Dans la campagne électorale fédérale, la loi 21 sur la laïcité de l’État fait maintenant partie des meubles. Les interventions répétées du premier ministre François Legault ont fini par avoir leur effet. Son exigence faite aux chefs fédéraux de s’engager à ne jamais intervenir en cour contre la loi 21 est cependant un faux débat.
La loi 21 est déjà contestée devant les tribunaux par des citoyens du Québec. Au cours des prochaines années, que le prochain gouvernement fédéral intervienne ou non, qu’il soit libéral ou conservateur, minoritaire ou majoritaire, le tout cheminera jusqu’en Cour suprême. Rien ni personne ne pourra l’empêcher.
Or, les faits, semble-t-il, comptent peu. Grand manitou de tout ce brasse-camarade, François Legault en récolte les dividendes. Chacun de ses coups de semonce portés à la défense de la « volonté populaire » des Québécois renforce d’autant son aura blindée de premier ministre nationaliste.
Province
Pour Yves-François Blanchet, chef d’un Bloc québécois en remontée, les avantages sont majeurs. Porteur inconditionnel de la laïcité caquiste, il peut aisément profiter des conflits qu’elle provoque entre les autres chefs fédéraux. Pour la majorité de Québécois favorables à la loi 21, le réveil après le scrutin du 21 octobre s’annonce néanmoins brutal.
Malgré l’incantation qu’en font en chœur messieurs Legault et Blanchet, la « volonté populaire » des Québécois n’est pas souveraine. Le Québec est soumis à la Charte canadienne des droits et libertés et à son interprétation ultime par la Cour suprême. Même le recours du gouvernement Legault à la clause dérogatoire ne le protège pas de contestations basées sur des articles de la Charte qui n’y sont pas soumis.
Le Québec a beau être une nation, son statut de province n’en est pas moins lourd de conséquences. Un jour ou l’autre, la loi 21 se fracassera le nez sur les murs opaques de la Cour suprême. En cela, derrière le faux débat d’une future intervention en cour du fédéral contre la loi 21, se cache un vrai problème politique.
Sainte trinité
Face à la sainte trinité canadienne formée de feu Trudeau père, de son fils Justin et de leur Charte des droits, dont le premier est le géniteur et le second, l’héritier, la « province » de Québec est en effet bien mal équipée pour mener un combat dont la conclusion, de toute manière, lui échappera entièrement.
D’où tous les hauts cris impatients poussés hors Québec. Plusieurs commentateurs anglophones somment Justin Trudeau et Andrew Scheer de mettre fin à leurs contradictions électoralistes. Malgré leur ton militant, ils leur demandent en fait d’être cohérents avec eux-mêmes.
Du moment où les deux seuls hommes susceptibles d’être le prochain premier ministre s’opposent à la loi 21, une loi qu’ils jugent même odieuse et discriminatoire, ce que ces commentateurs leur disent est fort simple. Soit qu’au lieu d’attendre après l’élection pour la combattre ouvertement, qu’ils sortent leurs gants de boxe dès maintenant.
Ce qui, avouons-le, a tout au moins le mérite d’être clair.