Cette phrase très populaire dans les années soixante, se retrouvait même sur des panneaux-réclames le long des routes. Elle était profondément exacte, au sens matériel comme au plan intellectuel et humain. L'éducation a été au coeur du la révolution tranquille et elle nous a littéralement sauvés. Partis d'un des niveaux d'éducation les plus bas du monde développé, nous nous sommes élevés vers l'un des plus hauts. Il est vrai que pour en arriver là, nous nous sommes lourdement endettés, mais c'est ce qu'il fallait faire et l'opération fut même économiquement très rentable.
C'est en raison de notre niveau d'éducation relativement élevé que nous avons pu faire passer, en quelques décennies, notre économie respectable, mais surtout reliée aux richesses naturelles, à ce qu'elle est devenue aujourd'hui: diversifiée et fortement orientée vers la haute technologie. La terre, les mines, la forêt et l'hydraulique sont toujours là, pour notre plus grand bien, mais s'y sont ajoutées une série d'activités fondées sur la science, la recherche et la haute valeur ajoutée. Sans oublier le rôle économique considérable de la culture, basée elle aussi, sur le plein développement de nos ressources intellectuelles.
Il y a donc de quoi se réjouir, même si des sujets d'inquiétude majeur se font jour. Ce qui nous a sauvés hier ne doit pas nous perdre aujourd'hui, mais nous sauver de nouveau. La concurrence mondiale se fait de plus en plus forte. Nous nous sommes instruits, mais beaucoup d'autres aussi. Pour garder notre rang, il faudra de plus en plus d'efforts, non seulement intellectuels mais aussi financiers. Ce qui pose le problème difficile à résoudre équitablement, des frais de scolarité. Les nôtres sont les plus bas de notre continent. Ce n'est pas une honte, bien au contraire, et ceux des pays européens sont en général plus bas que les nôtres, et même inexistants. Gratuité scolaire totale à bien des endroits. Dans ces pays, évidemment, les contribuables ne payent pas la moitié de leurs impôts et taxes au gouvernement d'une autre nation...
Plusieurs intervenants respectables disent qu'il faut augmenter les frais de scolarité et leur raisonnement se comprend. Il est vrai que le diplôme universitaire qui enrichit la collectivité, fait la même chose pour celui qui l'obtient. Il est exact également que les enfants des familles aisées fréquentent beaucoup plus l'université, ce qui reviendrait à utiliser les taxes des plus pauvres pour aider les plus riches.
Cela n'est pas simple, mais il y a un élément qui l'est, et qui est fondamental: l'accessibilité. L'argent doit rester étranger à la possibilité d'aller au bout de son talent et de son intelligence, et se rendre jusqu'au post-doctorat si on le peut et le veut. Ce principe est peut-être le seul à être sacré dans ce débat, mais il l'est. C'est l'unique façon, pour notre nation, de s'assurer qu'elle utilise toute l'intelligence disponible et le potentiel des jeunes hommes et femmes sur lesquels est basé le maintien de notre niveau de vie et sa croissance.
Certains pays ont mis de l'avant une approche inventive qui pourrait nous inspirer sans heurter nos traditions de solidarité. En voici une description sommaire dont plusieurs éléments sont à parfaire et à raffiner, si jamais on devait tenter de mettre ici cette solution en pratique.
D'abord, pour entrer à l'université et la fréquenter jusqu'au plus haut niveau, aucun frais de scolarité ne serait payable avant la cessation des études. Cela met donc radicalement de côté toute entrave monétaire à l'accessibilité. Mais évidemment, une fois les études terminées, comme le récipiendaire de notre solidarité sera assuré de revenus généralement beaucoup plus élevés que ceux des contribuables moyens non diplômés universitaires, il est juste qu'il rembourse l'investissement que la nation a fait en sa faveur.
Ainsi, on n'abolit pas vraiment les frais de scolarité, au contraire, on les hausse, comme beaucoup le demandent, mais on en retarde le paiement. Le niveau des frais sera établi en rapport avec les perspectives de gains des différents métiers exercés par la suite. Beaucoup moindres, donc, pour la faculté des sciences de l'éducation que pour celle qui forme nos médecins spécialistes.
Pour plus de sûreté et de justice, le remboursement post-universitaire se ferait en raison des revenus réellement gagnés après l'accession au travail. Des précautions contractuelles seraient bien évidemment à prendre pour toutes les catégories d'étudiants. Les délais de remboursement seraient également modulés pour ne mettre personne à la gêne. D'autres technicalités sont aussi à approfondir.
Cela nous permettrait de dire à nos enfants: "Allez au bout de votre destin sans entraves matérielles, et profitez d'un système juste envers vous et envers la nation qui vous l'offre".
Bernard Landry
L'opinion de Bernard Landry #58
Qui s'instruit s'enrichit
"Allez au bout de votre destin sans entraves matérielles, et profitez d'un système juste envers vous et envers la nation qui vous l'offre"
L'opinion de Bernard Landry
Bernard Landry116 articles
Ancien premier ministre du Québec, professeur à l'UQAM et professeur associé à l'École polytechnique
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé