Gilbert Paquette avance sa tour, Khadir se fait tirer dans le dos

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Beaucoup de sujets cette semaine. Victor-Lévy Beaulieu le traître qui qualifie Marois de traître, Stéphane Dion qui est de moins en moins pour le retrait des troupes canadiennes en Afghanistan, un Castonguay pour qui la privatisation en santé a bien meilleur goût, Marois qui sans rire fait comme les autres en débattant via les médias, et bien d’autres choses… Ayant le choix, j’ai donc décidé de consacrer cette chronique à messieurs Gilbert Paquette et Amir Khadir.
Une contribution intéressante de Gilbert Paquette au débat
N’en déplaise à madame Marois et aux autres disciples du tais-toi-ou-crève, les libres penseurs du mouvement souverainiste ont décidé de poursuivre le débat. Certaines idées peuvent faire long feu, mais il y en a qui suscitent suffisamment d’intérêt pour devenir des tendances. Ce sont justement celles-là qui sont les plus difficiles à museler, à corseter ou à maintenir en laisse. Lundi dernier, dans un article publié dans Le Devoir, et faisant fi de l’idéologie du régime minceur proposé par nos weight watchers souverainistes du PQ, Gilbert Paquette n’a eu aucun remords à ajouter un peu de sauce dans le débat actuel. Le mouvement souverainiste n’ayant nul besoin d’une cure d’amaigrissement, sa contribution nous aide à oublier ceux et celles qui nous convient à ne manger que d’un seul pain. Gilbert Paquette ne tient pas à voir mourir les troupes par inanition, et cela l’honore.
[->11598]Cet ancien ministre du gouvernement Lévesque s’est présenté à la chefferie du PQ en 2005. On se souviendra qu’il a dû quitter la course pour des raisons que je n’aborderai pas ici. Toutefois, il m’apparaît important de préciser que l’homme fut apprécié par la gauche québécoise à l’époque où il fut ministre. Gilbert Paquette n’est pas un quelconque maire ou notable que le PQ avait recruté pour « acheter » des votes. Non, il était un homme d’idées tout en étant dédié à l’action. Bref, il n’était pas seulement un pelleteu de nuages, mais bien un député-ministre connecté avec le Québec et son monde.
Or, que dit-il?, Paquette. Premièrement, [les propositions du SPQ Libre->11479] ne l’émeuvent guère. Le « référendum populaire », très peu pour lui. Selon lui, cette avenue pourrait être utilisée par n’importe quel mouvement organisé. Danger, donc. Dans ma [chronique du 3 février->11560], j’allais dans le même sens, en moins explicite. Larose ? Il aime bien, mais il est d’avis que ce qu’il propose pourrait être défendu par un parti fédéraliste. Peut-être, mais lequel ? Pense-t-il à L’ADQ ? Je dis que Dumont et son équipe n’ont pas l’étoffe pour le faire. Les adéquistes sont tout au plus des provincialistes conservateurs qui ne constituent aucune menace pour l’ordre canadian. N’empêche qu’il a raison. Pour atteindre des résultats, il faut jouer la game sur son terrain à soi, pas sur celui de l’autre.
[->10972]Paquette, finalement, intervient pour donner du corps à ce que j’appellerais la « tendance Larose ». Pour lui, il ne suffit pas de militer pour des projets qui pourraient, théoriquement, être portés par des fédéralistes, aussi autonomistes soient-ils. Les propositions de Larose ou du SPQ Libre, laisse-t-il entendre, nécessiteront l’accord ou la participation financière d’Ottawa. Il prédit – avec justesse, à mon avis – que cet arrogant et centralisateur gouvernement s’avérera un frein à toute volonté d’affirmation nationale un tant soit peu sérieuse. D’où la nécessité de soumettre au peuple un plan d’ensemble de type « gouvernance de pays » lors d’une élection. L’idée est d’obtenir l’adhésion du plus grand nombre de Québécois sur un projet de société mobilisateur allant au-delà des clivages gauche-droite traditionnels. Bref, l’idée de base du pays doit être soumise à l’électorat, pas seulement un projet de gouvernance provinciale.
Une fois élu, il est évident qu’un parti souverainiste armé d’un programme d’émancipation nationale clair se heurtera à l’inertie d’Ottawa. En cas de blocage – et blocage il y aura – le parti au pouvoir pourrait avoir recours à un référendum pour « mettre le peuple dans le coup », comme le suggère Larose, pour qu’il se prononce sur des enjeux vitaux du Québec. La question pourrait porter sur l’indépendance, ou sur tout autre proposition vitale pour le Québec. Tout dépendra de la conjoncture et du rapport de force. Là-dessus, je crois que Paquette pourrait être d’accord avec l’ex-syndicaliste. Mais pour cela, il faudrait avoir gagné les élections en parlant des vraies affaires, en proposant une « gouvernance de pays ». C’est tout à fait légal et – à mon avis - ça nous éloigne des effets potentiellement pernicieux d’une élection référendaire.
Il y a des idées sur la table, et Paquette a pris le temps de se les approprier, de digérer le tout. Fait-il table rase de ce qui a été dit ? Non. Il ajoute, il contribue. Social-démocrate convaincu, il ne laisse pas l’idéologie prendre le dessus sur la stratégie. Décidément, il se dit des choses fort intéressantes hors des partis par les temps qui courent. Refusant le silence sécurisant que lui propose madame Marois, Paquette persiste et signe.

Amir Khadir dans la mire… À quoi ça rime ?
->aut87]Il m’arrive souvent de critiquer Québec Solidaire, mais je respecte toutefois ses dirigeants. Mardi dernier, le [Journal de Montréal faisait état des sympathies passées d’Amir Khadir avec l’Organisation des moudjahiddines du peuple iranien (OMPI), une organisation islamo-marxiste qui a longtemps combattu le chah d’Iran. Après la révolution islamiste, l’OMPI s’est mobilisée contre Khomeini, l’imam chiite intégriste. Cette organisation est aujourd’hui qualifiée de terroriste par la Communauté européenne et les Etats-Unis. Or, il s’avère que Khadir et les siens ont été l’objet d’une surveillance de la part du SCRS, les services très secrets de Sa Majesté la reine du Canada.
L’OMPI a connu la répression autant sous le chah que sous la dictature islamiste qui contrôle le pays depuis près de trente ans. Et quand je parle de répression, je ne parle pas de liquidation politique, mais bien de liquidation physique. L’OMPI s’est peut-être compromise dans des actions terroristes, mais elle n’a rien avoir avec Al-Quaïda ou tout autre mouvement du genre. Oui, l’OMPI prône la lutte armée, mais quiconque connaît un tant soit peu la réalité iranienne ne sera pas surpris qu’il en soit ainsi. L’organisation bénéficiait d’une base populaire importante. Au début des années ’80, l’OMPI avait réussi à organiser une manif de plusieurs centaines de milliers de personnes à Téhéran pour dénoncer la dictature khomeiniste. La répression fut sanglante. Si l’OMPI s’est lancée dans des actions douteuses, c’est avant tout par désespoir. Quand on est victime d’exécutions sommaires, un peu partout dans le monde (les services de renseignement iraniens peuvent s’avérer aussi efficaces que le Mossad), cela a pour effet de générer des dérives. Je n’excuse pas, mais ça s’explique.
Donc, si on se fie aux articles parus mardi dernier, Amir Khadir serait coupable par association. Bien sûr, on ne dit pas qu’il est un terroriste dans l’âme, mais l’abominable réside dans ce que pourrait suggérer l’article. Qu’il ait été un sympathisant de l’OMPI n’est pas un crime. À sa place, et étant ce que je suis, j’aurais fait de même. Il affirme avoir pris ses distances avec l’organisation, mais avait-il le choix, quand on sait comment cette information sera interprétée par le commun des mortels ? Voilà le genre de scoop tendancieux qui m’écoeure.
Amir Khadir a choisi le Québec. Il est un authentique souverainiste, un homme qui lutte pour la justice sociale. Son engagement avec « Médecins du monde » en fait foi. Il est des nôtres, et je suis avec lui. Appuyons-le, quelles que soient nos allégeances partisanes. Pour ma part, je lui ai offert mes sympathies via le courriel de Québec Solidaire. Ne vous gênez pas.


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    1 avril 2008

    Le droit d’utiliser la notion de traître a été légalement acquise grâce au jugement de la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Hervieux-Payette.
    Cette grande leçon de droit civil aura pris 20 ans à se conclure et constitue un chapitre important de l’histoire judiciaire du Québec.
    L’essai sur la liberté de parole, en matière politique, de François Gendron : "L’AFFAIRE DES TRAÎTRES" raconte cette saga et devrait être une lecture requise de tous citoyens qui s’intéressent au débat public.
    Les naufrageurs s’évertuent à rationaliser l’incompréhension systématique de la partie adverse. En plus de souligner leur aplaventrisme, leurs actions en deviennent aussi irrationnelles qu’inexplicables sans la notion de traîtrise aux intérêts d’une nation contre celle d’une autre, ce qui conduit logiquement à la notion de "traître à la nation".
    Depuis 1763, nous n’avons plus d’Histoire, sinon celle, par réfraction, que nos conquérants veulent bien nous laisser vivre, pour nous calmer. Cette tâche leur est d’autant plus facile que nous secrétons nos propres bourreaux. - Léon Dion
    L’indépendance, c’est le saut que doit faire le Québec hors de la "survivance" pour entrer dans l’existence normale…Sinon, ce qui nous attend, c’est l’extinction graduelle, avec tous les soubresauts de violence anarchique qui accompagnent l’agonie insensée d’un organisme bâti pour vivre. –René Lévesque"
    Il n’y a pas d’élégance à être un bon perdant quand l’enjeu perdu est la liberté."- John Hay Whitney

  • Archives de Vigile Répondre

    17 février 2008

    Faudrait bien arrêter de se traiter de traitres entre Québécois de diverses options constitutionnelles : full-fédéralistes; fédéralistes light; autonomistes, souverainistes avec ou sans association ou partenariat; associationistes; souverainistes tout court; indépendantistes-séparatistes avec ou sans référendum ou élection référendaire.
    Parce que traître est un bien vilain mot qui veut dire : Qui trahit de manière perfide, qui trompe, dangereux, sournois, qui porte atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, qui pourrait être jugé comme tel.
    À la place de considérer celles et ceux d'une autre option comme des ennemis, les considérer comme des future supporteurs(trices) à gagner à sa cause parce que nous sommes tous Québécois même si certains semblent l'être un peu moins.