARCHIVES, DU DOMAINE PUBLIC TIRÉE DE LA COLLECTION DE BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES NATIONALES DU QUÉBEC
Les Français sortent victorieux lors de la bataille de Fort Carillon en 1758.
Évidemment, après la chute de la Nouvelle-France (1760-1763), les pavillons français laissent toute la place à ceux des Britanniques, dont l’Union Jack sur lequel figuraient la croix anglaise de saint Georges, la croix écossaise de saint André et, un peu plus tard, la croix irlandaise de saint Patrick.
Au moment des soulèvements patriotes, on voit alors apparaître plus concrètement des drapeaux nationaux conçus par la population, comme le tricolore à bandes horizontales vert, blanc et rouge.
Ces drapeaux vont rapidement être abandonnés après la défaite des nationalistes patriotes en 1838.
CURÉ FILIATRAULT
Au tournant du 20e siècle, de nouvelles initiatives en matière de drapeaux émergent au Québec et engendrent un changement majeur dans notre histoire.
En 1902, Elphège Filiatrault, le curé de Saint-Jude, dessine un drapeau qu’il nomme le « drapeau de Carillon » et le fait hisser au-dessus du balcon de son presbytère. Son beau drapeau, inspiré par la fameuse bannière de Carillon, est composé de quatre fleurs de lys inclinées vers le centre. Filiatrault y ajoute cependant une croix blanche sur un beau fond bleu.
L’année suivante, en 1903, on y place un Sacré-Cœur au milieu. Cette version du drapeau s’implante rapidement sur le territoire de la province de Québec au début du 20e siècle.
Tellement que le 11 novembre 1926, le gouvernement du Québec reconnaît officiellement ce symbole comme celui de la populaire Société Saint-Jean-Baptiste. Quelques années plus tard, en 1935, le Sacré-Cœur est supprimé, le drapeau obtient alors sa remarquable appellation de fleurdelysé.
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Le Carillon moderne brandi lors d’une parade de la Saint-Jean-Baptiste en 1946.
MAURICE DUPLESSIS
C’est durant la Seconde Guerre mondiale que des Canadiens français influents et nationalistes font pression pour qu’un drapeau tout à fait canadien devienne notre drapeau national du Québec.
En 1946, l’Assemblée législative du Québec demande officiellement à Ottawa l’adoption d’un drapeau plus représentatif, mais le gouvernement plutôt impérialiste de Mackenzie King refuse catégoriquement d’abandonner le Red Ensign britannique.
Les partisans d’un drapeau québécois redoublent alors d’ardeur pour doter la province de son propre emblème. Cette pression s’intensifie en décembre 1947 quand le député René Chaloult dépose une motion à l’Assemblée législative du Québec pour inviter le gouvernement de l’Union nationale de Maurice Duplessis à adopter officiellement un drapeau pour le Québec.
La motion doit être débattue après le temps des Fêtes, en janvier 1948. La pression populaire en faveur du fleurdelysé est si forte que le premier ministre Duplessis est forcé d’agir.
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Le Conseil des ministres était dirigé à l’époque par Maurice Duplessis.
Il faut dire que Duplessis n’est vraiment pas opposé à l’idée, mais il cherche plutôt une façon de s’approprier l’initiative du projet de drapeau national.
En comité, on suggère des ajouts pour améliorer le projet de drapeau. Par exemple, on propose d’y intégrer des éléments des armoiries du Québec : une couronne rouge pour symboliser le royaume de France ou d’Angleterre, un lion, ou même une feuille d’érable.
Par ailleurs, certains historiens croient que l’idée de redresser tout simplement les fleurs de lys vient du très influent chanoine Lionel Groulx.
21 JANVIER
Bref, c’est dans ce contexte que le 21 janvier 1948, vers 11 h le matin, le député René Chaloult reçoit un appel du premier ministre Duplessis, qui lui annonce que le drapeau du Québec flottera le jour même à 15 h sur la tour centrale du parlement.
Le bureau de Duplessis convoque en urgence le président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Québec et le somme de trouver en vitesse un drapeau à hisser sur le grand mât du parlement.
Au début de l’après-midi, le Conseil des ministres adopte le décret ministériel numéro 72 sur le drapeau de la province de Québec.
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Le drapeau de la province de Québec flottant sur le parlement, à Québec, en 1948.
Faute d’avoir la nouvelle version du drapeau, on hisse le drapeau fleurdelysé avec les quatre fleurs de lys orientées vers le centre.
Maurice Duplessis annonce ensuite la nouvelle aux députés en déclarant solennellement : « [...] Nous nous rendons avec une grande joie au désir de la population [...]. Ce drapeau, ce sera le fleurdelysé avec une légère modification. Nous avons en effet décidé, conformément aux principes de l’héraldique, de faire redresser les fleurs de lys qui apparaissent aux quatre coins du drapeau. »
Le libéral et chef de l’opposition Adélard Godbout approuve le projet. Le chef du Bloc populaire André Laurendeau ainsi que l’initiateur de l’idée, le député indépendant René Chaloult, applaudissent aussi la décision. Chaloult rend même hommage au premier ministre Duplessis en déclarant : « Ce drapeau est un geste autonomiste d’un gouvernement qui défend l’autonomie. Je remercie le gouvernement et je le félicite ; le premier ministre vient de poser là un geste digne de Honoré Mercier. Désormais, lorsque nous arriverons au parlement et que flottera sur la tour notre drapeau, nous nous sentirons plus chez nous. »
Fin stratège, le premier ministre Duplessis utilisera le fleurdelysé en campagne électorale, il en fera même « son drapeau ».
Dès son adoption, le drapeau fleurdelysé est accueilli très favorablement par les citoyens du Québec, si bien que dans les années 1960, avec les changements provoqués par la Révolution tranquille, le fleurdelysé devient doucement le symbole de la spécificité du peuple québécois et de son puissant désir d’émancipation.
SAVIEZ-VOUS ?
Une mauvaise disposition du drapeau peut mener à une amende pouvant s’élever à 50 000 $ ?