Le premier ministre François Legault estime qu’il est «souhaitable» de réserver des places aux aspirants policiers issus de minorités visibles ou ethniques dans un programme de formation accélérée, même si des femmes blanches en sont exclues, une position qui ne fait pas toutefois l’unanimité.
• À lire aussi: Le SPVQ accueille un premier policier noir depuis belle lurette
Depuis plus de 20 ans, le programme d’attestation d’études collégiales (AEC) Diversité policière est destiné exclusivement aux gens issus de groupes sous-représentés (femmes, minorités visibles ou ethniques et Autochtones) afin de favoriser leur recrutement dans les corps policiers de la province.
Cette formation accélérée leur permet, à condition d’avoir déjà un diplôme d’études collégiales, d’être admis à l’École nationale de police sans passer par le programme de techniques policières, accessible à tous.
Or pour l’année 2022-2023, les femmes seront désormais exclues de cette formation en vertu de nouveaux critères d’admissibilité déterminés par le ministère de la Sécurité publique (MSP), rapportait La Presse mercredi.
Les autorités du MSP ont décidé de prioriser les candidatures provenant des personnes issues de minorités visibles et ethniques «afin de répondre aux besoins de main-d’œuvre policière les plus criants exprimés par les services de police», explique sa porte-parole, Camille Simard.
Les personnes issues des minorités visibles et ethniques comptent pour environ 13% de la population québécoise alors qu’on en retrouve seulement 5% dans les corps policiers, ajoute-t-elle.
Mesure temporaire
Le premier ministre Legault estime que la décision est justifiée pour le milieu policier, puisqu’il s’agit d’une mesure temporaire. «Qu’on dise qu’il y a certains postes qui vont être réservés pour les minorités visibles, je pense que c’est une approche qui est souhaitable pour arriver à un équilibre», a-t-il affirmé.
Une fois cet équilibre atteint, «ces emplois-là deviennent disponibles pour tout le monde», a-t-il ajouté.
En 2019-2020, 36% des personnes inscrites à la formation de l’École nationale de police du Québec (ENPQ) étaient des femmes, alors que seulement 9% appartenaient à une minorité visible ou ethnique (voir autres chiffres dans l’encadré plus bas).
L’ENPQ a augmenté récemment le nombre de places réservées aux candidats ayant fait l’AEC Diversité policière.
Leur proportion est passée de 8%, l’an passé (50 places sur 648), à 12% dans la prochaine cohorte (90 places sur 756), mais le nombre total de candidats admis a augmenté aussi, fait valoir sa porte-parole, Véronique Brunet. «Tout le monde y gagne», dit-elle.
Inscriptions féminines en hausse
Les autres places sont comblées par des finissants du programme de techniques policières, où les étudiantes sont de plus en plus nombreuses. La proportion de filles qui y sont inscrites est passée de 25%, en 2011, à près de 45% en 2020.
Malgré cette augmentation, les femmes restent sous-représentées et devraient toujours avoir accès au programme d’AEC, affirme Katia Atif, directrice de l’organisme Action travail des femmes.
«Si on se réfère à la Loi [sur l’accès à l’égalité en emploi dans les organismes publics], les femmes dans ce secteur sont sous-représentées donc il ne devrait pas avoir de raison de les exclure», indique-t-elle.
Même son de cloche de la part de Louise Langevin, professeure à la Faculté de droit de l’Université Laval, qui considère que «les acquis des femmes de la diversité ou non ne sont jamais acquis».
De son côté, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec confirme «l’existence d’une sous-représentation» de plusieurs groupes dans les corps policiers québécois, y compris les femmes. L’organisme n’est toutefois pas impliqué dans les processus d’admission aux programmes de formation, précise-t-on.
Le Comité consultatif sur la réalité policière, quant à lui, propose d’aller encore plus loin afin de favoriser le recrutement de personnes racisées.
Dans son rapport final rendu public l’an passé, il recommande notamment d’implanter, dans tous les collèges offrant la formation en techniques policières, un programme d’accès à l’égalité pour favoriser le recrutement des groupes sous-représentés.
«Il est urgent de remédier au déséquilibre actuel», y lit-on.
Représentativité des services de police
Poste: Femmes / Autochtones / Minorités visibles / Minorités ethniques
- Patrouilleurs: 28,5% / 1,2% / 3,9% / 2,2%
- Enquêteurs: 35,5% / 0,9% / 2,7% / 1,9%
- Officiers ou directeurs: 14,5% / 0,9% / 2,6% / 2,8%
Source: Rapport final du Comité consultatif sur la réalité policière, mai 2021.