Pour Jean Charest, le témoignage de Marc Bellemare est un problème politique majeur. On entend presque les libéraux prier le ciel pour que la création de la Commission Bastarache ne se transforme pas pour eux en un cadeau empoisonné.
Gros problème: LA question posée par les allégations de Me Bellemare vise la personne même du premier ministre. À savoir: a-t-il ou non avalisé l'influence exercée par des collecteurs de fonds libéraux dans la nomination de trois juges en 2003 et 2004?
Car si on s'attend à ce que des bailleurs de fonds d'un parti tentent parfois de faire nommer "leur monde" à des postes grassement rémunérés et influents, on ne s'attend pas à ce qu'un premier ministre les approuve, du moins, selon les dires de Me Bellemare. (Ce dernier avance que cela se serait surtout fait par le biais de Franco Fava et Charles Rondeau, d'importants organisateurs du PLQ.)
Voici d'ailleurs en quels termes Me Bellemare raconte ce que lui aurait dit M. Charest lors d'une rencontre privée tenue le 2 septembre 2003: "Franco Fava est un ami personnel. C'est un collecteur influent du parti. On a besoin de ces gars-là. Il faut les écouter. C'est un professionnel du financement. S'il te dit de nommer Bisson et Simard, nomme-les." (Marc Bisson et Michel Simard sont deux des juges que Me Bellemare aurait nommés "sous influence".)
Même si ce n'est pas "illégal" et que dans notre système parlementaire, le premier ministre est tout-puissant, la population ne pardonnerait pas, si tel était le cas, que le "pouvoir de l'argent", ou "l'argent du pouvoir", puisse décider de qui devient juge.
C'est sous cet aspect très précis que les allégations de Me Bellemare sont les plus graves. Surtout à une époque où les questions d'éthique hantent de plus en plus de gouvernements dans le vaste monde...
Pour M. Charest, que les affirmations de son ancien ministre s'avèrent ou non fondées, sa faiblesse continue dans les sondages de même que le bris de confiance qu'il vit avec une majorité de Québécois le handicapent aussi sérieusement. Pour le moment, l'opinion publique dominante est que M. Charest est le méchant et Me Bellemare, le bon. M. Charest a beaucoup de pain sur la planche s'il veut renverser le générique de ce film!
Reste bien sûr à voir si des zones grises finiront par apparaître à mesure que les audiences se poursuivront.
Or, le refus obstiné de M. Charest de créer la VRAIE commission d'enquête que la population réclame depuis des lunes sur les histoires de corruption et de collusion dans la construction et le financement des partis lui fait aussi un tort considérable, en créant l'impression qu'il cherche à "cacher des choses" aux contribuables. Pis encore, à tort ou à raison, ce refus aura semé de sérieux doutes quant à sa propre intégrité et celle du gouvernement.
Résultat: la "marque de commerce" du PLQ risque d'en être entachée au point où même une démission de M. Charest l'aiderait à peine.
C'est pourquoi, dans ce troisième mandat où à peine 20 % des francophones disent appuyer le PLQ, ce qu'avance Me Bellemare est un problème politique majeur pour Jean Charest et son parti. Car même si on ne sait pas encore "qui dit vrai" dans cet ultime combat où la parole de l'un s'oppose radicalement à celle de l'autre, pour le moment, la majorité de la population, elle, semble avoir rendu son verdict.
Rien n'est joué, bien entendu. Les audiences de la Commission débutent et d'autres coups de théâtre sont fort possibles. Pourtant, comme l'ont noté plusieurs citoyens, M. Charest a une "sérieuse côte à remonter".
Même sa sortie étonnante dès la fin de la première journée de témoignage de Me Bellemare pour tout nier, une fois de plus, risque d'être vue comme un signe de grande inquiétude chez les libéraux. Et non comme le geste d'un premier ministre serein et confiant.
Le "pape" et le "roi"
Cette crise braque aussi les projecteurs sur le rôle du financement des partis dans le processus de nomination pour des postes influents, et non seulement dans l'attribution de gros contrats gouvernementaux en forme de "retours d'ascenseur".
Ce qui nous amène à ces créatures de l'ombre peu connues des électeurs: les bailleurs de fonds des grands partis, dont l'influence est parfois proportionnelle aux montants qu'ils ramènent.
N'est-ce pas là ce que dit Me Bellemare lorsqu'il qualifie de "pape" tout premier ministre et, dans ce cas-ci, de "roi" M. Fava, dans le département de l'influence.
Si ces créatures sont vitales pour les partis, le problème est que dans notre mode de financement devenu, de toute évidence, trop facile à contourner, dès que l'éthique devient plus élastique, dans un parti, ils se mettent à en mener nettement plus large. D'où, entre autres raisons, cette idée à l'effet que l'État devrait peut-être couvrir lui-même le financement des partis.
Quant à M. Charest, l'important, pour lui, est que le fin mot de cette histoire est loin d'être écrit. Mais avouez que ça commence tout de même à ressembler à une fin de régime pas très agréable...
Un problème politique majeur
Résultat: la "marque de commerce" du PLQ risque d'en être entachée au point où même une démission de M. Charest l'aiderait à peine.
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