Laïcité : « pour éviter les extrêmes, il faut en donner un peu à la majorité »

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Après 15 ans de règne libéral, la CAQ a peu à faire pour être aimée


À l'issue de sa première année parlementaire à la tête du Québec, le premier ministre François Legault se montre satisfait du bilan de son gouvernement et présente la loi sur la laïcité de l'État comme un rempart contre les « dérapages ».




C'est un François Legault serein et fier du travail accompli qui a accordé une entrevue à Patrice Roy à la fin de sa toute première année au pouvoir, à laquelle deux projets adoptés sous le bâillon sont venus mettre un terme, le week-end dernier.


Dans sa circonscription de L’Assomption, où il a facilement été réélu avec 57 % des voix aux élections de 2018, il est accueilli, devant les caméras qui le suivent, comme héros.


Saluant l'arrivée du beau temps, interrogeant les élèves sur la fin de l'année scolaire et posant des questions à ses électeurs, il embrasse chaleureusement ceux qu'il reconnaît et va à la rencontre des autres, qui donnent une grosse dose d'amour à l'ex-péquiste qui a fait le pari de cofonder la Coalition avenir Québec (CAQ), il y a huit ans.


Certains lui demandent une photographie; une électrice le remercie même, les larmes aux yeux, « pour tout » ce qu’il a fait.


François Legault, entouré de trois citoyennes, se fait photographier par une quatrième.Le premier ministre du Québec, François Legault a été abordé par plusieurs passants, dont Janick Gagnon (à gauche), de Repentigny, qui était très émue de le rencontrer. Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Mais sa popularité dépasse largement les frontières de L'Assomption. Moins d'un an après le scrutin qui l'a porté au pouvoir, le chef de la CAQ a consolidé ses appuis, particulièrement chez les francophones, chez qui la loi sur la laïcité de l’État, adoptée dimanche, trouve un écho favorable.


Dans ce dossier, les membres de la majorité, après avoir été « ignorés » pendant une dizaine d'années, « sentent qu'ils ont été écoutés », avance François Legault.


François Legault s'entretient avec une électrice en lui prenant le bras.Le premier ministre Legault a été abordé par plusieurs passants. Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Loi sur la laïcité : « éviter les dérapages »


La loi 21, qui interdira à des employés de l'État en situation d'autorité – gardiens de prison, juges, policiers et enseignants du primaire et du secondaire, par exemple – de porter des signes religieux durant l'exercice de leurs fonctions, est une « mesure modérée », réitère-t-il. Évoquant les risques posés par l'extrême droite, notamment en France, il y voit même un rempart contre les débordements.



Pour éviter les extrêmes, il faut en donner un peu à la majorité. [...] Je pense que c’est la meilleure façon d’éviter les dérapages.


François Legault, premier ministre du Québec


Aussitôt adoptée, la loi sur la neutralité de l'État a déjà fait l'objet d'une contestation judiciaire et de manifestations, à Montréal et à Québec.



Le premier ministre estime pourtant avoir demandé des « compromis à tout le monde ».


« Ce que je dis à ces personnes-là [qui se sentent lésées par le texte législatif], c’est qu’ils vont pouvoir se promener dans la rue avec des signes religieux », dit-il, voulant se faire rassurant.


Évoquant la clause de droits acquis pour les employés qui portent déjà un signe religieux – seulement tant qu’ils conservent le même poste et le même employeur – ainsi que la disposition de dérogation, qui protège le texte législatif de toute contestation basée sur les chartes québécoise et canadienne des droits et libertés, il assure que son gouvernement a pris les mesures qui s’imposaient pour clore le dossier.


S'il reconnaît que les débats se poursuivront, pour lui « la page est tournée », dit-il, fermant la porte à des mesures supplémentaires dans ce dossier.


« On délimite le terrain, parce qu’il y a des gens un peu racistes qui souhaiteraient qu’il n’y ait pas de signes religieux nulle part, même pas sur la place publique », ajoute-t-il.


À l'écoute des entreprises


Le premier ministre François Legault, répondant aux questions Patrice Roy; les deux sont assis.François Legault a vanté les réalisations de son gouvernement. Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

L'autre gros morceau du bilan législatif du gouvernement Legault est la loi sur l'immigration, adoptée, elle aussi, sous le bâillon, dans la nuit de samedi à dimanche.


Le premier ministre l'articule autour de son thème de prédilection : l'économie et la réussite des entreprises québécoises.


Les normes du système précédent expliquent qu'actuellement 59 % des nouveaux arrivants sont « surqualifiés pour leurs jobs », déplore le premier ministre.


À terme, la loi, qui modifie la sélection des nouveaux arrivants, permettra de mieux répondre « aux besoins des entreprises dans chaque région du Québec », assure François Legault.


« Si une entreprise de Beauce veut trois soudeurs, ils vont pouvoir les choisir et on va les faire passer devant tout le monde », illustre-t-il en parlant des candidats à l'immigration.


Cela facilitera en outre l'intégration des immigrants, « plus facile » en région qu'à Montréal, affirme-t-il.


Attaqué en justice pour sa décision d'annuler le traitement de 18 000 dossiers d’immigration, Québec sera « peut-être plus flexible » pour les 3500 personnes déjà au Québec, indique M. Legault. « On va les traiter en priorité, s’ils répondent aux besoins des entreprises. »


Sur les dossiers toujours en suspens, comme la maternelle 4 ans, dont le coût sera plus élevé que prévu, ou encore la réduction du temps d'attente dans les urgences à 90 minutes, le premier ministre assure de maintenir le cap.


Pas d'ingérence dans la campagne fédérale... mais des demandes


François Legault, dont plusieurs revendications sont accueillies froidement par son homologue canadien Justin Trudeau, se défend d'avoir plus d'affinités avec le chef conservateur, Andrew Scheer, qui s'est notamment montré réceptif à sa proposition de déclaration de revenus unique. « Ça dépend des dossiers », laisse-t-il tomber.


Il met en outre de l'avant le règlement de certains dossiers avec le gouvernement Trudeau, comme la formation de la main-d'oeuvre ou l'entente sur le nouveau procédé pour choisir les juges québécois à la Cour suprême. Un accord auquel il s'était pourtant alors montré bien tiède.


Il y un « problème » avec les deux formations au sujet des pipelines, souligne-t-il en outre.


« Il y a du travail à faire avec les deux pour qu’on soit capable d'avoir nos deux tests – français et valeurs – et aussi d’augmenter le pourcentage d’immigrants dans la section économique », ajoute-t-il.


La campagne fédérale qui se profile sera l'occasion de présenter les revendications du Québec, signale M. Legault.


Pas question toutefois de prendre parti, avertit-il.


« J'ai été très clair : il n’y a aucun député, aucun employé qui doit participer à l’élection fédérale, partout au Québec. Donc, il n’y a personne qui va appuyer des candidats qui se présentent à l’élection fédérale », mentionne-t-il.



Maintenant, je vais faire des demandes et je vais écouter les réponses, et les Québécois vont écouter les réponses aussi.


François Legault, premier ministre du Québec


 




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