L’année 2020 a commencé avec une surprise que personne n’avait vue venir : la course à la direction du Parti québécois s’annonce comme le débat d’idées le plus vivifiant qu’un parti ait mené depuis deux décennies. Après la dernière année qui a vu le renouvellement du comment (notre fonctionnement et notre approche) et du quoi (l’adoption d’une déclaration de principes axée principalement sur l’indépendance), la désignation de la personne qui incarnera ces choix auprès des Québécois fait la manchette.
Le choix d’une cheffe ou d’un chef n’est toutefois pas qu’une histoire d’idées. Les membres d’un parti qui désignent leur leader choisissent surtout celle ou celui qui incarnera leur projet auprès d’un électorat à convaincre. Souhaitant participer à la discussion, je me permets ici de présenter quelques caractéristiques qui, je le crois, seront des nécessités dans la reconquête du coeur des Québécois.
Le premier attribut qui vient à l’esprit est la stabilité que la meneuse ou le meneur devra apporter : depuis 2014, ce sont trois chefs en six ans — en plus de trois chefs intérimaires — que nous avons eus. C’est trop et cela mine notre crédibilité. Celle ou celui qui souhaite diriger le parti devra s’engager à y rester au moins dix ans, dans les victoires comme dans les défaites. La longévité est bien plus payante à long terme que l’époque ne le fait croire, car elle permet d’instiller dans la population la droiture des convictions qui ne changent pas au gré du vent.
Le mouvement indépendantiste est composé de deux ailes qui se comportent malheureusement trop souvent en factions qui visent à exclure l’autre de la direction des affaires. Or, il faut réapprendre à travailler ensemble et mettre nos divergences de côté. Le prochain chef devra être en mesure de rassembler, sans cliver, les sociaux-démocrates et les conservateurs qui sont, légitimement, les deux jambes du mouvement indépendantiste.
Le même constat s’applique avec les générations. En effet, le climat malsain d’affrontement qui s’est installé en Occident entre, d’un côté, les plus âgés qui se comportent parfois comme leurs propres parents et, de l’autre côté, une certaine jeunesse qui scande « OK boomer » lorsqu’elle est contredite devra être dépassé. Notre chef devra faire le pont entre ces deux mondes.
Un jugement politique à toute épreuve sera de mise : à l’ère des réseaux sociaux, une déclaration fortuite ou un dérapage peut handicaper sérieusement un parti politique. Les déclarations à l’emporte-pièce, faites sur l’autel de l’authenticité, peuvent exciter la galerie, mais elles ne sont jamais le socle de la fondation d’un pays. Attention ! Le jugement attendu ne doit pas être compris comme un frein à l’innovation et à l’audace, à sortir des sentiers battus.
Notre figure de proue n’aura pas le loisir d’importer au sein du Québec une lutte « antisystème » qui souvent se termine en eau de boudin et qui masque le vide d’une proposition politique sans issue. De même, la victimisation qui vient souvent avec les candidatures antisystèmes est l’antithèse de la confiance que nous devons projeter si nous souhaitons convaincre la majorité nécessaire à la fondation d’un pays.
La personne qui conduira notre destinée devra être capable d’assumer et d’expliquer ses propos publics, ses propositions politiques et ses décisions passées. Comme le chroniqueur Mathieu Bock-Côté le faisait récemment remarquer, la parole d’une femme ou d’un homme politique ne se divise pas : tout ce qu’elle ou il a dit, dans tous les contextes, est de nature à ressurgir dans les discussions de la Cité. C’est normal, c’est sain et ce n’est surtout pas de la « vieille politique ». D’ailleurs, nos adversaires ne manqueront pas de passer notre chef aux rayons X. En d’autres mots, une cheffe ou un chef n’est pas le ou la porte-parole de sa personne, mais d’un mouvement.
Les membres ainsi que les sympathisants qui voteront auront une lourde responsabilité entre les mains. Ce sont eux qui, en désignant la cheffe ou le chef, recrédibiliseront aux yeux de la population le parti, mais surtout l’idée d’indépendance qu’il porte et qui le dépasse. C’est une lourde tâche, mais j’ai confiance en eux.
* L’auteur s’exprime ici à titre personnel.