Les réunions régulières de ces groupes de pays, augmentés de cinq membres à vingt, en passant par sept et huit, témoignent d'une évolution profonde du développement économique planétaire. Au début, après la seconde guerre mondiale, seulement cinq pays riches formaient ce cercle de discussion et de coordination au service de leurs intérêts qu'ils confondaient souvent avec l'intérêt de l'humanité. Il faut dire que ces pays étaient tous démocratiquement avancés et pratiquaient l'économie de marché d'une manière plus ou moins progressiste. À cette époque, le tiers des humains vivait dans des économies planifiées et centralisées, en d'autres termes, communistes.
Ces derniers régimes ont implosé depuis et l'on a vu progresser la mondialisation d'une façon inexorable. Il s'agit d'un phénomène globalement positif, qui résulte d'une plus grande liberté de circulation des biens, des services, des capitaux. Circulent aussi librement et de plus en plus, les idées, la technologie et les personnes. On peut dire ainsi que l'histoire humaine est une longue marche vers la liberté. Cela est vrai, même s'il subsiste de grands écarts entre les pays et les individus, comme l'illustrent notamment les traitements différents accordés au statut des femmes ou aux droits de la personne.
Qui dit liberté peut aussi englober sa dérive perverse qui est l'anarchie. Traditionnellement, ce sont les états nationaux qui encadrent la vie en société et la règlementent pour en réprimer les abus. Sauf qu'avec cette mondialisation de la liberté et son expansion à l'échelle planétaire, les états nationaux, dont l'action législative et réglementaire est limitée à leurs frontières, ne sont plus en mesure d'exercer les contrôles voulus. Ainsi, bien que positive en général, la mondialisation comporte des dangers graves d'abus sociaux, de dégradation de l'environnement, d'homogénéisation linguistique et culturelle qui sont contraires à l'intérêt du genre humain.
Seule une coopération poussée entre les nations peut servir de défense contre ces dommages collatéraux. C'est pourquoi, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, les nations ont compris la nécessité de pratiquer une coordination de leurs efforts dans tous les domaines. L'ONU, que l'on pourrait appeler le G199, est une des illustrations de ce progrès avec le FMI, l'OMC, la Banque mondiale, l'UNESCO, l'OMS et bien d'autres.
Ces institutions ont le mérite d'être ouvertes à tous les pays et possèdent non seulement de l'influence mais de plus en plus de réels pouvoirs pour prévenir l'anarchie. Cependant elles sont généralement lourdes, d'un fonctionnement compliqué, et ne donnent pas toujours aux plus pauvres la place qui leur revient. Les groupes plus restreints, comme le G20, ont donc un rôle pour favoriser la discussion et la concertation surtout en période de turbulences. Ils peuvent être convoqués vite à des réunions hautement médiatisées qui alimentent les réflexions mondiales par rapport à la crise. Le G20 qui vient de se réunir à Pittsburg a incarné cette façon d'agir avec ses avantages et ses inconvénients. On parle, on discute beaucoup, mais les actions réelles qui en découlent sont parfois fort minces et incohérentes, toutefois, cela est mieux que rien.
Ainsi, il s'est décidé à Pittsburg une chose assez fondamentale: il n'y aura plus véritablement de G8 à l'avenir pour discuter des grands enjeux économiques planétaires. Sa dernière réunion à l'ancienne aura lieu au Canada et il ne servira plus, à l'avenir, qu'à des fins diplomatiques et de sécurité.
Il était temps que ce virage se prenne. Comment parler sérieusement du sort économique du genre humain à une table où ne sont présents que des riches et en l'absence de pays d'importance majeure et qui se développent encore plus vite que nous. Surtout que ces pays représentent en nombre la moitié de l'humanité.
Plusieurs d'entre eux auront cette année des taux de croissance variant entre 5% et 8% en pleine crise alors que les nôtres seront plus près de 1%. La Chine a connu pendant dix ans des taux de croissance de 10% par an. C'est le seul cas dans l'histoire humaine. Il n'était donc pas sérieux de se réunir à cinq ou à huit en l'absence du Brésil, de l'Inde, de la Chine et de l'Indonésie entre autres. On a mis fin à une injustice méprisante. Encore une grande ombre au tableau: le milliard d'Africains parmi les plus pauvres du monde et toujours sous-représentés. Cela ne nous autorise quand même pas à nier un intéressant progrès et un virage dans la bonne direction.
Bernard Landry
L'opinion de Bernard Landry #39
De G5 à G20
Il n'était donc pas sérieux de se réunir à cinq ou à huit en l'absence du Brésil, de l'Inde, de la Chine et de l'Indonésie entre autres. On a mis fin à une injustice méprisante.
L'opinion de Bernard Landry
Bernard Landry116 articles
Ancien premier ministre du Québec, professeur à l'UQAM et professeur associé à l'École polytechnique
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé