Ottawa, le Sénat et le juge Nadon - Fédéralisme unitariste

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« Jamais la pensée fédéraliste n'a-t-elle été si pauvre et si démunie »

Certains se demandent pourquoi le gouvernement Harper tient tant à la nomination de Marc Nadon au plus haut tribunal de la fédération. Réponse courte : pour réduire la possibilité d’obtenir à la Cour suprême le verdict sur la réforme du Sénat qu’a livré la Cour d’appel du Québec dans son renvoi sur le même sujet, jeudi.


La conclusion de la Cour d’appel apparaîtra évidente pour qui lit la Constitution de 1982: Ottawa ne peut modifier le Sénat unilatéralement. Il lui faut l’accord d’au moins sept provinces représentant 50 % de la population.

En 2012, devant l’offensive d’Ottawa sur le Sénat (loi C-7), Québec s’est senti contraint de questionner sa Cour d’appel. Quelques mois plus tard - sans attendre la décision de la cour québécoise -, Ottawa a fait de même en allant devant la Cour suprême. Les auditions auront lieu les 12, 13 et 14 novembre.

En nommant ce mois-ci à la Cour suprême le juge Nadon, qui a dans le passé donné raison au gouvernement sur des questions sensibles, Ottawa espérait y placer une sorte d’allié général. Et plus particulièrement dans le dossier crucial du Sénat.

Pour Ottawa, les choses urgent. La base conservatrice rêve d’une réforme du Sénat depuis l’ère réformiste ! Mais en plus, cette institution malade est en train de gangrener le gouvernement Harper.

Or avec C-7, il cherche à transformer subtilement le Sénat canadien en chambre élue. Le premier ministre canadien continuerait d’exercer le pouvoir monarchique de nommer les sénateurs, mais pourrait piger dans une liste de personnes élues dans les provinces selon une procédure… déterminée par Ottawa dans sa loi.

Le gouvernement Harper a aussi été contraint cette semaine de demander l’avis de la Cour suprême sur… la Loi sur la Cour suprême, plus précisément sur le cas de la nomination du juge Nadon. Cette loi est pourtant claire : les trois juges du Québec doivent provenir d’une cour québécoise ou être un membre du Barreau « depuis 10 ans ». En parallèle et de manière inacceptable, alors que la Cour suprême se penche sur le cas, Ottawa a annoncé qu’il va de toute façon changer les règles : il précisera dans la loi qu’il faut « avoir été » membre du Barreau pendant 10 ans ! M. Nadon deviendrait admissible !

Comme dans le cas du Sénat, le gouvernement Harper joue avec l’équilibre de la fédération en faisant totalement fi des provinces en général, et du Québec en particulier.

Il le fait alors que la pensée fédéraliste au Québec n’a jamais été aussi pauvre et démunie. Les ministres fédéraux québécois se déshonorent quotidiennement en acceptant le rôle de robots crachant des lignes de presse. Le PLQ cite les valeurs de Claude Ryan, mais a totalement délaissé sa pensée fédéraliste.

Le président de l’organisme L’idée fédérale, André Pratte, lui, préférait vendredi dans La Presse condamner la réaction du gouvernement québécois à la nomination de M. Nadon plutôt que de développer une critique de l’unilatéralisme à l’oeuvre à Ottawa. Pourtant, la tradition fédérale canadienne voulant que les trois juges québécois proviennent d’une cour québécoise est ici clairement violée.

Dans d’autres fédérations, les États fédérés participent à la nomination des juges qui ont à trancher les différends entre États et le gouvernement central. En Allemagne, on a même placé la plus haute cour loin de la capitale pour éviter que les juges ne socialisent avec l’État central (au Canada, ça nous aurait peut-être évité l’affaire Laskin…). Dans le livre beige de Ryan (pour lequel les Québécois ont voté à 60 % en 1980), on prônait l’abolition du Sénat et son remplacement par un Conseil fédéral composé de délégués des provinces. Y a-t-il encore un fédéralisme véritable au Québec ou ne reste-t-il que de l’antisouverainisme ?


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