L’objet qui risquera de foutre en l’air le projet au complet

Ah! Ce cher crucifix!

Décidément, il sera la pierre d’achoppement de la CAQ et de son projet de loi sur la laïcité, je le sens

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Tribune libre

Ahhh! – Ohhh! Vers quoi mon regard se trouve-t-il aujourd’hui obligé de se fixer, au buffet de mon resto «Le bar laïc»? Pas, comme je m’y attendais suite à ma chronique sur «l’objectionite» de la semaine dernière,  sur le droit (est-il fondamental ou non) d’afficher nos croyances religieuses (est-ce que cet affichage fait même partie de ce qu’on appelle la liberté de religion?), car je n’ai pas eu d’échos sur cette question, mais sur… ce cher crucifix, dit patrimonial, trônant au-dessus de la tête du président de l’Assemblée nationale. (Je rappelle que c’en est une copie, et non l’original.) Il faut dire qu’ici  à Vigile-Québec, un site officiellement indépendantiste, il me semble qu’on y défend plus souvent qu’autrement son maintien en ce haut lieu de l’exercice du pouvoir. Pourquoi? Parce qu’on y voit un objet patrimonial, donc à conserver précieusement (mais pas ailleurs qu’au Salon bleu, allez savoir pourquoi…), et même comme…  le symbole même de l’identité québécoise! De sorte que l’enlever et le déplacer ailleurs dans le Parlement, avec d’autres objets historiques, serait rien de moins que de mettre une croix (sans jeu de mots…) sur notre identité, rien de moins que renier celle-ci! Avouons que c’est fort en titi… Et certains vont même jusqu’à traiter les personnes en faveur de son retrait et de son déplacement  de «militants anti-identitaires»… - Misère! Pourtant, s’il y en a une qui tient à notre identité canadienne-française, c’est bien moi! Et voilà que je serais une militante anti-identitaire… - Faut l’faire!


Le 15 octobre dernier, dans le Journal de Montréal, le chroniqueur Pierre Martin écrivait que «Si l’État du Québec souhaite se proclamer laïc, il devra se débarrasser de ce vestige du copinage entre un clergé catholique rétrograde et le gouvernement non moins rétrograde de Maurice Duplessis.»  - Bon. Oublions le mot rétrograde, un bien gros jugement, mais avouons que (je modifie), «vestige du lien étroit officialisé entre le clergé catholique et le gouvernement duplessiste» est bel et bien le sens et la signification de ce crucifix. C’était le but même de Duplessis. Il N’EST PAS le symbole identitaire du Québec, mais bel et bien de l’Église catholique, de cette époque jusqu’à nos jours et même des siècles et des siècles avant.


Notre passé catholique, n’ayons crainte, ne disparaîtra pas avec le déplacement de ce crucifix et son remplacement par un autre symbole bien plus approprié et proche de ce qui nous unit comme emblème: la fleur de lys, par exemple, tel qu’elle est sur notre drapeau. (D’ailleurs, c’est celui-ci qu’on agite fièrement à la Saint-Jean, et non un crucifix!) Peut-être même la faire flotter légèrement au-dessus d’une ceinture fléchée stylisée, pourquoi pas?   :)


Et je termine par cette citation tirée d’une chronique de Lise Ravary du 15 octobre dernier : «l’État québécois ne sera jamais officiellement laïque tant que le crucifix de Duplessis restera accroché au-dessus de la tête du président de l’Assemblée nationale. Il n’y a pas d’évidence plus évidente que nous comprenons mal la laïcité quand nous défendons ce satané crucifix.» - Avec raison le dit-elle: il n’y a pas plus symbole RELIGIEUX que celui-là, et si on le laisse là, comme semble y tenir mordicus notre premier ministre, vous entendrez le mot «catholaïcité» (une laïcité à deux vitesses, une pour nous et une autre pour les autres) encore davantage que «signes religieux» !



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4 commentaires

  • Gilles Verrier Répondre

    7 mars 2019

    Un texte éclairant sur la question (mes soulignements): 



    Laïque n'a jamais signifié anti-clérical. Aujourd'hui encore, le terme de laïc est plutôt un terme chrétien désignant les personnes non consacrées, le vocabulaire philosophique appelant athées les incroyants, et le vocabulaire politique appelant anticléricaux les "bouffeurs de curés". Evidemment l'existence de mots distincts pour désigner un clerc et un laïc n'est nécessaire que dans les religions où existe un corps dédié à la pratique ou à l'enseignement, alors que certaines religions refusent la notion de consécration des guides, comme d'autres refusent de considérer le peuple comme profane...




    Le christianisme a, dès l'origine, affirmé la séparation de la gestion des sphères temporelle et intemporelle quand Jésus a prescrit de rendre respectivement à César et à Dieu ce qui relevait de l'une et de l'autre. Ces sphères se sont confondues quand pratiquement toute la société a été chrétienne, ce dont l'empereur Constantin a pris acte. Il l'a d'ailleurs fait en tant que chrétien restant à sa place de laïc, contrairement aux monarques divinisés d'Egypte, du Japon et du Tahuantinsuyo ou encore aux califes, commandeurs des croyants et autres guides suprêmes d'aujourd'hui. Puis, en Occident du moins, l'effondrement de l'Etat romain a regroupé le peuple autour de la seule hiérarchie encore organisée de l'échelon local jusqu'au continental (l'ecclésiale)...  [nota : Dans le Bas-Canada, ce serait plutôt la déroute de 1837-38 qui a remplacé l'effondrement de l'État romain...]



    pour lire la suite : 


    http://stratediplo.blogspot.com/2017/12/la-fin-de-la-laicite.html


  • Thérèse-Isabelle Saulnier Répondre

    7 mars 2019

    Bonjour M. Paiement, J’ai lu votre article et je l’ai même dans mes dossiers portant sur la laïcité. J’ai aussi celui de Jacques Rouillard, que j’ai indiqué à Mme Monique Chapdelaine dans ma chronique précédente et qui a été, lui aussi, publié dans Vigile.


    https://vigile.quebec/articles/le-crucifix-de-l-assemblee-nationale


    Vous soulignez la présence, au Salon bleu, de divers signes de la monarchie britannique et, par conséquent, de l’église anglicane (la reine en étant la cheffe, la «papesse» («Goy George», auquel vous référez et qui vous a fait effectuer un virage à 180 degrés, en relève 8) et voudriez qu’on les élimine tous. Effectivement, une laïcité «radicale», si je puis dire, totale, exigerait la disparition de tous et, pour cela, il faudrait refaire tout le décor du Salon bleu, boiseries incluses, et même d’autres pièces du Parlement. Ce serait aussi le cas advenant l’avènement de l’indépendance du Québec, où tous les signes de notre appartenance à l’empire britannique devraient disparaître.


    Mais s’agit-il de signes religieux anglicans? Vous l’affirmez parce que la reine en est la cheffe, mais il s’agit surtout de signes indiquant que le Canada, et forcément le Québec qui en fait toujours partie, fait partie de l’empire britannique.


    Rouillard indique que «L'Hôtel du Parlement, dont la construction date du milieu des années 1880, contient très peu de symboles religieux même si sa décoration est destinée à rappeler l'histoire et l'identité du Québec. /…/ L'ensemble de l'ornementation intérieure et extérieure du Parlement vise à mettre en évidence les origines françaises du Québec, les conquêtes démocratiques de 1791 et 1848 et l'attachement au système politique britannique de monarchie constitutionnelle.  C'est ainsi que les armoiries de la Grande-Bretagne surplombent ostensiblement le trône du président de la Chambre (bien plus en évidence que le crucifix).»


  • Michel Matte Répondre

    7 mars 2019

    Le crucifix ne pose pas de problème, pas plus que la laïcité n’est une fin en soi.  Voici pourquoi.


    D’abord, le crucifix est le symbole d’une culture religieuse qui nous a fait ce que nous sommes. 


    Il ne signifie pas un retour à un pouvoir religieux arbitraire parce que l’Église est en pleine déconfiture et que les jeunes comme la majorité se sont détachés de la pratique religieuse.


    La laïcité est plutôt un rempart contre l’intégrisme et le fanatisme de groupes minoritaires. On devrait plutôt parler de neutralité de l’État.


    C’est un fait documenté que l’Occident capitaliste et libéral a soutenu et alimenté l’intégrisme dans le but de diviser pour régner. Ceci a pour effet de discréditer et d’affaiblir les religions en général ce qui est aussi recherché par le pouvoir capitaliste.


    Les religions sont issues de mythes universels (voir Fernand Couturier, Mythes religions laïcité) mais elles sont aussi porteuses de vérités symboliques. 


    C’est le vide créé par le rejet de notre propre culture qui alimente l’intégrisme au nom d’une liberté qui sert à alimenter des conflits sociaux.

     


  • Normand Paiement Répondre

    6 mars 2019

    Madame Saulnier,


    Comme la plupart des personnes qui traitent de la présence du crucifix à l'Assemblée nationale, vous passez sous silence le fait que les symboles de l'Église anglicane y occupent depuis toujours une place de choix, comme j'ai eu l'occasion de le signaler sur ce site il y a quelques mois (https://vigile.quebec/articles/cachez-ce-crucifix-que-je-ne-saurais-voir-les-tartuffes-de-la-laicite).


    Ne croyez-vous pas que, pour des raisons de cohérence, les tenants de la laïcité devraient également exiger leur retrait?...


    Cordialement,



    Normand Paiement