Lorsque l’on étudie les processus de prise de décision en politiques publiques, l’une des méthodes enseignées est celle de la « non-décision ». Par non-décision, on entend le choix assumé de ne pas décider. Évidemment, la non-décision s’avère une décision en soi. Le Parti libéral est passé maître dans l’art de la non-décision. Depuis 2003, trois sujets sont l’exemple même de sa non-décision : la laïcité, la langue et la lutte contre le racisme.
Neuf ans de perdus. En 2008, la commission Bouchard-Taylor rendait son rapport sur la question des accommodements raisonnables et plus largement de la laïcité. Dès ce moment — à l’exception notable de l’égalité hommes-femmes —, Jean Charest a continuellement reporté l’adoption d’une quelconque législation à sujet. Philippe Couillard a refusé durant les trois premiers quarts de son mandat de discuter de cet enjeu. Bizarrement, à un an des élections générales, la laïcité revient sur la sellette avec le projet de loi 62. Pourquoi a-t-on laissé passer neuf ans depuis la fin des travaux de la commission Bouchard-Taylor avant d’agir ?
La stratégie du laisser-aller. Les chiffres du recensement de 2016 révèlent une fois de plus que le français est en recul au Québec. L’indicateur de référence de la vitalité du français, soit la langue d’usage à la maison, montre un déclin de 3 % à l’échelle du Québec depuis 2001. À Montréal, le recul est davantage marqué. À l’exception de quelques campagnes de valorisation du français, le mantra libéral — autant de M. Couillard que de M. Charest avant lui — est que « l’on ne touchera pas à la Charte de la langue française ». Malgré l’apparence sémantique d’une défense de la Charte, il s’agit pourtant d’une position de statu quo qui empêche la nécessaire évolution d’une loi aussi importante. Le Parti libéral a historiquement osé des gestes forts pour la protection du français. Qu’est-ce qui explique que, depuis 2003, le Parti libéral n’a rien fait de sérieux au sujet du français ?
Une tardive lutte contre le racisme. Après 14 ans de pouvoir quasi interrompu, le Parti libéral a décidé que l’année préélectorale serait le théâtre d’une commission sur le racisme « systémique ». Les problèmes liés au racisme sont réels et il y a peu de gens au Québec pour nier l’existence de comportements racistes qui nuisent à certains de nos concitoyens. Toutefois, nombre de solutions issues de moult consultations sont connues depuis des décennies afin de combattre la discrimination raciale. Qu’est-ce qui a empêché les libéraux de les mettre en oeuvre depuis 2003 ? Quand on place en perspective le peu d’empressement que le gouvernement libéral a démontré pour faire suite au rapport Bouchard-Taylor — qui résultait d’une commission qui a cristallisé les tensions sociales —, on peut légitimement douter des magnanimes intentions d’un exercice sur le racisme « systémique » à un an des élections.
Une non-décision coupable. La non-décision pratiquée à l’égard de la laïcité, du français et de la lutte contre le racisme depuis 2003 par le gouvernement libéral n’est pas le fruit du hasard.
D’un côté, le Parti libéral est maintenant devenu allergique à toute question qui pourrait raviver la flamme nationaliste. La langue ou la laïcité sont au coeur de notre différence : les discussions entourant la candidature de Jagmeet Singh au NPD en font foi. Il est fort probable qu’une législation sur ces deux sujets génère des contestations devant les tribunaux et se voie invalidée. Ce faisant, cela aurait le potentiel de montrer une fois de plus les limites de la fédération à s’adapter au caractère distinct du Québec.
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