L'invasion de l’Ukraine sur ordre de Poutine et sa reconnaissance des territoires séparatistes russophones du Donbass sont dénoncées avec véhémence – et avec raison – à Washington et dans les capitales de l'OTAN. L'Assemblée générale des Nations unies a également, comme il se doit, condamné l'invasion russe.
Une «violation du droit international», ont clamé le président Biden et le secrétaire d'État, Antony Blinken.
En 1999, ce même Blinken, alors responsable des affaires européennes au Conseil national de sécurité américain, a approuvé la création de la république indépendante du Kosovo enlevé à la Yougoslavie et y a participé. L’opération est soutenue par l’OTAN. Une violation flagrante du droit international.
Une commission des Nations unies a bizarrement conclu que l’'intervention de l'OTAN était «illégale, mais légitime». Elle a entraîné des atrocités majeures et un nettoyage ethnique des populations minoritaires serbes et roms par l'Armée de libération du Kosovo, soutenue par les États-Unis.
Les principes invoqués par Biden et Blinken ne s'appliquent qu'aux autres. Lorsque leurs intérêts sont en jeu, les États-Unis ne font pas mieux que la Russie et la Chine. Ils agissent unilatéralement en ignorant les règles du droit international.
Quand il s’agit de pays dans leur sphère d’influence en Amérique, c’est la doctrine Monroe qui s’applique.
Articulée par le président James Monroe en 1823, elle avertit les puissances européennes qu'elles doivent s'abstenir d'intervenir dans l'hémisphère occidental considéré dorénavant comme un «protectorat» américain.
La doctrine Monroe a été invoquée en 1865 quand Washington a soutenu diplomatiquement et militairement le président mexicain Benito Juárez dans sa révolte réussie contre l'empereur Maximilien, placé sur le trône mexicain par Napoléon III.
Au cours du 20e siècle, les États-Unis ont orchestré des changements de gouvernement en Amérique latine au moins 41 fois.
Dans 17 cas, par une intervention directe des Marines ou d’agents du gouvernement américain. Dans 24 autres cas, des acteurs locaux ont joué les rôles principaux soutenus en sous-main par Washington.
Quelques exemples. Au Guatemala, en 1954, la CIA a organisé la chute du président démocratiquement élu Jacobo Arbenz lorsque sa réforme agraire a menacé les intérêts de la United Fruit Company, le plus grand propriétaire terrien du pays qu'il tentait d'exproprier. Une campagne de relations publiques orchestrée par la CIA a dépeint Arbenz comme un ami des communistes. La fausse nouvelle a été gobée par une grande partie des médias américains.
À l'exception du président Eisenhower, tous les décideurs américains importants impliqués dans l'opération avaient des liens avec la United Fruit Company. Tiens, tiens, des oligarques américains! L’affaire a fait du Guatemala la première république de bananes de l’histoire.
En 1962, la doctrine Monroe a été invoquée lorsque l'Union soviétique a commencé à construire des sites de lancement de missiles à Cuba. Kennedy a décrété un blocus naval et aérien autour de l'île, qu'il a qualifié de «quarantaine». Un blocus est un acte de guerre en vertu du droit international. Après plusieurs jours tendus, Khrouchtchev a accepté de retirer ses missiles de Cuba. En échange, les États-Unis ont discrètement retiré leurs missiles nucléaires Jupiter de Turquie.
L'année précédente, une tentative des Américains pour renverser Fidel Castro avait lamentablement échoué avec le débarquement raté à la baie des Cochons d’exilés cubains, entraînés, équipés et financés par la CIA.
S’adressant aux membres de la Bay of Pigs Veterans Association en avril 2017, l’ancien ambassadeur américain à l’ONU, John Bolton, a déclaré: «Aujourd'hui, nous proclamons fièrement pour que tous entendent: la doctrine Monroe est bien vivante.»
À Washington, les décideurs, les politiciens et les médias ont longtemps cru que les États-Unis pouvaient imposer des arrangements politiques à leur avantage, que ce soit en Amérique ou ailleurs dans le monde.
En réalité, les États-Unis n'ont jamais eu cette capacité et ils ne l'ont certainement plus aujourd'hui. Rappelez-vous la fin désastreuse de leurs interventions militaires au Vietnam, en Irak et en Afghanistan, pour ne mentionner que les plus notoires, où la force a été employée plutôt que des moyens clandestins.
Comme toutes les autres grandes puissances de l'histoire, la Russie, les États-Unis et la Chine violent le droit international quand ça sert les intérêts de leurs élites dirigeantes. Et aussi pour satisfaire leur quête de pouvoir et leur volonté de puissance.