La course à la direction du Parti libéral qui s’est achevée dans l’indifférence il y a un peu plus d’une semaine aura laissé beaucoup de Québécois sur leur faim : comment un parti peut-il à la fois recevoir son pire score depuis 1867 à une élection générale (31,2 % des voix) et ne pas remettre en question ses neuf années au pouvoir ?
À travers cette soporifique lutte de personnalités, la volonté de Philippe Couillard d’aborder de nouveau le problème constitutionnel canadien est passée quasi inaperçue. L’idée était pourtant révolutionnaire : recommencer à parler d’un sujet tabou au Parti libéral et se donner l’objectif de régler la question avant le 150e anniversaire du Canada en 2017.
En effet, pendant les neuf années de pouvoir de Jean Charest, le Québec a connu le plus grand immobilisme sur le front constitutionnel depuis au moins un demi-siècle. Ayant été initié très jeune aux écueils dans ce domaine lors de son passage au sein du gouvernement de Brian Mulroney, Jean Charest n’a jamais voulu prendre le moindre risque une fois élu premier ministre. De toute manière, pour le plus fédéraliste des chefs de gouvernement de l’histoire moderne québécoise, le statu quo était l’objectif à atteindre.
Jean Charest était toutefois trop fin politicien pour ignorer que l’absence de solution au problème constitutionnel est la plus grande épine dans le pied des fédéralistes canadiens : la persistance de ce dossier ne fait que montrer l’impuissance manifeste de son camp politique à répondre aux aspirations nationales des Québécois. Pire, advenant un autre échec constitutionnel, l’appui à la souveraineté pourrait remonter à plus de 65 % comme au lendemain de l’échec de l’Accord du lac Meech. Ainsi, pour empêcher le problème de faire surface, Jean Charest a utilisé toutes les ressources à sa disposition pour minimiser, diminuer, railler, nier l’existence d’un problème constitutionnel. Au mieux, son gouvernement s’en tenait à l’inénarrable formule « le fruit n’est pas mûr » - comme si le règlement de la question constitutionnelle tombera un jour du ciel.
La révolution annoncée par Philippe Couillard a malheureusement été de courte durée. Dès le lendemain de son élection, celui-ci a laissé entendre que son éventuel gouvernement pourrait signer la Constitution sans passer par l’approbation du peuple, ni même de l’Assemblée nationale ! Déclenchant un feu nourri de critiques, Couillard a vite battu en retraite derrière la parade des « questions prioritaires », telles l’économie et la santé.
Cette peur pathologique des libéraux quant à la question constitutionnelle braque, bien involontairement, la lumière sur le chemin à prendre pour que le Québec reprenne sa marche en avant : d’une manière ou d’une autre, les Québécois devront affronter ce problème pour avancer.
La Constitution, balise de notre liberté nationale
En niant le problème et en associant bassement le sujet à de « vieilles chicanes », les libéraux ont fini par faire oublier aux Québécois l’importance capitale de la Constitution. Pire, en se concentrant sur la date du prochain référendum, une partie des souverainistes auront eux aussi contribué à éloigner la population du sujet à la base du conflit Québec-Canada. Cette Constitution balise le fonctionnement de la fédération, répartit les pouvoirs et les limites imposées à l’État québécois dans la formulation des politiques publiques. Il ne faut donc pas minorer son influence, mais bien reconnaître son caractère primordial.
Comment façonner une société verte, si le palier fédéral peut défaire ce que le gouvernement du Québec accomplit, étant donné que l’environnement et l’agriculture sont des compétences partagées ? Comment faire fleurir notre culture nationale, si l’on ne contrôle pas le secteur des communications et qu’il faut soumettre tout changement à la Charte de la langue française au jugement d’une Cour suprême contrôlée par des représentants d’une autre nation ? Comment mener une politique sociale cohérente lorsque l’assurance-emploi et la formation de la main-d’oeuvre ne sont pas contrôlées par le même gouvernement ? La liste de questions rhétoriques à ce sujet est longue, mais de toute manière, chaque fois que l’on demande aux Québécois s’ils souhaitent rapatrier des pouvoirs, la réponse est toujours invariablement positive.
Ainsi, les Québécois doivent se rendre à l’évidence : rien, à l’exception d’une modification majeure des textes constitutionnels canadiens, ne peut satisfaire leurs réelles ambitions collectives. C’est pour cette raison que leurs élus ont tenté, pendant les années 1980-1995, de tracer de nouvelles balises aux rapports entre le Québec et le Canada en modifiant, à des degrés divers, l’alliance constitutionnelle des deux peuples. C’est aussi parce qu’il est impossible d’affirmer que la question constitutionnelle est dissociée de l’avenir national des Québécois qu’elle structure encore très fortement notre débat politique. C’est finalement parce qu’elle représente le prolongement moderne de la quête d’existence historique des Québécois qu’elle ne disparaîtra pas d’elle-même.
Une méthode volontariste
Comment procéder pour renégocier la Constitution à notre bénéfice national ? Comment ne pas répéter les trop nombreux échecs que le Québec compte dans ce domaine ? C’est en contrôlant au maximum le processus que nous pourrons maximiser les chances de succès.
En premier lieu, ceux qui ont à coeur la progression de la liberté nationale québécoise - des autonomistes jusqu’aux souverainistes - devront mettre en branle un processus visant à définir clairement les demandes québécoises en matière constitutionnelle. Ces demandes seraient entérinées au bout d’une année par un référendum.
Une fois adoptées par le peuple, les demandes québécoises - en plus d’être impossibles à éviter - seraient officiellement présentées au reste du Canada en vue d’une ratification par le Québec de la Constitution canadienne modifiée. Celui-ci disposerait d’un délai fixe pour adopter les réclamations du Québec et modifier la Constitution en conséquence. À son choix, le Canada pourrait décider d’adopter une autre proposition, mais quoi qu’il fasse, les modifications constitutionnelles devront être adoptées par l’ensemble des provinces avant le délai imparti.
À l’expiration du délai (ou avant, s’il constate que le Canada ne veut pas coopérer), le Québec tiendrait un deuxième référendum sur un choix bien simple : soit le Québec ratifie la Constitution canadienne telle qu’elle est modifiée, soit il opte pour la souveraineté. Ainsi, il n’y a plus de possibilités pour le Québec de se retrouver une nouvelle fois devant le statu quo. L’avancement national, pour la première fois depuis des décennies, serait enfin envisageable.
L’attentisme constitutionnel doit céder le pas au progrès national : même si cela fait près de vingt ans que nous n’avons pas vu une telle attitude politique dans ce domaine, il est permis d’espérer du volontarisme de la part de nos élites politiques.
Question constitutionnelle - La voie du progrès national
En niant le problème et en l’associant bassement à de «vieilles chicanes», les libéraux ont fini par faire oublier l’importance de la loi fondamentale
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