La défaite est orpheline

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Le Canada ne financera pas un organisme voué à promouvoir son éclatement

C’était écrit dans le ciel. L’Agence du revenu du Canada (ARC) refuse d’accorder le statut d’organisme de bienfaisance à l’Institut de recherche sur l’autodétermination des peuples et les indépendances nationales (IRAI).


Le problème est que sans ce précieux statut, il est impossible pour l’IRAI d’émettre des reçus aux fins d’impôts à ses donateurs. Traduction : collecter des fonds lui sera terriblement difficile. Pourquoi ce refus ?


Sans verser dans les théories de complots, la vraie raison saute aux yeux. Et cette raison est politique. Fondée par Pierre Karl Péladeau, ex-chef du Parti québécois et président de Québecor, la mission de l’IRAI est de réaliser et diffuser des études scientifiques sur l’autodétermination des peuples.


Or, de toute évidence, cette mission dérange à Ottawa. De fait, ce refus est avant tout politique. À preuve, L’Idée fédérale, fondée en 2009 et dédiée au fédéralisme, n’a eu aucune difficulté à obtenir son statut de bienfaisance.


Traitement contraire


Comprenons-nous bien. Là où le bât blesse n’est pas dans le fait justifié que L’Idée fédérale ait obtenu ce statut et en profite pour faire avancer ses travaux. Il réside plutôt dans le traitement contraire et par conséquent discriminatoire imposé à l’IRAI.


Toujours sur le plan politique, ce refus de l’ARC se justifie d’autant plus mal que le mouvement souverainiste est lui-même dans une impasse réelle. Bref, personne ne fera croire que les travaux de l’IRAI poseraient soudainement une « menace » à une option fédéraliste de plus en plus majoritaire au Québec.


Les libertés fondamentales d’expression et de pensée ne pencheraient-elles dorénavant que pour les instituts fédéralistes ? Que l’on doive même poser une telle question dans une démocratie est en soi un phénomène inquiétant.


Rappelons aussi qu’en mars, le gouvernement Couillard offrait une jolie subvention de 100 000 $ au nouveau Centre d’analyse politique sur la constitution et le fédéralisme de l’UQAM.


La semaine dernière, l’IRAI annonçait qu’elle irait en appel de la décision de l’ARC. Le geste est approprié. L’impression n’en est pas moins celle d’un probable coup d’épée dans l’eau.


Deux sortes de gagnants


Alors, pourquoi s’acharner à refuser ne serait-ce qu’un peu d’oxygène financier à un institut de recherche sur l’autodétermination ? Parce qu’en politique, il y a deux sortes de gagnants. Ceux qui sont magnanimes envers les perdants et ceux qui préfèrent triompher sur toute la ligne.


Depuis le référendum de 1995, les gagnants du camp du Non ne cessent de prouver qu’ils appartiennent malheureusement à la seconde catégorie. La réponse est peut-être dure, mais elle est lucide.


Vu sous un angle plus large, ne rien offrir au Québec, même aux moins exigeants parmi les nationalistes les plus timides, est devenu le mot d’ordre. Quant à ce qu’il reste encore du mouvement souverainiste, l’ignorer carrément est devenu la règle.


Comme le rappelait si bien Jacques Parizeau : « La victoire a des pères innombrables, mais la défaite est orpheline. » L’IRAI en est la dernière illustration en date.