Réforme du Sénat et demandes du Québec - Charest essuie deux rebuffades de Harper

Charest <i>le nationaliste</i> et le "fédéralisme de fermeture"...

Ottawa -- Le chef conservateur a adressé deux rebuffades hier matin au premier ministre du Québec, Jean Charest. Non seulement Stephen Harper n'a pas l'intention de remiser sa réforme du Sénat dont le Québec ne veut rien savoir, mais il n'a pas davantage l'intention de répondre à la lettre de Jean Charest qui énumère les demandes de la province durant cette campagne électorale.
De passage dans une garderie de la banlieue d'Ottawa hier matin, le chef conservateur a soutenu qu'il n'avait pas l'intention de répondre aux demandes de Jean Charest exprimées il y a une semaine. «C'est notre intention de communiquer avec la population dans cette élection et non pas d'entretenir une correspondance avec les premiers ministres des provinces», a sèchement répondu Stephen Harper lors de son point de presse.
Le 29 septembre dernier, le premier ministre du Québec a fait connaître les revendications de la province en vue du scrutin du 14 octobre prochain. Il s'agit «d'enjeux essentiels pour le Québec au cours de la présente campagne électorale fédérale», pouvait-on lire dans la lettre de Jean Charest envoyée à tous les chefs fédéraux. Il soutenait faire cette intervention «avec la volonté de parler au nom de tous les Québécois, peu importe les allégeances politiques».
Parmi les demandes de Québec se trouvaient la maîtrise complète des programmes et structures en matière de culture et de communication, le transfert de 800 millions de dollars pour régler le financement de l'éducation post-secondaire et l'utilisation de l'année 1990 comme référence pour la réduction des gaz à effet de serre -- comme le stipule le protocole de Kyoto -- et non pas de 2006, comme cela est proposé par les conservateurs dans leur plan.
L'encadrement du pouvoir fédéral de dépenser était aussi évoqué. Dans ce domaine, Stephen Harper a dit que sa position n'a pas changé. «Le pouvoir fédéral de dépenser était dans notre plate-forme en 2006, et notre position est connue», a-t-il dit. Le chef conservateur n'a toutefois pas réitéré officiellement cette promesse depuis le début de la campagne électorale. Une première ébauche de texte législatif a été soumise à Québec le printemps dernier, mais devant l'insatisfaction du gouvernement Charest, elle n'a jamais été rendue publique, avait révélé Le Devoir.
Hier, le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, Benoît Pelletier, a soutenu sur les ondes de RDI que le gouvernement du Québec «prenait acte» de la décision de M. Harper de ne pas répondre à la lettre. «Les Québécois eux-mêmes auront à tirer leurs propres conclusions de tout cela», a-t-il dit en précisant que le gouvernement Charest avait non seulement interpellé M. Harper, mais «tous les chefs de partis fédéraux». Selon lui, le but était précis: «faire connaître les demandes du Québec» pour qu'après le 14 octobre, «il n'y ait aucune ambiguïté» quant à ce que Québec demande. Il a insisté pour dire qu'il ne s'agissait pas d'«embarrasser» quelque parti fédéral que ce soit.
Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, est le seul leader fédéral à avoir répondu par écrit aux demandes de Jean Charest. Il a appuyé toutes les revendications.
Objections sur le Sénat
Dans le cas du Sénat, Stephen Harper a clairement indiqué que les souhaits du gouvernement du Québec ne vont pas le faire dévier de sa route. S'il reprend le pouvoir, il a l'intention de revenir à la charge avec ses deux projets de loi qui visent à réduire le mandat des sénateurs et à faire élire les membres de la Chambre haute.
«Ces changements sont de compétence fédérale, a-t-il dit en point de presse. Il ne s'agit pas de changement constitutionnel sur le Sénat, mais juste des réformes qui font du gros bon sens. On veut limiter le mandat des sénateurs à huit ans, au lieu d'un terme qui peut aller jusqu'à 45 ans. C'est incroyable un mandat de 45 ans! L'autre projet de loi est de permettre au premier ministre de consulter la population sur l'élection des sénateurs. Peut-être que le gouvernement du Québec s'y oppose, mais je pense que c'est le gros bon sens.»
Dans sa lettre, Jean Charest soutenait que la transformation du Sénat en chambre élue ne doit pas se faire «sans le consentement du Québec et sans modification constitutionnelle requérant l'accord des provinces».
Par ailleurs, lors d'un entretien avec Le Devoir, Benoît Pelletier a rappelé sa position, exposée dans trois mémoires depuis janvier 2006: la réforme du Sénat envisagée par le gouvernement Harper est inconstitutionnelle.
Par conséquent, le gouvernement du Québec se dit prêt à aller devant les tribunaux pour empêcher le fédéral de réaliser cette réforme. Toutefois, avant d'en arriver là, a précisé M. Pelletier, Québec est d'avis que le fédéral pourrait saisir lui-même la Cour suprême de la question, ce qui «accélérerait les choses» puisqu'il est le seul à pouvoir faire appel ainsi au plus haut tribunal.
C'est la deuxième fois depuis le début de cette campagne que Québec menace d'avoir recours aux tribunaux pour empêcher le fédéral de réaliser une de ses promesses électorales. Le 18 septembre, la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, avait fait savoir que Québec était prêt à aller jusqu'en Cour suprême pour empêcher un éventuel gouvernement Harper de créer une commission des valeurs mobilières pancanadienne.
Selon Québec, modifier le mandat des sénateurs et leur façon d'accéder au Sénat serait inconstitutionnel sans l'accord des provinces, puisque la Chambre haute a justement été créée pour représenter les régions du pays. En 1980, la Cour suprême a statué qu'Ottawa ne peut modifier seul les «caractéristiques essentielles» du Sénat, et le mode de sélection des sénateurs était au nombre de ces caractéristiques.
Le projet de loi conservateur contesté prévoit la tenue d'élections à l'échelle d'une province pour désigner des personnes qui feraient partie d'un bassin duquel le premier ministre pourrait -- ou non -- choisir son futur sénateur. Ce qui fait dire aux conservateurs qu'il s'agit d'un projet de loi de «consultation» et non d'élection, et que la Constitution canadienne est donc respectée.
En juin dernier, Benoît Pelletier a mis en garde le gouvernement Harper contre ce «déguisement». «La notion de consultation nous paraît artificielle», avait-il dit, ajoutant: «Même si vos objectifs sont extrêmement légitimes, il y a un processus constitutionnel qui doit être respecté, et vous avez devant vous une province qui vous demande de respecter ce processus constitutionnel.»
Depuis le début de la campagne électorale, le gouvernement Charest et les ministres conservateurs se sont envoyé des flèches dans plusieurs domaines, que ce soit les compressions dans la culture, la création d'une commission nationale des valeurs mobilières et les compressions dans les organismes de développement économique.
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Avec la collaboration d'Antoine Robitaille


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