L'inéluctable indépendance

L'idiotie selon Bombardier

Legault ouvre la voie

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Chronique de Pierre Gouin

Par un raisonnement tordu, dégoulinant d’émotion, Denise Bombardier établit un lien entre les propos du chef péquiste sur le contrôle des armes à feu et le discours révolutionnaire du FLQ (Idioties péquistes, Journal de Montréal, 6 décembre 2021). Les dirigeants indépendantistes modérés de l’époque, qu’elle admire, d’autant plus qu’ils ont abandonné le combat, ont tout fait pour se dissocier du FLQ, sachant combien la moindre sympathie envers le FLQ aurait été dommageable à l’idée d’indépendance. Ce sont les fédéralistes qui ont facilité les actions du FLQ et l’éclatement de la crise d’octobre, sachant qu’ils pourraient mettre médiatiquement dans le même panier, séparatistes et felquistes. La stratégie fédérale a réussi dans une certaine mesure mais je n’aurais pas pensé qu’elle ait pu duper des gens instruits. Madame Bombardier laisse aussi entendre que pour contrer les forces démographiques, le PQ devra pousser les femmes à mettre au monde quatre, cinq ou sept enfants. Elle ne voit pas qu’en contrôlant l’immigration, des politiques natalistes extrêmes ne sont pas nécessaires.


Paul St-Pierre Plamondon n’a fait que répéter ce que François Legault a bien dit, que seul le fédéral pouvait s’attaquer au trafic d’armes illégales à la frontière américaine et légiférer sur la possession d’armes. C’est le problème des nationalistes mous, qui sont aussi nécessairement des fédéralistes mous. Il leur faut toujours dénoncer les fautes du fédéral pour garder la sympathie des nationalistes et souvent aussi pour expliquer leurs échecs.


Legault va décevoir tout le monde. Ceux qui l’ont élu, avec une forte majorité, s’attendaient à profiter pendant de nombreuses d’années d’un grand gestionnaire pragmatique et d’une accalmie dans les débats constitutionnels. Cependant Legault se révèle un piètre gestionnaire, trop impulsif et présomptueux. Gérer une économie et un budget gouvernemental c’est plus complexe que de gérer une grande entreprise. Il aurait peut-être dû s’entourer de conseillers compétents et les écouter. Legault va payer pour les erreurs de gestion de la pandémie même si l’état lamentable du réseau de la santé, incluant les CHSLD, qui a rendu la situation intenable, est attribuable à l’austérité libérale et plus fondamentalement à la réduction de la croissance des transferts fédéraux en santé.


La pandémie a fait ressortir les qualités et les défauts du Premier ministre. Il est difficile de critiquer la création, en catastrophe, de bonus très généreux pour ramener rapidement des employés de la santé au travail. Cependant les augmentations de salaire exceptionnelles et permanentes accordés à plusieurs catégories d’employés du secteur public auront des conséquences à long terme sur les finances publiques, et indirectement sur le secteur privé, et leur impact aurait dû être mieux analysé. L’objectif était de rendre ces catégories d’emplois plus attrayantes, mais dans un contexte de rareté de la main-d’œuvre, les employés et les jeunes en choix de carrière vont seulement se déplacer d’un secteur à l’autre et forcer un rééquilibrage global des salaires. De plus, on ne sait pas combien de travailleurs vont profiter des hausses de salaires horaires pour réduire leurs heures de travail sans diminuer leur revenu.


De même, vu le bassin limité d’adultes sans emploi, les sommes énormes annoncées par le gouvernement en formation pour contrer les pénuries de main-d’œuvre vont se traduire principalement par un déplacement de la main-d’œuvre d’activités moins spécialisés vers d’autres plus spécialisées. Pourtant plusieurs secteurs manquent déjà de main-d’œuvre non spécialisée. Est-ce que le plan est de combler les postes moins payants par l’immigration? Les pressions pour une hausse de l’immigration viennent aussi des subventions aux entreprises, dont celles gérées par le ministre Fitzgibbon, qu’on justifie par la création d’emploi alors qu’il n’y a pratiquement plus de chômage au Québec. M. Legault explique qu’il peut aider une équipe de baseball parce que c’est une entreprise rentable, mais si elle est rentable pourquoi est-ce qu’il faut l’aider? Combien y a-t-il d’entreprises non rentables soutenues actuellement par le gouvernement alors que plein d’entreprises rentables auraient besoin de leur main-d’œuvre.


Il y a dans la gestion de Legault beaucoup de matériel pour une campagne libérale agressive et les Libéraux vont sûrement reprendre une partie du vote perdu à la CAQ. Ce qui est beaucoup plus important, c’est le retour des nationalistes au Parti Québécois après l’échec évident du nationalisme à la Legault.


François Legault croyait qu’en faisant disparaître la menace séparatiste il pourrait tenir des discussions raisonnables avec les politiciens du reste du Canada afin d’obtenir certains gains pour le Québec, et plusieurs nationalistes désespérés y ont cru. Ils se trompaient. Depuis que nous avons dit deux fois non à l’indépendance les Canadiens ont choisi la ligne dure, ils n’accepteront aucune demande particulière du Québec, le message étant, si vous n’êtes pas contents vous pouvez partir. Le pays que supporte madame Bombardier, le Canada des deux peuples fondateurs, n’existe plus.


Les libéraux de Charest et Couillard avaient compris que les critiques du fédéral et les revendications nationalistes qu’Ottawa rejette systématiquement, apportent de l’eau au moulin des indépendantistes. Ils ont décidé d’être inconditionnellement fédéralistes. Ils se sont donnés comme mission de faire du Québec une province comme les autres, multiculturelle, et bilingue de surcroît, condamnant ainsi le français à devenir une langue folklorique.  Madame Bombardier demande à PSPP comment il explique que la qualité du français soit si mauvaise au Québec alors que son enseignement est de juridiction exclusivement québécoise. L’explication est toute simple. Le Québec a été dirigé pendant plus d’une décennie par deux gouvernements fédéralistes pour qui l’enseignement intensif de l’anglais était la priorité linguistique. De plus, avec des seuils d’immigration extravagants, ces gouvernements ont inondé les écoles de la région de Montréal d’élèves ne connaissant pas le français, forçant ainsi un déplorable nivellement par le bas. Sous ces fédéralistes la qualité du français a reculé après plusieurs décennies de rattrapage.


Il y a un certain consensus qui attribue à l’abandon du nationalisme une bonne part de responsabilité dans la débâcle libérale de 2018. Les libéraux font maintenant face à un dilemme. Ils laissent leur cheffe actuelle parler d’un retour à une posture nationaliste mais les anciens militants ont compris depuis longtemps les dangers de cette mascarade. Le règne de François Legault leur en fournit un rappel éclatant. Fier, Legault n’accepte pas de prendre le blâme pour des problèmes dont il n’est pas responsable. Il a renvoyé clairement au fédéral la responsabilité de la circulation effrayante d’armes à feu à Montréal, le retard à fermer les aéroports au début de la pandémie, le rôle de la PCU dans le refus de travailler de certains Québécois, les paradis fiscaux et l’arrivée de réfugiés par le chemin Roxham.


Il oblige aussi le fédéral à se commettre dans les dossiers de la laïcité, de la langue et de l’immigration. Évidemment, le gouvernement fédéral ne pourra que combattre jusqu’au bout les lois québécoises sur la laïcité et sur la langue et on sait déjà que François Legault, non indépendantiste, n’aura pas d’autre option que de se soumettre. Sur le front de l’immigration Legault a aussi ouvert la voie en promettant une baisse significative des seuils annuels et il avait vite fait ressortir les obstacles que représentaient les orientations fédérales, qui se sont précisées depuis avec l’annonce de l’objectif d’un Canada à 100 millions d’habitants. Il a vite capitulé et annulé la baisse prévue des seuils, sous la pression des milieux d’affaires qui veulent de la main-d’œuvre abondante, et sous les applaudissements de Québec solidaire.


Néanmoins, le chef caquiste a mis la table pour un retour en force du Parti Québécois en appuyant avec toute sa crédibilité les revendications nationalistes fondamentales et démontré le boulet que représente pour le Québec son appartenance au Canada. Le Parti Québécois devra donc reprendre ces batailles qui mèneront nécessairement à un affrontement final avec le reste du Canada. Cela veut dire promettre dès maintenant une loi plus musclée sur la langue, incluant l’application de la loi 101 au cégep, et une baisse importante des seuils d’immigration. S’il ne le fait pas, il pourrait mourir faute d’assumer sa mission fondamentale, sa raison d’être. Mais pourquoi faudrait-il que les indépendantistes repartent à zéro pour que l’option souverainiste soit représentée à l’Assemblée nationale?


C’est difficile de comprendre pourquoi les indépendantistes ne peuvent pas reprendre le contrôle du Parti. Est-ce que le Parti est miné de l’intérieur et contrôlé par des taupes fédéralistes. Pourquoi Pierre-Karl Péladeau a-t-il abandonné définitivement le Parti Québécois, et même, pourquoi y est-il d’abord venu? On ne l’entend plus.



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