Pour des raisons évidentes, la demande généralisée pour une commission d'enquête sur l'industrie de la construction s'est déplacée sur la question plus globale du financement des partis politiques - tous les partis.
La question devient donc celle-ci: le mode actuel de financement des partis favorise-t-il ou non le copinage dans l'octroi de contrats gouvernementaux, les retours d'ascenseur, la collusion ou même la corruption? Vaste programme, en effet.
C'est maintenant connu, la Loi sur le financement des partis politiques - laquelle permet une contribution annuelle maximale de 3000 $ par des individus seulement - est de plus en plus contournée par l'usage de "prête-noms".
Le stratagème est simple: un dirigeant de compagnie ou de firme demande à certains de ses employés, membres de sa famille et/ou amis de contribuer à un parti en leur nom personnel, mais le filou les rembourse en dessous de la table. Ce qui est illégal. L'objectif: faciliter l'obtention d'un contrat gouvernemental, d'une subvention, d'un permis; "remercier" le parti au pouvoir de l'avoir obtenu; ou les deux...
En 2006, le rapport Moisan rapportait que ce système avait été utilisé par la firme Groupaction pour contribuer autour des 95 000 $ au PQ (somme que ce dernier a remboursée depuis). Un certain Benoît Labonté alléguait même en pleine campagne électorale à Montréal que le recours aux "prête-noms" serait monnaie courante, tant au niveau municipal que provincial.
Bref, problème il y a. Dont celui-ci: pourquoi et comment le PLQ engrange-t-il au moins 8 millions de dollars par an depuis 2003 (deux fois plus que lorsqu'il était dans l'opposition), soit l'équivalent des dépenses permises pour un parti pour deux campagnes électorales complètes par année?
Et solutions il existe si l'on prend en compte que le système "parfait" n'est pas de ce monde et que ce qui importe surtout est de créer le maximum d'obstacles aux tentatives de corruption. Surtout que nous vivons, ici comme ailleurs, à une époque, disons, plus "laxiste" au plan de l'éthique. Et où l'attrait de l'argent facile est omniprésent.
Une solution, parmi d'autres, serait donc de passer à un financement couvert en majeure partie par l'État, mais tout en laissant une part aux contributions populaires - aux vraies!
De nouveaux citoyens "antipolitiques"?
Allons maintenant au-delà de cette question - aussi importante soit-elle à régler.
Derrière toutes ces interrogations sur l'"éthique", se pourrait-il qu'il se cache une question de prime abord fort simple: peut-on encore faire confiance à ceux qui gèrent les fonds publics? Traduction: l'argent des contribuables est-il en partie dilapidé ou détourné par favoritisme, collusion ou corruption, incluant même dans les garderies?
Si, à tort ou à raison, l'opinion publique répond "oui" - et elle le fait -, la confiance en l'institution même du Parlement et du gouvernement risque de fondre à vue d'œil et d'éclabousser la classe politique dans son ensemble. Ce qui n'est pas sans conséquence!
En passant, cette perte de confiance envers les élus n'est pas spécifique au Québec. Loin de là. Et elle gagne du terrain. Bien des gouvernements n'ont d'ailleurs qu'eux-mêmes à blâmer de par leur propre laxisme quand vient le temps de gouverner uniquement pour le bien commun. D'autant plus chez ceux dont l'idéologie les amène à toujours chercher à réduire le rôle de l'État et à "déconstruire" plutôt que de "construire". Et on ne parle pas que de "béton"...
La dernière crise économique et la multiplication des "gloutons" de toutes sortes ont également renforcé ce syndrome du "tout est pourri".
Un symptôme majeur de cette érosion de la confiance est la baisse continue des taux de participation aux élections. La question de ceux qui ne votent pas ou ne votent plus est cruelle: pourquoi même voter?
Cette crise de confiance alimente aussi la montée de l'individualisme, d'un certain populisme, voire même celle du religieux. Lorsque de plus en plus de citoyens ne votent plus, ils se "désengagent" de la chose publique. Ils regardent ailleurs et deviennent apolitiques. Ou, pis encore, selon Mark Lilla de l'Université de Chicago, dans une brillante analyse parue dans le New York Review of Books, de plus en plus deviennent même antipolitiques.
Donc, plus individualistes parce que moins confiants envers les élus qui, eux, tendent à provoquer ce même sentiment en gouvernant mal et peu. Par conséquent, plus de citoyens sont moins enclins à s'exprimer entre les élections et à voter pour tenter de "changer" le cours des choses.Ce qui, en bout de piste, aide encore plus les gouvernements de droite à se "désengager" eux-mêmes des citoyens.
Ce cycle infernal mine la capacité même de sociétés pourtant avancées de se "gouverner" de manière équitable et responsable.
D'où l'urgence pour les citoyens de prendre conscience de l'existence de ce cycle. Question de ne plus laisser leur démocratie leur glisser lentement entre les doigts pour cause de manque de participants!
Mais encore faudra-t-il que les prochains prétendants au pouvoir leur fassent la démonstration de la manière dont ils entendent gouverner une fois rendu là... Concrètement et clairement.
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