L'opinion de Bernard Landry #77

Terre-Neuve: vieille rancoeur

L'opinion de Bernard Landry


Le premier ministre de Terre-Neuve, Dany Williams, a tout fait pour saboter l'entente énergétique entre Hydro-Québec et le Nouveau Brunswick. Clyde Wells, l'un de ses prédécesseurs, avait fait de même avec l'Accord du Lac Meech, se méritant ainsi les félicitations cyniques de Jean Chrétien: "Well done, Clyde!". Williams est récemment revenu à la charge dans ses rapports avec le Québec et Hydro-Québec, avec des propos au bord de l'irrespect et qui ne favorisaient pas la collaboration harmonieuse.
J'ai toujours eu une grande réticence par rapport aux histoires de "Newfies" dont les Américains sont si friands. Même chose pour les histoires de Belges dont les Français se délectent. Les Belges expliquent d'ailleurs finement que si les Français aiment tant ces blagues, c'est qu'elles sont "faciles à comprendre"! Les Terre-Neuviens méritent le respect, mais leurs dirigeants devraient apprendre à nous respecter, ce qu'ils feraient s'ils regardaient objectivement l'histoire de nos relations avec eux.
La partie labradorienne du territoire de la province voisine fut incluse presque en entier et pendant longtemps, aussi bien géographiquement que juridiquement dans celui du Québec. C'était vrai avant la conquête comme en vertu de l'Acte de Québec de 1774, puis de l'Acte de l'Amérique britannique du nord en 1867 (la supposée confédération). D'autres décisions ont d'ailleurs consolidé les faits.
C'est un tribunal étranger, le Conseil privé de Londres, qui a dépouillé le Québec d'une très grande partie du Labrador. Ce tribunal anglais a arbitré en faveur de la colonie britannique terre-neuvienne dans un procès où le Québec n'était même pas représenté. C'est le Canada qui nous a défendu mollement et qui s'est rallié à la décision anglaise, injuste en droit comme en fait. Les juges britanniques n'ont même pas fait arpenter le terrain, et la neutralité de certains d'entre eux n'était pas évidente.
Aucun gouvernement du Québec n'a reconnu les énormes effets néfastes du jugement britannique biaisé. Louis-Alexandre Taschereau, premier ministre libéral a combattu cette infâmie, tout comme Maurice Duplessis. Daniel Johnson avait même promis, avant son élection de 1960, de tout mettre en oeuvre pour récupérer le Labrador. Le député René Lévesque de l'opposition libérale, lui a demandé par la suite de respecter sa promesse, ce qu'il ne put faire puisqu'il décéda peu de temps après.

Il est difficile de revivre l'histoire à l'envers et le temps fait son oeuvre. Mais on ne peut nier que notre nation a été souvent complaisante devant l'injustice flagrante en 1927, comme en bien d'autres occasions. Cela ne dispense pas Dany Williams d'user de mesure et décence envers nous.
La grogne terre-neuvienne se nourrit aussi d'événements plus récents, dont le fameux contrat signé en 1971 et valide jusqu'en 2041, portant sur plus de cinq mille mégawatts hydrauliques (quatre fois la centrale de Beauharnois) à un prix vraiment bas de $0.25 le kilowatt. Ce que les Terre-Neuviens oublient, c'est que quelque soit le prix, personne ne voulait investir à cette époque dans le projet des Chutes Hamilton, rebaptisées Churchill aujourd'hui. Le pétrole se vendait à l'époque deux dollars le baril. Toute l'énergie était très bon marché, et seul le courage visionnaire des gestionnaires de notre Hydro-Québec les ont amenés à prendre le risque calculé qui s'avéra si pertinent par la suite.
En plus, le courant électrique produit à des milliers de kilomètres des lieux de consommation, ne vaut rien s'il n'est pas connecté de façon efficace avec les utilisateurs. Les lignes coûtent cher à construire et à entretenir. Elles ne font pas toujours le bonheur des gens qui les voient passer dans leur entourage.
Or l'Hydro-Québec est le meilleur transporteur de courant au monde, et de loin. Les chercheurs de son institut de recherches de Varennes, dont on voit les lignes expérimentales de l'autoroute 30, ont pu élever la tension des axes de transport régulier à 735 kv. Ils sont les premiers au monde à avoir rendu possible la transmission économique d'autant d'énergie sur d'aussi longues distances. Plusieurs pays profitent maintenant de cette avancée. Une telle ligne a même servi à améliorer les conditions de vie de millions de Péruviens et même aidé à rétablir la paix dans ce pays.
Dany Williams devrait réfléchir à tout cela avant de nous traiter cavalièrement. Sans l'audace et le génie québécois, il n'y aurait sur son territoire, aux fondements d'une légitimité douteuse, aucun barrage, et aucun mégawatt! Il devrait se contenter d'y chasser l'orignal! La reconnaissance s'impose donc plutôt que la rancune.
Bernard Landry


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