Pierre Bouchard - Le difficile changement de paradigme

Un seul choix véritable : le Parti Québécois

Chronique de Jean-Claude Pomerleau

Dans votre texte , vous m'interpellez directement avec des questions for pertinentes. Comme les réponses à la plupart de ces questions se retrouvent dans mes textes déjà publiés, cela me permet d'y revenir. Pour faciliter la compréhension de mon argumentaire je vais la structurer en trois thèmes : La fin de la fixation référendaire ; le plan de gouvernance souverainiste ; la direction politique du plan.

UN : La fixation référendaire.

Monsieur Bouchard, vous dites « plusieurs indépendantistes baignent carrément dans l’illusion qu’il suffit de convaincre une majorité de voter OUI, de compter les bouts de papier et si on a la majorité, on a un pays. » Je ne suis pas de ceux-là et je crois bien que la plupart des gens qui pensent ainsi sont ceux pour qui, dans une "pensée binaire", souveraineté = PQ, donc il faut voter PQ.

Je suis bien heureux d'apprendre que vous "n'êtes pas ceux là» ; mais je diffère avec vous, ceux qui pensent ainsi ne sont pas dans une "pensée binaire" souveraineté=PQ, mais bien souveraineté=référendum. Et ils sont nombreux, pour ne citer que la dernière, Josée Legault : " (indépendance) Une réalisation qui, de par le monde, peut se faire par référendum, mais aussi, par d’autres moyens démocratiques." Malheureusement, cette affirmation ne passe pas le test de notre réalité.

L'État canadien a clairement exprimé sa volonté de ne pas reconnaître une victoire du Oui en 1995. Et comme l'État du Québec n'était pas dans un rapport de force favorable pour rendre effective sa décision, ce référendum était un piège à con : Pile on perdait, face on ne gagnait pas ; et au passage on flirtait avec la menace bien réel de la partition.

Tant et aussi longtemps que l'État canadien va refuser de jouer le jeu démocratique, le référendum va demeurer un repoussoir très utile aux fédéralistes. Et la population va écarter ceux qui en font une fixation ; c'est ce qui explique le vote du 2 mai. Le message est clair, ayant renoncé au Canada, la population nous force à revenir à l'État national.

Dans ce contexte, le constat géopolitique qui s'impose c'est que, seul un rapport de force favorable mène au changement de statut d'un État, "de par le monde". Il faut donc abandonner la fixation référendaire pour adopter une stratégie afin de bâtir ce rapport de force. Est-ce l'abandon du référendum ou simplement le constat que celui-ci ne fait que formaliser (de jure) une situation qui existe de fait (de facto). Bref un changement de paradigme.

Monsieur Bouchard, vous dites aussi : "M. Pomerleau, vous dites et ne dites plus autre chose que cela : il faut bâtir le rapport de force. M. Pomerleau croyez-moi, nous avons bien compris. On en parlait sur Vigile en 1998, on est d’accord, il ne suffit pas d’un peu plus de 50 % de Oui à un référendum pour que naisse automatiquement le pays. Nous ne sommes pas idiots, M. Pomerleau, y a-t-il quelqu’un qui vous obstine là-dessus ?"

Oui, plusieurs. Et je dirais qu'entre ceux qui comprennent et ceux qui ne le font pas, on a deux groupes antagonistes, ce qui explique en grand partie les convulsions qu'a connu le mouvement. C'est pourquoi je parle du difficile changement de paradigme.

Vous ajouter : "... passez à l’étape suivante, svp."

Cette étape c'est le Plan de gouvernance souverainiste. Une stratégie qui suppose un retour aux assises de l'État national afin de bâtir le nécessaire rapport de force. Bref la seule stratégie possible que j'ai commentée dans plusieurs textes (depuis 2008).

DEUX : Le Plan de gouvernance souverainiste

["En fait, ce plan contient des volets qui sont de loin plus porteurs pour la cause si on les examine au mérite. J’en retiens deux qui supposent une stratégie d’État d’envergure à condition d’être assumer par un leadership proactif : la Constitution de l’État du Québec (dans le prolongement de la Loi 99, par laquelle le Québec s’est reconnu comme un État de jure) ; et la proposition d’une politique d’indépendance énergétique."

(...)

Ces deux volets du Plan Marois, ajoutés à la volonté d’ouvrir des fronts multiples (2) pour "faire bouger les lignes" (G. Larose), ont le potentiel de créer une dynamique politique évoquant une deuxième Révolution tranquille. Rappelons que la première a créé une dynamique qui a transformé la plupart des acteurs politiques qui l’ont amorcée, de fédéralistes à souverainistes ; ce qui a donné naissance à un mouvement souverainiste de masse. De plus elle a transformé l’identité d’un peuple : de canadien-français à québécois (en adéquation avec le territoire de l’État). C’est aussi à cette époque que le terme d’État du Québec apparaît clairement dans le discours politique. René Lévesque, dans son rapport de force avec les "trusts" anglo-saxons qui s’opposaient à la nationalisation de l’Hydro, a fait ce constat : "Nous n’avions que notre État Québec". Il avait compris que "Seul l’État agit avec envergure" (J.R.M. Sauvé).
->http://www.vigile.net/Le-difficile-changement-de]
(...)


Est-ce que dans ma lecture j'en mets plus qu'il y en a en réalité. M Michel Laurence fait un commentaire très pertinent à ce sujet :"Rien, rien de ce que disent ou font Mme Marois et le PQ depuis des années ne peut nous laisser croire qu’ils partagent les mots et intentions de Messieurs Pomerleau et Sauvé."

Je partage en partie ce scepticisme. C'est pourquoi j'ai écris un autre texte pour inviter Mme Marois (qui suis-je) à élever le jeu de son parti de quelques crans : C’est qu’il y a le plan et la direction politique du plan.

TROIS : la direction politique du plan.

La condition première pour rendre ce plan crédible comme stratégie d’État, c’est qu’il soit assumé avec carrure par la direction politique. Et c’est là que, de toute évidence, se pose le problème actuellement avec la Parti Québécois. Cette carrure, on l’a cherchée et il tarde qu’elle se manifeste, alors même que nous sommes inscrits dans une tendance structurelle lourde qui mène la Nation à la « folklorisation » et la « louisianisation ».

Du cran Madame

« Cette situation met clairement en cause le leadership de madame Pauline Marois. Elle doit élever le jeu de son parti de quelques crans (du cran) afin de le mettre à niveau avec le défi existentiel qui se pose actuellement. Et le temps pour le faire est court. » Pour élever le jeu du parti de quelques crans, pourquoi pas la création d'une version actuelle de l'Équipe du tonnerre.


Depuis, 3 solides candidats ont rejoint le parti. Dont un, Daniel Breton qui s'est donné comme mission d'enclencher dès la prise du pouvoir la Révolution tranquille phase 2. Pour l'avoir observer depuis quelques années, je peux garantir qu'il a la vision, l'expertise et l'intégrité pour remplir ce mandat que lui a accordé Mme Marois. Ce qui me réconforte c'est qu'il a la carrure pour changer la dynamique politique de ce parti, à condition d'avoir un peu de temps. ("Le temps est court et l'art est long" Sénèque).

Face à l'élection éminente nous devons nous demander si on peut se permettre de laisser notre État dans les mains des réseaux d'argent pour un autre mandat en votant dispersé (un nouveau parti). Ou si on comprend l'urgence de la situation et on fait le seul choix véritable qui s'offre pour sortir les affairistes du pouvoir et en reprendre le contrôle : le Parti Québécois ... avec l'Équipe du tonnerre.
En dehors des crispations conceptuelles vides de substance politique, il importe de comprendre que le seul vecteur du projet de souveraineté c'est l'État du Québec.
Pierre Bouchard : Questions et réponses


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6 commentaires

  • Marcel Haché Répondre

    3 février 2012

    M. Pomerleau
    Je ne suis pas certain qu’une nouvelle génération d’indépendantistes prenne toute la mesure de ce que peut être une « équipe du tonnerre ». Beaucoup parmi la génération humiliée (feds et indeps) par Le Score, par Le résultat du maudit référendum de 95 n’arrivent plus à simplement imaginer qu’un P.Q. au pouvoir n’aurait plus rien à voir avec le P.Q. issu de la spirale descendante, résultant elle-même de la perte du référendum.
    Avant que l’équipe du tonnerre des années 60 n’arrive au pouvoir et lance la révolution tranquille, les libéraux--rénovateurs du temps, les temps ont bien changé-- ont dû faire ce qui fut une longue traversée du désert. G.E.Lapalme a écrit de belles choses là-dessus.
    Il n’en tient qu’aux indépendantistes de considérer maintenant que leur traversée du désert se terminerait avec l’élection du P.Q. Sans le Pouvoir, cette traversée pourrait se continuer encore longtemps. Ce n’est pas qu’une si longue marche, continuée, serait moins digne ni honorable, c’est qu’elle serait inutile. Elle l’est déjà, inutile, l’indépendance étant à portée de la main, le P.Q. de Pauline Marois étant guéri de son virus le plus toxique : le référendisme.

  • Archives de Vigile Répondre

    3 février 2012

    Monsieur Pomerleau, je partage entièrement votre point de vue. Je l'ai dis et écris à ma façon, mais sans entrer dans la tuyauterie comme vous le faites si bien. La tuyauterie (la tactique, la stratégie...) n'est pas mon domaine. Je m'y perd facilement.
    « L'équipe du tonnerre... une carrure... », ouais ! C'est la bonne direction, et on peut déjà percevoir que c'est en ce sens que les choses s'en vont au PQ. Si seulement Marois pouvait ramener quesques démissionnaires dans cette Équipe du Tonnerre, et le faire au bon moment, ce serait presque gagné.
    Au plaisir de vous lire de nouveau,
    André Vincent

  • Archives de Vigile Répondre

    3 février 2012

    Monsieur Pomerleau
    Je suis entièrement d'accord avec le commentaire de M. Bouchard. On ne me rentrera jamais dans la tête, l'idée, qu'un parti politique comme le PQ qui se dit souverainiste, puisse réaliser l'indépendance du Québec avec les accointances qu'il possède avec "l'establishment" économique" québécois qui a toujours été fédéraliste; c'est la quadrature du cercle. PQ, PLQ et la CAQ = même combat pour le maintien du fédéralisme "canadian".
    La souveraineté prônée par le PQ n'est qu'un attrape-nigaud
    pour aller chercher le vrai vote indépendantiste dans le seul but de prendre le "p'tit" pouvoir provincial de merde qui est l'expression de notre état de colonisé et de notre incapacité à se diriger en peuple adulte normal. Le reste n'est que de la boulechite! Jamais plus, le PQ n'aura mon vote; j'ai été leurré trop longtemps. VIVE L'OPTION NATIONALE
    André Gignac 3/2/12

  • Archives de Vigile Répondre

    3 février 2012

    L'équipe du tonnerre c'était encore l'époque des trente glorieuses, nous vivons désormais une période de crise mondiale profonde caractérisée par une forte poussée au Québec, au Canada et en Europe des valeurs anti-nationales du Nouvel ordre mondial, puissant agent de destruction des autonomies politiques et économiques.
    Le nationalisme patriote qui a donné les meilleures politiques de la révolution tranquille est un exploit qu'il est impossible de rééditer aujourd'hui car la fenêtre de liberté qui existait à l'époque s'est aujourd'hui refermée. Le PQ est un parti soumis à Gesca et de Radio-Canada, donc soumis aux pouvoirs qui forment l'opinion publique et par conséquent soumis aux puissances financières. Ce sont les conditions indispensables pour l'élection de tout parti politique dans le contexte géo-politique actuel.
    Votre assertion que l'élection du PQ nous soustrairait au poids des réseaux d'argent ne tient pas la route. Le PQ fait tout pour se rendre «présentable» aux yeux des réseaux qui travaillent dans le sens opposé à l'émancipation politique et économique du Québec. Il l'a prouvé dans le passé et il le prouve aujourd'hui encore en ne parlant pas de souveraineté parce que les puissances qu'il doit courtiser pour se faire élire n'en veulent pas.
    Votre argumentaire est rigoureux mais il est basé sur de faux a priori. Par conséquent...
    GV

  • Archives de Vigile Répondre

    2 février 2012

    M. Pomerleau,
    S’il y en a un ici qui dénonce le culte du référendum, que ça a l’effet de repoussoir, c’est bien moi. Et j’ai déjà dit que le plan Larose était bienvenu, enfin une façon différente de procéder. Vous parlez de Constitution, j’en ai amplement parlé moi aussi. Une Constitution québécoise engendre le Droit québécois, ça met de la chair autour de l’os, ça matérialise l’opposition à la Constition canadian, le Droit canadian.
    Quand je vous demande de passer à l’étape suivante, je demande que vous réfléchissiez un pas plus loin, je vous demande d’aller au bout de votre réflexion, pas de me présenter encore une fois la seconde étape de votre vision des choses.
    Vous vous défilez M. Pomerleau, ou riez-vous simplement de moi ?
    Vous parlez d’un leadership pro-actif. Décidément M. Pomerleau, vous n’êtes pas sérieux. Vous évoquez une seconde Révolution tranquille, vous parlez d’une équipe du tonnerre. Si vraiment vous pensez ce que vous dites alors je comprends à qui j’ai affaire, je ne vous achalerai plus. Le scénario que j’évoque, moi, bien que théorique (je sais bien qu’il se passe toutes sortes d’événements qui peuvent accélérer ou ralentir les choses), mon scénario se base sur l’histoire du PQ depuis 1995. Il n’est pas absolument certain que ça va se passer comme je le dis, mais c’est ce qui est le plus raisonnable de croire à la lumière du comportement du PQ.
    Vous parlez tout seul, vous ne commentez pas le fait que pour Mme Marois, c’est bel et bien la fixation du référendum, elle l’a dit. Son plan de gouvernance souverainiste, qui n’a que peu de rapport avec le plan Larose, ne change rien au fait que pour elle, ultimement, il y aura un référendum.
    Lisez le commentaire de M. Patrick Diotte à mon texte : votre pensée et la sienne sont diamétralement opposées et pourtant, tous les deux, vous souhaitez que le PQ gagne les prochaines élections sans changer fondamentalement. Qui de vous deux se trompe le moins au sujet des intentions de Mme Marois ?
    Vous terminez en disant qu’ultimement, s’il s’avérait que Mme Marois est un imposteur, il faut quand même voter pour le PQ pour se débarrasser des « réseaux d’argents », des affairistes, etc. Vous vous trompez M. Pomerleau, avec le PQ actuel soyez-en assuré, il y aura encore et toujours le même genre de magouille, car le PQ est lui aussi attaché, il a ses dettes lui-aussi.
    En voulant porter le PQ actuel au Pouvoir, vous choisissez la sauvegarde ponctuelle de notre économie et la mort de notre peuple, à terme. Moi Monsieur, je fais le choix inverse. Le seul choix raisonnable.

  • Henri Marineau Répondre

    2 février 2012

    Vous dites:
    "Face à l’élection éminente nous devons nous demander si on peut se permettre de laisser notre État dans les mains des réseaux d’argent pour un autre mandat en votant dispersé (un nouveau parti). Ou si on comprend l’urgence de la situation et on fait le seul choix véritable qui s’offre pour sortir les affairistes du pouvoir et en reprendre le contrôle : le Parti Québécois ... avec l’Équipe du tonnerre."
    À mon sens, il vaut mieux voter "dispersé" et "rassembleur" dans un avenir rapproché,pour une équipe qui s'affiche véritablement pour l'indépendance du Québec, à savoir l'Option nationale, que pour une équipe qui projette davantage d'éclairs aveuglants que de tonnerre, telle le PQ actuel!