Étrange campagne électorale. On a l'impression que les chefs de parti font campagne sans imagination particulière, avec quelques publicités télévisées sans grand impact, des pancartes électorales sans grande pertinence et un débat télévisé, la semaine dernière, qui a pris les accents d'une foire d'empoigne plutôt que d'une discussion élevée autour de grands projets.
Mais les chefs n'oublient jamais de se montrer à la hauteur du peuple et, surtout, de ne pas trop l'étourdir avec de grands rêves collectifs.
Demain matin, tiens, ils sont tous invités à une émission légère comme les bulles, Deux filles le matin à TVA, où ils se soumettront aux questions «songées» des deux animatrices qui veulent faire «connaître l'humain derrière le leader» (c'est écrit tel quel dans le communiqué de TVA), avec des questions sur «la vie de famille, la spiritualité, leur enfance, etc.».
Faute de proposer de grands projets qui feront rêver, faute d'être capables d'imaginer ce que sera le Québec dans 10 ou 20 ans (c'était le sens de la dernière question posée lors du débat des chefs de mardi dernier, et les réponses furent d'une remarquable absence d'envergure), nos politiciens divertissent. Il faut démontrer son sens de l'humour à Infoman (sinon il vous fera passer un mauvais quart d'heure), passer à Tout le monde en parle ou, si l'on ne s'entend pas bien avec Guy A. Lepage, faire le clown à Dieu merci! pour montrer que l'on est capable, même si on veut diriger le Québec, d'être au même niveau que n'importe quel candidat tarte d'Occupation double.
Remarquez que les médias ne sont pas toujours eux-mêmes d'une grande élévation. Il y a une dizaine de jours, Pauline Marois a été soumise, dans le cadre d'une entrevue à Rythme FM, à une série de questions du type «êtes-vous de type crémeuse ou traditionnelle, manuelle ou automatique, rouleaux ou fer à friser». Authentique.
Mais avouons aussi que notre campagne paraît terne après l'intense campagne fédérale d'octobre, et elle paraît encore plus décalée aujourd'hui avec le psychodrame sensationnel en cours à Ottawa.
Il reste que nos élections apparaissent sans audace lorsqu'on les compare à la véritable révolution opérée par l'équipe de Barack Obama aux États-Unis.
On a beaucoup dit que son élection a été portée par une armée de bénévoles sur Internet. Depuis le 4 novembre, on apprend maintenant que le nouveau président se servira d'Internet comme jamais.
Le Washington Post écrivait récemment que si John Kennedy avait été le premier président (et probablement le premier chef d'État au monde) à se servir massivement de la télévision pour se faire élire, Barack Obama est maintenant vu comme le «premier président numérique».
Obama est en effet assis sur un trésor de guerre: une base de données électronique de plus de 10 millions de supporteurs, rassemblée pendant deux ans (au moins trois millions des gens sur la liste ont directement donné de l'argent à sa campagne). Une équipe de 95 personnes, qui avait animé ces millions d'internautes pendant la campagne électorale, est maintenant réquisitionnée par la nouvelle administration démocrate pour continuer le travail. On rappelle d'ailleurs qu'un des dirigeants de cette équipe est le cofondateur de Facebook.
Selon les informations qui circulent depuis dix jours dans la presse américaine, à compter du 20 janvier, le président Obama prépare une sorte de démocratie nouveau genre: il se servira de cette base de données pour créer un lien direct avec les électeurs, et tester ses politiques (ce qui, en passant, est une bonne façon de contourner les médias traditionnels...).
Dès le lendemain de son élection, son équipe a d'ailleurs ouvert un nouveau site, «change.gov», dans lequel les internautes peuvent partager leurs préoccupations et même poser leur candidature à des emplois dans la nouvelle administration.
L'équipe d'Obama a bien pris note, je suppose, que trois fois plus d'Américains ont utilisé Internet pour s'informer en 2008 que lors de la campagne de 2004 et que, cet automne, Internet était devenu la deuxième source d'information des Américains pour la campagne électorale, toujours derrière la télévision, mais, pour la première fois, devant les journaux.
Toute comparaison pourrait sembler boiteuse. Mais il est impossible de ne pas remarquer que la stratégie de communication des partis politiques québécois sur les nouvelles plateformes technologiques est d'une timidité désespérante. Internet est, en soi, un enjeu absent de la campagne. Les sites Internet des partis, eux, sont réduits au minimum, sans blogues (tout au plus trouve-t-on sur le site de l'ADQ un petit forum de discussion invitant les gens à «imaginer» le Québec du futur). Sur Facebook, Jean Charest a ouvert un profil qui comptait 2300 «amis» vendredi dernier, Pauline Marois 1900... et les autres chefs n'en ont pas.
Pourtant, exclue du débat des chefs, Françoise David est quand même parvenue, avec peu de moyens, à rassembler 30 000 personnes le soir du débat, avec un site temporaire qui invitait les électeurs à suivre le débat avec elle. Mais il faut croire que le Québec n'est pas encore mûr pour une véritable révolution numérique en matière politique.
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