On a rediffusé Zorba le Grec pendant les fêtes. Troublante histoire où le personnage pivot danse son désespoir :
« Il y a un diable en moi qui crie chaque fois que je suis sur le point de suffoquer. Il crie " Danse ! " et cela me soulage »
Pauline Julien avait fait de même un certain soir de mai 1980. Les images de cette hallucinante danse en talons hauts au milieu de fils épars et d’obstacles scéniques inquiétants, comme sur les débris de la défaite, sont parfois reprises par des plus jeunes. La chose ne manque pas d’en intriguer certains : « Mais pourquoi elle danse? » Dans un spectacle pour la souveraineté, Yann Perreau les rediffusait en boucle et au ralenti en fond de scène pendant la chanson « Guerrières ».
Ethnologues de nous-mêmes, on peut, en les observant, tenter de décoder le sens secret de ces pas, sans doute élaborés à partir d’anciens motifs construits au fil des siècles à travers les épreuves collectives.
Pierre Falardeau avait repris le thème dans son film 15 février 1839. Les Patriotes emprisonnés faisaient sonner leurs lourdes bottes entre les murs de leur prison.
Quand l’Église s’est mise au service de l’ordre canadien pendant le premier siècle de la Confédération, elle a souvent interdit la danse. Sous prétexte de bonnes mœurs, bien sûr. Mais il y avait bien autre chose aussi dans ces interdictions. Yves Lambert disait de son expérience de musicien aux veillées du Plateau que l’énergie portée par 250 personnes qui dansent ensemble était unique.
Rien à voir avec un show classique présenté sur une scène. L’implication de chacun dans l’ensemble vécu lui confère une force incomparable.
Le succès de l’émission de Normand Brathwaite, axée sur la participation de danseurs non professionnels à des créations chorégraphiques diverses, relève de ce besoin de se rejoindre par la danse. Bien que la structure de ce divertissement fasse des invités les vedettes solistes du spectacle final, la participation à la création de la chose et à son évaluation conviviale nous rapproche de l’objet de la danse.
Sommes-nous si désespérés? Peut-être. Ne sommes-nous pas pourtant près du but? Sans doute. Mais nos chefs sont confus, empêtrés dans la définition d’eux-mêmes que l’Autre leur donne. On les dirait ensorcelés.
En espérant que pendant le temps des fêtes, ils soient allés sur le plancher. Pas pour se faire voir, mais pour s’exercer à participer d’un mouvement.
Bonne année!
Sylvain Deschênes
deschenes.sylvain@videotron.ca
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3 commentaires
Archives de Vigile Répondre
11 janvier 2007Salut Sylvain,
Tu savais, je crois, que j'ai dur subir une opération pour un cancer de la gorge. Eh bien peu de temps après, dans un petit café de St-Denis-sur-Richelieu, j'ai passé la soirée à danser comme un diable, même qu'à la fin, j'étais debout sur les tables comme si, après la catastrophe, le corps avait besoin de d'exhiber, pour ne pas dire d'exorciser toute sa joie.
Sa joie d'être encore vivant! après l'angoisse et la douleur.
Archives de Vigile Répondre
5 janvier 2007Merci M. Deschênes ! Bien que vos chroniques se fassent plus rares, c'est toujours une joie de vous lire.
Guy Le Sieur
Archives de Vigile Répondre
5 janvier 2007C'est un très beau texte.
Caroline Moreno