En ce 100e anniversaire de naissance de René Lévesque, plusieurs personnalités ou chroniqueurs politiques chercheront à interpréter son parcours politique en répétant qu’il a échoué son rêve de réaliser la «souveraineté» du Québec. Rien de plus faux, car comme le dit la morale de la fable de Jean de la Fontaine du lièvre et de la tortue, «rien ne sert de courir, il faut partir à point». La vanité de Pierre Elliot Trudeau, le lièvre anti-nationaliste québécois contre la persévérance de René Lévesque, la tortue nationaliste québécoise, tel sera l’enjeu de la prochaine élection québécoise, et voici pourquoi:
Quarante ans après le rapatriement unilatéral de la constitution canadienne d’Angleterre sans le consentement du Québec, force est de constater que le nationalisme québécois se porte bien, à un point tel que je parie qu’à long terme, la tortue nationaliste québécoise arrivera au fil d’arrivée avant le lièvre anti-nationaliste.
Pourquoi? Parce qu’en niant l’existence de la nation québécoise et en souhaitant qu’elle disparaisse au fil du temps, tout indique que l’appui populaire à François Legault sur ses politiques identitaires, que ce soit la laïcité ou le renforcement de la langue française, représente un avancement à petits pas de la tortue nationaliste contre le lièvre anti-nationaliste fédéral.
La vanité du lièvre aura-t-elle raison de la persévérance de la tortue?
Qui ne se souvient pas de la vanité d’un Pierre Elliot Trudeau, le lièvre anti-nationaliste québécois, rapatriant à toute vitesse la constitution du Canada en 1982 tout en humiliant René Lévesque, la tortue, qui non seulement n’a jamais signé la constitution canadienne, mais qui a réussi à convaincre les fédéralistes nationalistes québécois de ne jamais signer cette même constitution qui a bafoué à tout jamais l’existence même des droits collectifs des Québécois.
En effet, les Robert Bourassa, Claude Ryan, Jean Charest et Philippe Couillard n’ont jamais souhaité signer la constitution actuelle, pourtant tous de fervents fédéralistes. Pourquoi? Parce qu’ils ont cru que la constitution canadienne pouvait être réformée. Mais ils ont vite déchanté après deux échecs cuisants, l’accord du lac Meech adopté en 1987 qui reconnaissait la «société distincte» québécoise, mais qui fut rejeté en 1990 par les anti-nationalistes, puis le référendum de Charlottetown, un autre échec en 1992, qui aurait permis notamment au Québec et aux autres provinces de consolider leurs pouvoirs dans la fédération tout en reconnaissant la société distincte québécoise et les droits des Autochtones.
L’enjeu de la reconnaissance de la souveraineté de la nation dans une constitution québécoise
Après quatre échecs, deux référendums nationalistes québécois perdus en 1980 et 1995 et deux projets de réformes de la constitution canadienne perdus de la part des fédéralistes nationalistes québécois, en 1990 et 1992, que reste-t-il comme voie de passage? La seule voie possible à court terme serait l’adoption par l’Assemblée nationale du Québec d’une constitution québécoise qui définirait les droits collectifs de la nation québécoise par sa langue, sa culture, l’immigration, son territoire et ses institutions politiques et judiciaires.
Lors de la prochaine élection provinciale du 3 octobre prochain, je parie que ce sera l’un des enjeux proposés par le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ), à savoir la reconnaissance de la souveraineté de la nation québécoise à partir d’une proposition d’une constitution québécoise.
La tortue nationaliste québécoise finira-t-elle par arriver à la ligne d’arrivée de la reconnaissance de la nation québécoise avant le lièvre anti-nationaliste fédéral? Si c’est le cas, René Lévesque serait fier de l’avancement de la reconnaissance des droits collectifs de la nation québécoise et des nations autochtones au Québec, comme il le souhaitait à l’époque du beau risque de Brian Mulroney!