L'opinion de Bernard Landry

L’obsession dominatrice

L'opinion de Bernard Landry


Tous les gouvernements d’Ottawa finissent par succomber à l’obsession centralisatrice. Celle-ci n’est pas le propre du pourtant très centralisateur Parti Libéral. Les conservateurs le font aussi : c’est dans la nature même du fédéralisme canadien.
Cette tendance n’est pas forcément reliée à la question du Québec. Cependant, ce le fut clairement pour la mouvance trudeauiste (celle de Pierre Elliott Trudeau) qui cherchait à « mettre le Québec à sa place » par diverses intrusions dans ses juridictions et surtout par le changement unilatéral de la constitution. Il faut se rappeler qu’à l’époque, on ciblait, en particulier, nos droits linguistiques mais aussi l’ensemble de notre destin confié à l’arbitrage ultime de la Cour Suprême. Celle-ci avait déjà son penchant mais Trudeau lui a donné les moyens de l’affirmer davantage. Elle l’a fait avec la loi 101, mais aussi dans la question vitale des télécommunications et par nombre d’autres jugements qui ont réduit les pouvoirs du Québec.
Même sans l’intention d’affaiblir le Québec, l’obsession centralisatrice a sa propre logique d’un point de vue pancanadien. Dans un pays de 34 millions d’habitants, divisé en 13 juridictions, le désir de centraliser et de regrouper est compréhensible. Pour un seul territoire, cela fait beaucoup de ministères de la santé, de l’éducation, de la justice et …de commissions des valeurs mobilières. La tentation est donc forte pour les centralisateurs : toute la population des Maritimes n’égale pas celle de la région métropolitaine de Montréal.
Il a donc toujours été normal pour la nation canadienne, tout au long de son « nation building process », de chercher à consolider les pouvoirs du gouvernement fédéral qui est aussi son gouvernement national. Les bourses du millénaire ou les chaires du Canada dans les universités sont d’une logique implacable partout au Canada, sauf au Québec. Pour le Québec, qui est une nation, c’est une violation d’une juridiction exclusive et vitale. Pour une simple province, comme celles du reste du Canada, c’est une question purement fonctionnelle.
L’argent d’Ottawa
Ottawa justifie souvent ces intrusions par une doctrine obscure : le pouvoir fédéral de dépenser. Dans le reste du Canada, contester ce droit est souvent vu comme surréaliste : Ottawa leur offre de l’argent, vont-ils avoir la bêtise de le refuser pour des raisons « techniques ». Même au Québec, on a vu à plusieurs reprises que la tentation de l’argent a primé sur nos juridictions exclusives, et même sur la dignité nationale. Dans le cas hautement symbolique des fêtes du 400ième anniversaire de Québec, la dignité ne l’a pas emporté sur l’attrait de l’argent fédéral. Au contraire. Cette fois l’on peut vraiment dire que l’argent d’Ottawa a bel et bien servi à se réapproprier le Québec.
La Commission unique de valeurs mobilières constitue une illustration récente de la logique centralisatrice. Presque tout le monde au Canada trouve que c’est une bonne idée sauf au Québec où ce serait une catastrophe. Lors de la fusion des bourses en particulier, seule notre Autorité des marchés financiers a pu imposer des conditions qui rendaient l’opération acceptable. Imaginez le gâchis si tout cela s’était décidé à Toronto.
Le mouvement centralisateur est également porté par l’attrait du pouvoir, tout simplement. Les élus et les fonctionnaires pensent –et ils n’ont pas toujours tort- que tout irait mieux si leur champs d’action était élargi. Une meilleure vision d’ensemble pour l’intérêt général constitue, à leurs yeux, une garantie d’efficacité. C’est pourquoi nous n’avons jamais vu à Ottawa de gouvernement décentralisateur. Ils ont toujours voulu, sauf à de rares exceptions, plus de pouvoir, de responsabilités et plus d’argent pour s’en acquitter.
Ce phénomène n’est pas propre au Canada, cette tentation est fortement présente à Bruxelles, au siège de l’Union Européenne, qui n’est pourtant ni une fédération, ni une confédération. Les Français, comme les Irlandais ont refusé par référendum l’élargissement des pouvoirs de l’Europe, dont ils sont par ailleurs partisans. Ces pays ne veulent tout simplement pas voir réduire leurs indépendances nationales dont ils sont jaloux, comme tous les peuples libres.
Le Canada et le Québec doivent donc être réalistes : le fait pour deux nations de partager un seul pays – ici comme ailleurs - nuit aux intérêts des deux parties. C’est l’une des nombreuses raisons pour faire l’indépendance du Québec. Mais le Canada devrait aussi réfléchir aux avantages qu’il aurait à se réorganiser et à pouvoir enfin se gouverner à sa guise!


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