Une opération délicate

Charest <i>le nationaliste</i> et le "fédéralisme de fermeture"...

Au cours des derniers jours, quelqu'un au PLQ a sûrement expliqué l'a b c des relations fédérales-provinciales au Canada aux membres de la Commission politique de Montréal.
Le conseil général du parti, réuni en fin de semaine à Lévis, sera saisi d'une proposition qui demande au gouvernement Charest de compenser les artistes québécois pour les coupes décrétées par le gouvernement Harper.
De toute évidence, les membres de la commission n'avaient pas porté attention aux explications de leur chef, qui a précisément dénoncé ce «piège». Cette proposition se voulait sans doute généreuse envers des gens généralement assez peu sympathiques aux libéraux. Le problème est qu'elle contredit tout le discours du premier ministre sur le déséquilibre fiscal et sur l'encadrement du pouvoir fédéral de dépenser.
Dans les années 1990, la crise des finances publiques québécoises avait été provoquée en grande partie par cette fâcheuse habitude prise par le gouvernement fédéral qui, après avoir envahi les champs de compétence des provinces et créé de nouveaux programmes, donc de nouveaux besoins, leur coupait brusquement les vivres.
Même si les compressions dans les subventions à la culture sont relativement modestes, il y a là une question de principe. L'encadrement du pouvoir de dépenser est au coeur de la politique constitutionnelle du PLQ, telle qu'elle a été énoncée en 2001 par le rapport du comité présidé par l'actuel ministre des relations fédérales-provinciales, Benoît Pelletier, qui doit être un peu découragé de constater que, sept ans plus tard, certains ne semblent toujours pas avoir compris la nature du problème. Ou, pire encore, ne voient pas de problème dans les intrusions fédérales.
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Quand la date de la rencontre du conseil général a été arrêtée, la direction du PLQ ne pouvait pas prévoir qu'il coïnciderait avec la campagne fédérale, mais le hasard fait parfois bien les choses. Au congrès de mars dernier, on avait reporté à plus tard les discussions sur les sujets plus délicats, comme la langue et le renouvellement du fédéralisme, pour éviter qu'elles perturbent le vote de confiance auquel devait se soumettre le premier ministre.
En fin de semaine, les délégués auront l'occasion de participer à la métamorphose de M. Charest en vaillant défenseur des intérêts du Québec, mais c'est souvent quand on l'attend le moins que survient un couac. L'opération pourrait se révéler très rentable sur le plan électoral pour le PLQ, mais elle n'en est pas moins délicate.
Après la frousse que l'ADQ a causée aux «vieux partis» au printemps 2007, les sondages indiquent que ce parti est revenu au niveau où il était en avril 2003, alors qu'il avait fait élire seulement quatre députés. Qui plus est, depuis un an, Mario Dumont a commis l'erreur de laisser le PQ récupérer la question identitaire.
Pour le PLQ, il y a là une magnifique occasion d'envoyer l'ADQ au plancher, peut-être de façon définitive. Les souverainistes convaincus ne voteront jamais libéral, mais un retour du PLQ à un nationalisme modéré à la Robert Bourassa est susceptible de ramener bon nombre d'autonomistes au bercail.
Depuis le début de la campagne fédérale, M. Charest et ses ministres ont multiplié les sorties contre le gouvernement Harper. Ces temps-ci, le meilleur allié de Gilles Duceppe n'est pas Pauline Marois, mais bien Jean Charest, qu'il prend presque quotidiennement à témoin des turpitudes des conservateurs.
La ministre de la Culture, Christine St-Pierre, dont la passivité dans le dossier linguistique avait été vivement critiquée au printemps dernier, est en voie de se refaire une vertu en prenant la tête de l'opposition aux coupes dans l'aide aux artistes. Réunir ses homologues des autres provinces à Québec, à la suite de l'annulation de la conférence fédérale-provinciale initialement prévue, était du meilleur effet.
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Bon nombre de militants et d'organisateurs libéraux qui travaillent actuellement à la campagne conservatrice doivent cependant commencer à trouver un peu agaçant d'avoir à contrer les attaques venant de leur propre camp.
C'est bien beau la défense des intérêts du Québec, mais chaque député du Bloc québécois réélu le 14 octobre prochain sera un adversaire de plus que le PLQ trouvera sur son chemin aux prochaines élections québécoises.
Dans l'esprit d'un bon nombre de militants, notamment chez les anglophones et les allophones, le mot «libéral» est synonyme de «canadien». Même si la menace séparatiste s'est éloignée, tout ce qui peut contribuer à revitaliser le mouvement nationaliste, même dans un but strictement stratégique, équivaut à pactiser avec le diable.
Il y a un an, le conseil général avait très mal accueilli l'orientation proposée dans un document intitulé Identité et fédéralisme, auquel plusieurs militants libéraux trouvaient des accents dangereusement souverainistes. Un délégué avait résumé le sentiment général en déclarant: «Je ne vois pas grand-chose sur le fédéralisme.»
Le document avait été revu de fond en comble avant le congrès de mars 2008, mais certains avaient encore trouvé qu'un mot comme «citoyenneté», comme dans l'expression «éducation à la citoyenneté», n'avait pas sa place dans un document émanant d'un parti provincial, puisqu'il ne pouvait y avoir qu'une citoyenneté, la canadienne. Heureusement, les délégués avaient eu le temps de corriger cet accroc à la bienséance avant la fin du congrès.
Le concept de «souveraineté culturelle», dont M. Charest dit s'inspirer pour réclamer la pleine maîtrise d'oeuvre dans les secteurs de la culture et des communications, avec le transfert des fonds nécessaires, pourrait en faire grimacer certains.
Depuis 40 ans, le terrain constitutionnel a toujours été un véritable champ de mines pour les libéraux.
M. Charest assure qu'il est possible de progresser en empruntant la voie administrative, sans rouvrir formellement la Constitution, mais plusieurs seront plutôt d'avis que le meilleur moyen d'éviter les problèmes est encore de parler d'autre chose.


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