Fabrice de Pierrebourg - Diane Lemieux, parachutée mardi à la tête de la Commission de la construction du Québec, a un mandat clair: faire le ménage dans cet organisme secoué par de multiples allégations et le faire passer à la vitesse supérieure dans sa lutte contre la criminalité dans la construction. «Je ne tournerai pas les coins ronds, je ne baisserai pas les yeux ni les bras», a déjà promis l'ex-ministre péquiste du Travail, surnommée la «lionne de Bourget».
Moins d'une semaine s'est écoulée entre le départ forcé d'André Ménard, qui siégeait à la présidence de la CCQ depuis 1994, et la nomination-surprise de Diane Lemieux par la ministre du Travail, Lise Thériault. Cette dernière n'a pas caché qu'elle souhaitait agir vite et «marquer un changement important» dans le fonctionnement de l'organisme, qui joue un rôle-clé dans l'industrie de la construction.
Le gouvernement Charest, qui refuse toujours de mettre sur pied une commission d'enquête sur l'industrie de la construction, veut en revanche que la CCQ «intensifie ses actions pour assainir» l'industrie. Une escouade d'une trentaine d'enquêteurs a d'ailleurs été constituée il y a quelques mois. Mais on ne sait pas si elle a produit ses premiers résultats.
Des changements à prévoir
L'objectif est de «barrer la route aux différents acteurs de l'industrie qui ont ou qui pourraient avoir des pratiques malhonnêtes ou frauduleuses», a indiqué la ministre lors de son point de presse. Diane Lemieux a aussi carte blanche pour suggérer des changements organisationnels, même les plus radicaux. Plusieurs «départs» ne sont pas à exclure dans l'organigramme de la CCQ, a-t-on appris de bonne source. Il faudra toutefois composer avec son conseil d'administration paritaire.
Le regard sombre, la nouvelle présidente n'a pas caché qu'elle allait s'intéresser aux «allégations» de toutes sortes qui planent sur la CCQ: «Je veux séparer le bon grain de l'ivraie, les dérapages des actes systémiques.» Elle n'a pas donné d'exemple précis, mais rappelons que plusieurs reportages ont mis en lumière des cas d'intimidation dans les chantiers de construction, de favoritisme dans la délivrance des certificats de qualification et envers certains entrepreneurs, des liens jugés trop étroits avec la FTQ-Construction, etc.
La CCQ est un «maillon fondamental» pour le bon fonctionnement de l'industrie de la construction, a dit Diane Lemieux. «Ce maillon ne peut être ni faible ni vulnérable.» Était-ce le cas? a-t-on demandé plus tard à la ministre. «La CCQ doit être au dessus de tout soupçon et de tout doute», a répliqué Lise Thériault.
Diane Lemieux compte de plus s'assurer que les millions de dollars que les travailleurs de la construction et leurs employeurs confient à la CCQ dans le cadre de leurs régimes de retraite et d'assurance seront administrés avec «rigueur et transparence» et selon des «règles d'éthique très strictes».
Ménard convoqué en décembre
La ministre a profité de l'occasion pour confirmer qu'elle avait bel et bien convoqué André Ménard au mois de décembre, juste après que La Presse eut publié un article sur un voyage à San Diego réalisé aux frais de la CCQ par des administrateurs de l'organisme et leurs conjointes. «Je lui ai dit que j'étais mal à l'aise avec ce voyage», a dit la ministre, qui a ajouté que c'était André Ménard lui-même qui avait suggéré de prendre une retraite anticipée. Ce voyage, qui n'était pas le premier du genre, comme on l'a appris par la suite, a été en fait le dernier clou dans le cercueil du président de la CCQ, déjà sur la sellette depuis quelques mois. Rappelons que l'organisme refuse de communiquer à La Presse les factures de ces voyages.
Diane Lemieux a quitté rapidement la conférence de presse sans répondre aux questions pour aller prendre possession de ses nouveaux bureaux.
Accueil favorable
Sa nomination n'effraie pas Aldo Paolinelli, président de la CSN-Construction: «Pourquoi aurions-nous peur? Ça prend quelqu'un qui a de la personnalité, car ce n'est pas un poste facile.» Il est d'accord avec les constats et les intentions de la nouvelle présidente, mais il persiste à souhaiter la mise sur pied d'une commission d'enquête. «L'un n'empêche pas l'autre», estime-t-il. Même satisfaction du côté de l'Association de la construction du Québec, qui souhaite que le placement de la main-d'oeuvre fasse partie des priorités de Diane Lemieux. Enfin, le directeur général de la FTQ-Construction Yves Ouellette, accueille «favorablement» la nomination de Diane Lemieux et assure que son syndicat lui «offrira son entière collaboration».
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