L'héritage irlandais, de O'Brennan à La Bolduc

Le Musée McCord célèbre les 175 ans de la Société Saint-Patrick

Fête de la Saint-Patrick

Les Québécois d'origine irlandaise ont l'habitude de fêter fort au mois de mars, lors de la traditionnelle parade de la Saint-Patrick. Celle-ci aura lieu demain au centre-ville de Montréal. Mais ils auront encore plus de motifs de se réjouir cette année: la Société Saint-Patrick fête son 175e anniversaire, et le Musée McCord a inauguré jeudi soir une grande exposition sur l'histoire des Irlandais au Québec.
Il faudrait plutôt parler de l'histoire des Irlandais depuis la Nouvelle-France, puisque le premier Irlandais est arrivé sur nos territoires enneigés vers 1630. Taghd Cornelius O'Brennan a marié une fille du roi, et il est décédé en 1687, à Pointe-aux-Trembles. Son patronyme, difficile à prononcer pour les Français de l'époque, s'est mué en Aubry.
Cette anecdote illustre bien le destin de cette communauté qui, très fière de ses origines, s'est toutefois totalement intégrée à la société d'accueil.
«La persistance culturelle et la fierté qu'ont les Irlandais de leurs origines m'ont beaucoup impressionnée», explique Lorraine O'Donnell, historienne, chercheure au Réseau de recherche sur les communautés anglophones du Québec à l'Université Concordia, et conservatrice invitée de l'exposition Irlandais O'Québec.
L'exposition veut aussi démontrer à la fois l'impact historique des Irlandais et la façon dont ils ont su contribuer à une histoire commune.
Organisée par la Société Saint-Patrick et par la Irish Protestant Benevolent Society, l'exposition propose une série d'îlots biographiques, où l'on fait connaissance avec des personnages historiques importants de la communauté, ainsi que des «lieux de mémoire», qui soulignent l'importance de lieux emblématiques de l'expérience irlandaise. En fait partie Grosse-Isle, où des milliers d'immigrants fuyant la famine sévissant en Irlande devaient subir une quarantaine en attendant de pouvoir entrer au Canada, et où plusieurs sont morts, leurs enfants orphelins étant adoptés par bon nombre de familles canadiennes-françaises.
Dans chaque îlot, des objets variés -- objets souvent rassemblés par Lorraine O'Donnell auprès de familles partout au Québec -- témoignent de la vie quotidienne.
Et le Musée McCord, qui possède une fabuleuse collection de photos anciennes, comme on le sait, expose quelques-uns de ses trésors. Les photos du quartier Griffintown sont particulièrement saisissantes, et comprennent de rares clichés de la grande inondation qui s'y est produite en 1886, et qui avait transformé les rues en véritables canaux.
Des tensions
L'exposition démontre également la «complexité de l'expérience immigrante», selon Lorraine O'Donnell.
Car des tensions existaient entre Irlandais catholiques et Irlandais protestants, qui transportaient avec eux leurs conflits au Canada. Les liens avec la communauté d'accueil pouvaient également varier.
Deux figures illustrent bien cette complexité. Thomas D'Arcy McGee d'abord, un «ancien rebelle devenue catholique conservateur» écrit l'exposition, un des pères de la Confédération. Edmund Bailey O'Callaghan, lui, arrivé au Canada en 1823, a plutôt endossé la cause des Patriotes et est devenu le bras droit de Louis-Joseph Papineau.
Le processus d'intégration et de mixité est illustré de façon marquante par La Bolduc elle-même, Mary Travers. Avec un père immigrant irlandais et une mère francophone, La Bolduc chantait des reels irlandais, rappelle l'exposition, mais en joual canadien-français. Celle qu'on pourrait qualifier de grand-mère de la chanson populaire québécoise avait également l'habitude, le jour de la St-Patrick, de décorer sa maison et de s'habiller en vert de la tête aux pieds!
L'héritage culturel des Irlandais est évidemment considérable, ne serait-ce que sur le plan de la musique. Mais pourquoi, encore aujourd'hui, une telle fierté chez des Irlandais installés ici depuis plusieurs générations? «Il y a probablement une reconnaissance de certaines valeurs fondamentales, explique Lorraine O'Donnell, des valeurs de persistance, de survivance. Et puis, bien sûr, un sens de la fête!»
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- Pour des informations sur l'exposition Irlandais O'Québec, au Musée McCord: www.musee-mccord.qc.ca


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