Une objection bien abusive contre la laïcité

Vous avez dit : « Viol de la liberté de religion » ?

L'affichage de ses croyances n'est pas un droit fondamental

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Chronique de Thérèse-Isabelle Saulnier

Le voici enfin pondu et présenté, ce projet de loi 21 sur la laïcité! Déjà contesté avant même sa publication, il n’a malheureusement pas fini de l’être, malgré le fait qu’il soit loin d’être radical (on se serait attendu à plus, particulièrement au niveau des catégories de personnes concernées).


La principale objection, que l’on entend déjà depuis fort longtemps, d’ailleurs, c’est qu’une telle proclamation de la laïcité de l’État, incluant évidemment la neutralité tant dans les faits que dans l’apparence, brimerait LES droits fondamentaux DES minorités et, en particulier, qu’elle «violerait» ou «bafouerait» la liberté de religion, l’un des droits fondamentaux proclamés par les diverses Déclarations des droits humains et des Chartes. Ces verbes, que j’ai ici mis entre guillemets, car je cite, sont sortis entre autre de la bouche de Philippe Couillard, ex-Premier ministre du Québec, et d’Anne-Marie-Dussault, animatrice du 24/60 à RDI. Et ça continue encore, c’est même devenu central avec la question de savoir comment s’appliquera la loi en cas de refus de s’y conformer.


Parlons d’abord du fait que cette loi brimerait les droits fondamentaux ou des droits fondamentaux des minorités. LES ou DES droits? Mais lesquels? Il n’y a qu’un seul interdit dans cette loi, celui d’afficher son appartenance religieuse lorsqu’on travaille pour un organisme d’État, et encore, pas tous.


Les droits DES minorités? Mais quelles minorités? Là aussi, il n’y en a qu’une seule, celle de ces croyants religieux qui tiennent absolument à porter un signe indiquant leur appartenance religieuse et ce, même au travail.


Ensuite, abordons le soi-disant viol ou bafouement de la liberté de religion. La liberté de religion est certes un droit fondamental, comme l’est la liberté d’expression et de conscience. Mais comme toute liberté, cette liberté-là n’est pas absolue (elle n’implique pas n’importe quoi). En particulier, la question se pose: afficher son appartenance religieuse par un signe ostentatoire, ou même discret, en fait-il partie? Est-ce un droit fondamental que d’afficher cette appartenance?


Nulle part, dans les différentes Déclarations des droits et libertés depuis celle de 1948 (la DUDH), nulle part l’affichage quelconque de son appartenance religieuse ne figure comme faisant partie de la liberté de religion. Ce qu’on entend par celle-ci, c’est la liberté de croire ou non à un Dieu, de pouvoir changer de religion ou de conviction, et de la manifester par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites dans des lieux convenant à ces fins.


Or, cette liberté-là n’est absolument pas touchée par le projet de loi sur la laïcité. On n’empêchera personne de croire ou non à tel Dieu, ou de se convertir à une autre religion, ou de la pratiquer dans les lieux appropriés. Ce qu’un État laïc dit et proclame, c’est qu’il est indépendant de toute Église, de toutes les Églises, qu’il est neutre par rapport à elles toutes (il ne favorise pas l’une plus que l’autre), et que les personnes qui le représentent doivent refléter cette neutralité et cette laïcité en n’affichant pas leurs croyances religieuses au travail. Il en est de même, d’ailleurs, pour ce qui concerne la liberté de pensée et d’expression : vous avez parfaitement le droit de penser ce que vous voulez, d’avoir telle conviction politique ou idéologique, de l’exprimer (c'est-à-dire de la formuler), mais lorsque vous travaillez pour l’État, vous avez un devoir de réserve et ne pas afficher ces croyances personnelles par un signe quelconque. Cette restriction existe déjà et tout le monde la respecte parce qu’au fond, on sait bien que c’est un droit bien secondaire, mineur, surtout au travail car ailleurs, dans l’espace public, ce droit d’afficher une croyance est tout à fait permis. Il doit en être de même pour les croyances religieuses.



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