…C’est ce que nous faisons collectivement, vus les malheurs que l’on sait. C’est d’autant plus horrible que cette institution, depuis qu’elle existe, est un objet de fierté et un symbole de réussite nationale.
Minimiser ce qui est arrivé et n’en pas tirer de leçon serait évidemment une grave erreur. Faire de fausses analyses le serait aussi. Tout, dans ces résultats, doit nous attrister, mais tout n’est pas également alarmant.
D’abord la Caisse est un investisseur boursier et immobilier. Dans le monde entier, ces valeurs se sont effondrées en raison de la plus grande perturbation économique depuis 1929. Au cours des années, la Caisse de Dépôt, un des plus grands investisseurs du monde dans ces domaines, y a réalisé des gains fabuleux.
Essayer de culpabiliser les dirigeants à cause de ce type de pertes est évidemment une erreur et une injustice. Ce n’est pas à cause d’eux que l’économie s’est effondrée. Les vrais coupables, on le sait, sont beaucoup plus à Washington, à New-York, à Londres et ailleurs, qu’à la Place Jean-Paul Riopelle à Montréal. Notre institution est durement frappée, mais moins que beaucoup d’autres qui sont déjà en faillite ou que les gouvernements ont dû sauver.
En plus, les immeubles et la bourse qui avaient enrichi la Caisse, peuvent aussi bien le faire de nouveau. Ce que possède la Caisse, à ce chapitre, va reprendre de la valeur une fois la crise conjurée, et nous redonner un jour des bilans qui pourraient être impressionnants. Une certaine patience s’impose et il est dans la logique économique de rester positif et de serrer les dents en attendant.
Une autre perte spectaculaire, et qui a énervé bien des gens, est celle qui est liée à la fluctuation de la valeur des monnaies. Toutes les entreprises qui font des affaires à l’étranger prennent des mesures pour se prémunir contre les effets des mouvements à la baisse ou à la hausse des diverses monnaies. La Caisse l’a toujours fait, et ce n’est pas de l’imprudence, bien au contraire. Les bonnes et les mauvaises années ont tendance à s’annuler et, encore une fois, restons calmes et attendons le beau temps.
Mais où donc est l’horreur, s’il y en a une? Hélas elle existe et elle est centrée autour de ces produits aussi mystérieux que toxiques et que l’on désigne sous l’appellation rébarbative de PCAA : des titres de créances garanties par divers actifs comme les hypothèques, les prêts automobiles et les cartes de crédit. Ces garanties ne garantissent plus rien quand les débiteurs ne sont plus capables de payer, et la panique s’installe.
Plusieurs investisseurs ont acheté de ces produits contaminés, même si les deux grandes agences états-uniennes d’évaluation les considéraient comme suspects, seule une agence Canadienne les notait bien. Notre Caisse, si sophistiquée, si bien équipée en analystes, a acheté de ces produits infectés plus que quiconque au Canada, à hauteur de 13 milliards. Ils n’en valent plus que la moitié. Si mystère il y a, il est là. De vagues regrets ne suffisent pas, il faut des explications approfondies malgré le rôle signalé d’Henri-Paul Rousseau qui, à la fin, pourrait limiter de beaucoup les dégâts.
Sans être indûment partisan, on ne peut passer sous silence les agissements de notre Premier ministre dans ce dossier. Alors qu’il était Chef de l’opposition, il rendait le gouvernement responsable pour une perte infiniment moindre, presque microscopique par rapport à ce qui arrive aujourd’hui. Pas plus à l’époque que maintenant, le gouvernement n’était responsable des décisions de placements de la Caisse. Pour des raisons purement politiques, il avait alors prétendu le contraire de façon arrogante.
Il a affirmé, en plus, avant les élections, et après, qu’il n’était au courant de rien. En tout respect pour sa fonction, le Premier ministre, s’il ne gère pas la Caisse, est au courant -et c’est son droit et devoir de l’être- de tout ce qui s’y passe d’important.
Sans compter que tous ses discours, quand il a changé le mandat de la Caisse, faisaient la promotion de l’obsession du rendement. Ce qui est peut expliquer largement certaines erreurs d’analyses de la Caisse.
Le devoir de Jean Charest aujourd’hui est triple : s’excuser des abus politiques partisans qu’il a commis par rapport à la Caisse, rééquilibrer son discours quant au rendement et l’intervention dans l’économie du Québec, et, par-dessus tout, prendre des mesures pour assurer les retraités qu’ils ne souffriront pas de ce gâchis. Évidemment après avoir nommé des dirigeants fiables.
La Caisse doit redevenir un sujet de fierté et de confiance dans le fonctionnement de notre modèle socio-économique. Souvent les malheurs servent à quelque chose. Celui-là devrait être assez grand pour inspirer un l’espoir.
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Bernard Landry116 articles
Ancien premier ministre du Québec, professeur à l'UQAM et professeur associé à l'École polytechnique
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