Le cas du Québec
par Robin Philpot.
Si Yves-François Blanchet, chef du Bloc Québécois, a eu raison de dire au parlement canadien après l’allocution du président ukrainien Zelensky que le Canada ne devrait pas mobiliser son aviation en Ukraine parce que les forces canadiennes sont de niveau « atome BB » (catégorie d’équipe de hockey pour enfants), il aurait pu ajouter que celle du Québec ne joue pas à ce sport, qu’elle n’a pas de patins et qu’elle n’a même pas le droit d’entrer dans l’aréna.
La crise actuelle a le mérite de nous faire voir le colosse dans la pièce, colosse qui détermine notre politique étrangère et sur lequel nous n’avons aucune prise, l’OTAN, Organisation du traité de l’Atlantique Nord.
Qui se rappelle le dernier débat public sur notre rôle dans l’OTAN ? Quand est-ce qu’on s’est penché au parlement du Canada ou à l’Assemblée nationale du Québec sur l’extension de l’OTAN vers l’Est de l’Europe et le déploiement d’armes nucléaires dans les pays de l’ancienne URSS ?
Quand est-ce qu’on nous a posé la question à savoir, est-ce une bonne idée d’intégrer l’Ukraine dans cette alliance militaire ? Aussi, dans quelle élection ou dans quel référendum a-t-on décider d’y adhérer ? Poser ces questions, c’est y répondre.
Les plus vieux se rappelleront que, au Québec qui aspirait à devenir un pays, lors chaque congrès du Parti Québécois dans les années 1960 et 1970, on débattait vivement des résolutions proposant qu’un Québec indépendant ne soit pas membre de l’OTAN et du NORAD. Autant les partisans que les opposants à l’adhésion à ces organisations militaires s’accordaient sur une chose : c’est au Québec de décider seul et c’est le Québec qui négocierait lui-même les termes de son engagement. Il s’agit d’une question d’identité nationale, comment être vraiment « Maître chez nous ». Comme pour l’Irlande ou la Suède ou la Finlande …
On peut résumer la situation comme suit : l’Irlande, qui n’est pas dans l’OTAN, parle pour l’Irlande ; la Suède parle pour la Suède ; la Finlande parle pour la Finlande ; la Chine parle pour la Chine ; l’OTAN parle pour le Canada ; Joe Biden parle pour l’OTAN et le Québec … n’a pas droit de parole.
Le risible « ça suffit, allons-y »
Il est donc risible d’entendre les slogans du genre « ça suffit, allons-y » des journalistes et « experts » québécois tels Jean-François Lisée, Bernard Drainville et autres Charles-Philippe David. Ceux qui décident vraiment, qui sont presque tous à Washington, rient d’eux tout autant, car ils les voient pour ce qu’ils sont vraiment, des meneurs de claques de l’OTAN.
Le Québec n’a pas un mot à dire sur l’utilisation ou non d’armes nucléaires, sur le pourcentage des impôts consacrés au budget militaire – le Canada va l’augmenter pour répondre à une exigence de l’OTAN sans demander l’opinion du Québec – sur l’envoi de troupes en Europe et au front d’une éventuelle guerre.
Le Québec ne peut dire oui ni non ! Nous, nos enfants et nos petits enfants ne sommes que de la chair de canon et des corvéables dans toute guerre décidée par l’OTAN. Ça rappelle quelque chose ? La guerre des Boers 1899-1902 ; les deux guerres mondiales ?
Alors que les autorités politiques canadiennes mettent notre appartenance à l’OTAN avant celle de l’ONU (voir le discours de Chrystia Freeland du 6 juin 2017, lorsqu’elle était ministre des Affaires étrangère), on ne doit pas oublier que l’OTAN est une création militaire de l’après-guerre du monde anglo-saxon – États-Unis et Royaume-Uni. Rappelons aussi que De Gaulle a sorti la France du commandement intégré de l’OTAN en 1966 quand il a expulsé les « forces d’occupation » de la France. Il ne voulait pas être assujetti à la volonté des pays anglo-saxons. C’est Sarkozy qui a fait réintégrer la France au commandement intégré, ce qui explique, en partie, l’absence d’une voix française indépendante comme celle exprimée au Conseil de sécurité lors de l’invasion de l’Irak en 2003.
Le boomerang des sanctions
En plus de cet assujettissement militaire à l’OTAN (lire Washington), nous sommes assujettis aux sanctions, qui sont en réalité des armes de guerre déguisées visant la Russie. Mais elles ont un effet boomerang, comme nous l’avons constaté avec la hausse vertigineuse des prix d’essence. L’impact se fera sentir dans tous les domaines de l’économie, notamment dans l’agriculture. Ce sont les travailleurs et travailleuses et les pauvres qui encaisseront le coût.
Nous avons eu un avant-goût de cet effet boomerang lors de l’arrestation par le Canada de Madame Meng Wanzhou, chef des finances de Huawei, à la demande de l’ex-président Donald Trump, alors que le Mexique, la Belgique et d’autres ont refusé de le faire.
Les producteurs de porc et de céréales québécois en ont pâti quand la Chine, en représailles, a coupé dans les importations de produits canadiens. Encore une fois, Yves-François Blanchet du Parti Québécois a touché la cible en disant lors du débat électoral anglais en 2019, « When you’re facing a powerful foe like China, you don’t try to show biceps if you have only tiny biceps ». Il aurait pu ajouter que le Québec n’a pas été consulté à ce sujet.
Électricité et autosuffisance
La « pandémie » a révélé à quel point l’autosuffisance alimentaire et industrielle est importante. On s’est vite rendu compte que la désindustrialisation en Europe et en Amérique du Nord des 40 dernières années nous a laissé très vulnérables en temps de crise.
Il faut donc bâtir sur nos atouts. Pour sa part, le Québec a des atouts majeurs et il doit s’en servir tout de suite. Le coûts des hydrocarbures vont fluctuer beaucoup, probablement avec une hausse permanente. Pour se mettre à l’abri des impacts néfastes, le grand atout du Québec est l’hydroélectricité en abondance.
Aussi, le Québec aurait intérêt à geler les tarifs de l’électricité pendant au moins 5 ans. Les entreprises existantes ainsi que la population auront un avantage concurrentiel considérable tout de suite, comparé aux voisins canadiens ou américains.
Le gel des tarifs d’électricité va aussi attirer des investissements pour la même raison. De plus, il va donner un important coup de pouce à l’électrification des transports.
De plus, l’heure est venue de remettre l’autosuffisance alimentaire et industrielle à l’ordre du jour. La regrettée Jane Jacobs a démontré l’importance de remplacer les importations par des produits faits chez nous. Il serait temps de lancer de grands chantiers d’autosuffisance agricole et de produits de première nécessité. Encore ici, une économie de moins en moins dépendante de l’énergie venant d’hydrocarbures sera en mesure de faire le virage de l’autosuffisance.