B. DRAINVILLE ET P. K. PÉLADEAU

Mariage de raison

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L'intérêt du parti passe avant celui d'un candidat

La réaction sobre, voire éteinte de Pierre Karl Péladeau à l’annonce du ralliement de Bernard Drainville avait de quoi surprendre, mercredi. Après tout, la nouvelle signifiait qu’il était couronné chef du Parti québécois. On l’aurait cru aux anges ; il s’est contenté de prendre acte, ajoutant sans trop de conviction que cet ajout était un « enrichissement » pour son équipe. M. Péladeau n’a pas participé non plus à la conférence de presse du nouveau joueur de son équipe. C’était la « journée de Bernard », a-t-il noté sur un ton quasi mortuaire.

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’y a pas de passion entre les deux personnages. Le mariage en est un de raison, s’est fait par dépit, et ce type d’union produit rarement des familles unies. De son côté, M. Drainville, à la question d’une reporter anglophone lui demandant si, à ses yeux, M. Péladeau « était le meilleur des candidats toujours en lice », a refusé de répondre. On le comprend : la collection de phrases et de questions assassines de M. Drainville à l’endroit du magnat de Québecor est vaste. Il eût été gênant et cynique pour le député de Marie-Victorin d’ajouter aux contradictions en vantant « Pierre Karl » sans retenue. Surtout quelque cinq jours après le débat de Québec où il avait exhorté les militants à ne pas céder « à la tentation de s’accrocher à un sauveur » ; où il avait fait comprendre que M. Péladeau était un « mirage » ; où il l’avait dépeint en néophyte incapable, ni d’« affronter Philippe Couillard jour après jour » au Parlement, ni de répondre quotidiennement aux journalistes sans s’« enfarger ».

Les courses à la chefferie engendrent, parfois pendant des décennies (pensons au clivage Chrétien-Martin au PLC), de durables détestations. Martine Ouellet, mercredi, a décidé de rester dans la course contre le camp de la « gouvernance souverainiste ». On l’imagine de moins en moins se rallier au couple Péladeau-Drainville. Alexandre Cloutier, survolté par l’idée de finir deuxième, avait pour sa part beaucoup de mal à gérer ses émotions.

La campagne avortée de M. Drainville a été vaillante et généreuse, pleine de propositions. Certains estiment qu’il est allé très loin dans la critique du meneur. Pourtant, le meneur maintenant couronné devra bien un jour répondre aux pertinentes questions de son nouvel allié. « Dans quoi veux-tu nous embarquer ? », lui demandait Drainville concernant la stratégie indépendantiste. La réponse, pour l’instant, est loin d’être claire. Les questions de l’autre candidat ayant abandonné, Jean-François Lisée, au sujet du malaise quant à la propriété de Québecor par M. Péladeau, méritent aussi des réponses. Ce ne sont là, en plus de souder son mariage de raison, que deux des nombreux défis du futur chef de ce parti, dont la présente course revêt un aspect existentiel.


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