L’intelligence artificielle pour améliorer la réussite scolaire : le ministère de l’Éducation entreprend un virage « sans précédent »

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À surveiller de très près : les données doivent demeurer au service de l’intérêt des écoliers, et non l’inverse


Québec investit dans un virage numérique «sans précédent» qui vise à améliorer la réussite scolaire grâce à l’intelligence artificielle, ce qui permettra notamment d’identifier les élèves à risque et d’intervenir efficacement auprès d’eux.


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L’initiative a toutefois été accueillie avec réserve par les syndicats d’enseignants. Or l’aventure est déjà en branle au Centre de services scolaire au Cœur-des-Vallées, en Outaouais, depuis environ deux ans.  


Dans ce centre de services, on a voulu agir en amont plutôt que d’attendre qu’un élève s’absente de l’école pendant quelques jours avant de tirer la sonnette d’alarme. 


Un outil a été conçu en collaboration avec une entreprise privée: il sert à prédire quels sont les adolescents les plus susceptibles de décrocher. Non seulement on prend en compte, bien sûr, les résultats scolaires, mais aussi plusieurs autres facteurs (absences, problèmes de comportement, etc.).


Depuis le début de l’année, les directions d’école reçoivent chaque mois une liste d’élèves à surveiller de près. Les équipes-écoles peuvent ainsi adapter leurs interventions et leurs services à cette liste mensuelle. 


«C’est un outil vraiment incroyable, ça nous permet de détecter des élèves qui sont dans une zone grise et qui tombaient dans une craque avant», affirme Daniel Bellemare, directeur général de ce centre de services scolaire. 


L’équipe-école, qui n’a plus à faire elle-même l’analyse des données avec les moyens du bord, a ainsi plus de temps à consacrer à ses élèves, ajoute-t-il. 


Projet d’intelligence numérique


Ce type d’initiative fait partie du «projet d’intelligence numérique» qui a été annoncé lundi par le gouvernement Legault.  


Le Centre de services scolaire au Cœur-des-Vallées ainsi que celui du Val-des-Cerfs, en Montérégie, ont «montré la voie» en agissant comme des «pionniers» à ce chapitre, a indiqué le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge. 


Un portrait en temps réel 


En plus de rendre disponible ce type d’outil dans l’ensemble du réseau scolaire, le ministère de l’Éducation misera sur l’utilisation des données «en temps réel» afin de permettre une meilleure gestion du réseau de l’éducation.  


Jusqu’à tout récemment, les données étaient collectées manuellement dans le réseau scolaire, ce qui représentait un véritable «parcours du combattant». Cette façon de faire, qui a ralenti le réseau scolaire pendant la pandémie, «n’est plus acceptable» en 2022, a affirmé le ministre Roberge. 


Le recours à l’intelligence numérique fera produire des «tableaux de bord» qui serviront à mieux orienter les décisions du gouvernement et du réseau scolaire en vue d’améliorer les services offerts aux élèves, a-t-il ajouté, tout en établissant un parallèle avec les changements apportés au ministère de la Santé depuis le début de la pandémie. 


Dès la rentrée 2022, les premières données intégrées portant sur l’absentéisme des élèves et leur réussite, sur les besoins en matière de personnel scolaire et sur l’avancement des travaux dans les écoles seront disponibles. D’autres données en temps réel s’ajouteront par la suite. 


Il s’agit du «premier grand projet en intelligence artificielle du gouvernement du Québec», a indiqué, de son côté, le ministre Éric Caire, responsable de la Stratégie d’intégration de l’intelligence artificielle dans l’administration publique, qui a souligné son aspect «névralgique». 


Québec investit 10,6 millions $ sur deux ans dans ce projet. Il travaillera avec des partenaires reconnus, comme l’Institut québécois d’intelligence artificielle (Mila) et l’Institut de valorisation des données (IVADO). 


Dans les rangs des syndicats d’enseignants, cette initiative soulève toutefois «certaines craintes». À la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), on se dit «pleinement conscient» de la nécessité de prendre ce virage, à condition que ce soit fait correctement. 


«Soyons clairs ici : un modèle, aussi efficace soit-il, demeurera toujours simplement un modèle. Il faudra toujours quelqu'un, en bout de ligne, pour poser un jugement professionnel. Ces guides ne pourront rendre compte de l'ensemble du parcours d'un élève, de ses forces et de ses faiblesses, de son évolution comme seul peut le faire le personnel de l'éducation», a affirmé son président, Éric Gingras, par communiqué. 


Sur les réseaux sociaux, des enseignants se sont aussi montrés très sceptiques à la suite de cette annonce. Plusieurs ont souligné que les services brillent par leur absence pour certains élèves à besoins particuliers et que l’intelligence artificielle ne pourra y remédier.

 




 






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