L'opinion de Bernard Landry #43

Yes, we can!

L'opinion de Bernard Landry


Cette phrase que des milliards d'êtres humains ont entendue marteler par Barak Obama, a été dite et redite plus souvent encore dans notre langue nationale par René Lévesque: "On est capable!" Cet homme politique extraordinaire, de loin le plus grand de notre histoire contemporaine, le faisait pour donner confiance en elle-même à notre nation. Pour la persuader, notamment, qu'elle pouvait assumer pleinement son destin sans aucune crainte.
On verra bien si les Américains prendront les virages dont Obama leur a dit qu'ils étaient capables. Cela n'augure pas si mal mais il reste du chemin à faire. Quant au Québec, il a bien avancé sur sa route et sa capacité d'être indépendant est devenu une évidence absolue. C'est tellement vrai, que Jean Charest, un dirigeant du "non" en 1995, et qui soutient toujours notre statut provincial réducteur, [l'a affirmé lui-même aux Français il y a quelques année->1166]s.
Il est donc surprenant que plusieurs de nos compatriotes soient encore contre l'indépendance parce qu'ils nous croient incapables de l'assumer et de la gérer. Cette façon de penser est minoritaire, mais elle est toujours présente. Il y a par ailleurs des fédéralistes, comme précisément Jean Charest, qui savent que nous sommes capables mais qui se trouvent d'autres raisons pour qu'on ne le fasse pas. On a entendu du même homme, cette absurdité qu'un beau passeport bleu comme l'actuel, mais orné d'une fleur de lys et du mot Québec, serait moins respecté dans le monde que celui qui porte sur sa page couverture la couronne royale britannique et l'Union Jack. Surtout dans le contexte actuel d'un Canada en difficulté de prestige et d'estime à travers le monde.
Revenons à ceux qui ont sincèrement peur. J'en ai croisés toute ma vie et je les respecte tout autant que des personnes que j'estime et qui pourtant ont une peur maladive des chiens. Des rottwellers comme des chihuahuas! Un vénérable citoyen du merveilleux village où j'habite m'a dit, il n'y a pas longtemps après m'avoir réitéré son estime et sa considération: "Si on se sépare, ça va être la misère noire comme dans mon jeune temps". Difficile de lui expliquer en quelques minutes, dans l'entrée d'un supermarché, que le Québec fait partie des vingt premières puissances du monde pour le PIB par tête et qu'il est plus solide économiquement que l'immense majorité des pays indépendants. Et d'ajouter que depuis la conquête britannique, l'année de la construction de ma vieille maison verchèroise, nos colonisateurs nous ont fait des torts économiques incalculables. Et demander gentiment à cet ancien cultivateur si son voisin, qu'il n'aimait guère, aurait mieux cultivé sa terre que lui.
J'ai entendu pire, car ce n'était pas à l'épicerie mais dans une grande école où j'ai l'honneur d'enseigner. Un jeune homme intelligent et instruit m'a dit: "Si on se sépare, toutes les compagnies vont s'en aller!" Comme avec lui j'avais du temps, et qu'il pouvait suivre un raisonnement économique rationnel, je lui ai fait reconnaître honnêtement l'absurdité de ses craintes. Il m'a suffi que de quelques questions du genre: "Quel est le fou, chez Rio Tinto Alcan, qui proposerait de quitter l'électricité hydraulique propre du Québec? Qui, chez Walmart, voudrait fermer des magasins qui rapportent (même syndiqués!!!) pour perdre des ventes aux mains des concurrents?
Vois-tu le sourire fendu jusqu'aux oreilles des dirigeants du Mouvement Desjardins, ou de la Banque Laurentienne, quand le président d'une grande banque se ferait virer pour avoir abandonné bêtement le marché dynamique du Québec au profit de compétiteurs?"
"Ah! m'a dit, fort rationnellement, mon étudiant, vous avez là des points, professeur, que j'avais pas vus..."
On peut être, je le reconnais évidemment, fédéraliste pour plusieurs raisons estimables, mais celles basées sur la peur, spontanée ou provoquée ("Vous allez perdre vos pensions..."), sont totalement impertinentes. C'est pourquoi il faut parler à répétition de nos succès, ce que je ne me prive jamais de faire, ici ou à l'étranger.
Christian Rioux, un des meilleurs journalistes québécois, qui est correspondant du Devoir à Paris, a écrit un jour: "Quand je viens à Montréal, je me demande dans l'avion ce que je vais bien encore lire dans nos médias qui fait de nous la honte de l'humanité". Il y a là une piste. Nous sommes souvent très durs à notre endroit. Nous magnifions nos faiblesses et avons tendance à ne guère parler de nos succès même quand ils sont prodigieux. Nous ressemblons ainsi aux Français quand ils parlent d'eux-mêmes, mais dans leur cas, nous savons bien qu'au fond, ils se croient les meilleurs au monde dans presque tout. En plus, ce n'est pas totalement faux! Nous aurions intérêt, en toute modestie, à nous inspirer de ceux que Sarkozy présente comme"nos frères". Oui on est capable!
Bernard Landry


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