Le gouvernement Charest a créé la surprise en nommant Diane Lemieux à la présidence de la Commission de la construction du Québec, avec mandat de faire le ménage au sein de cette organisation et d'assainir les pratiques de l'industrie de la construction. Vaste projet, surtout qu'elle ne disposera pas des outils qui lui permettront d'aller au fond des choses.
Cette nomination a été reçue positivement. Plusieurs y ont vu un choix audacieux dans la mesure où le nom de Diane Lemieux était inattendu, qu'elle est une femme énergique et droite et que sa nomination est un pied de nez à sa famille politique, le Parti québécois. On conviendra que pour ce qui est du jeu politique, oui, les libéraux ont réussi un bon coup. Malgré leur refus persistant de créer une commission d'enquête sur l'industrie de la construction, certains auront retenu qu'ils entendent changer des choses.
Prenons toutefois cette nomination pour ce qu'elle est, soit un changement de garde à la tête de la Commission de la construction (CCQ). Le président sortant, à qui on a montré la porte de sortie, était à la tête de cet organisme depuis 17 ans. S'était installé un certain laxisme, comme l'ont montré les généreuses allocations de dépenses de voyages octroyées aux membres du conseil. Bref, ce changement de direction était nécessaire pour instaurer rigueur et transparence dans la gestion de cet organisme.
La première limite à laquelle Diane Lemieux se heurtera sera le caractère paritaire de la CCQ. En effet, 12 des 17 membres du conseil sont choisis par les syndicats et les entreprises de construction. Elle a pour mandat, entre autres choses, d'assurer le respect des conventions collectives, de gérer la qualification des travailleurs, d'administrer les régimes d'avantages sociaux, dont les régimes de retraite, de lutter contre le travail au noir. On comprendra qu'autour de la table s'affrontent des intérêts corporatistes qu'il faut concilier, d'où des lourdeurs administratives fort difficiles à changer. Ce n'est pas sans raison qu'après des années d'efforts, la CCQ n'a pas réussi à juguler le travail au noir.
En plus d'assurer cette gestions courante de la CCQ, la nouvelle présidente devra s'attaquer à l'assainissement de l'industrie de la construction. C'est là qu'est le piège. Ce qu'on lui demande est de jouer le rôle de préfet de discipline d'une industrie pervertie par la fraude et investie par le crime organisé, ce qui est passablement plus compliqué que le rôle de whip d'un parti politique qu'elle a déjà assumé. Pour instaurer une nouvelle discipline, il lui faudra savoir jusqu'à quel point le mal est répandu et où il se trouve, identifier les fautifs, proposer des changements aux lois, ce qui est ni plus ni moins faire le travail de la commission d'enquête dont le gouvernement Charest ne veut pas.
Celle qu'on a surnommée «la lionne» est réputée pour ne pas avoir froid aux yeux. On peut être certain qu'elle fera tout ce qui sera en son pouvoir pour remplir son mandat. On se doit de souhaiter qu'elle réussisse, mais il faut constater que le gouvernement Charest se sert de cette nomination pour tenter de changer la perception qu'ont les Québécois quant à sa volonté de faire le grand ménage qui s'impose dans l'industrie de la construction. Si cela était, il lui aurait donné des moyens et pouvoirs qui l'aideront à remplir son mandat. Pour l'instant, elle ne dispose que d'un appui moral du gouvernement, ce qui est insuffisant.
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bdescoteaux@ledevoir.com
Commission de la construction du Québec
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