Prières municipales

Lettre ouverte du Mouvement Laïque Québécois aux citoyens de Ville de Saguenay

Laïcité — débat québécois

Lettre ouverte du Mouvement laïque québécois aux citoyens de Ville de Saguenay


Le Mouvement laïque québécois (MLQ) est un mouvement dédié à la promotion de la laïcité des institutions publiques qui existe depuis plus de 30 ans. À l’origine, le MLQ regroupait des parents et visait principalement la laïcisation des institutions scolaires. Les interventions du MLQ ont largement contribué à faire avancer ce dossier.

Au fil des années, le mandat du MLQ s’est élargi. Le dossier de la « prière municipale » a peu à peu pris forme à partir d’initiatives personnelles de citoyens de diverses municipalités du Québec ayant demandé la cessation de la récitation de la prière au début des assemblées publiques des conseils municipaux et ce, au nom du respect du principe de la laïcité des institutions publiques.

Dans la plupart des cas les élus ont accepté ces requêtes. Ils ont mis fin à cette pratique ou ont instauré une période de recueillement silencieux non-confessionnel.

Dans certaines municipalités les requêtes ont été mal reçues par le maire au pouvoir et c'est alors que des citoyens, qui n’étaient pas membre du MLQ à l’origine, ont sollicité l’aide du MLQ afin de les accompagner dans leurs recours auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse puis, lorsque nécessaire, auprès du Tribunal des droits de la personne.

À ce jour la Commission a déjà rendu pas moins six avis en faveur des plaignants contre la récitation de la prière lors des conseils municipaux notamment à Outremont, Verdun, Laval, Trois-Rivières et Ville de Saguenay qui, chose exceptionnelle, a fait l’objet de deux avis distincts en faveurs des citoyens Simoneau et Joncas.

La Commission n’accepte pas automatiquement toute plainte qui lui est adressée. La plainte doit être bien documentée et elle peut refuser de donner suite au dossier si « la plainte est frivole, vexatoire ou faite de mauvaise foi ». Lorsque la Commission accepte un dossier, elle fait enquête puis rend un avis et formule des recommandations. L’avis rendu en faveur de M. Simoneau comportait une recommandation sans équivoque adressée à toutes les municipalités du Québec : « (…) dans une lettre adressée à la Fédération Québécoise des Municipalités et à l’Union des municipalités du Québec, elle ( la commission ) recommande aux municipalités où se récite encore une prière en début d’assemblées publiques de s’interroger sérieusement sur l’opportunité et la légalité de cette pratique compte tenu de leur obligation de neutralité en matière religieuse et de la jurisprudence en cette matière. »

Dans trois municipalités, Laval, Trois-Rivières et Saguenay, les maires ont passé outre les avis de la Commission.

À Ville de Laval, la Commission a elle-même porté la cause de la plaignante, Mme Danièle Payette, devant le Tribunal des droits de la personne. Au terme d’un procès qui a duré 5 ans, le Tribunal a rendu en 2006 un verdict ordonnant au maire Vaillancourt de cesser la récitation de la prière. Le maire s’est alors plié au jugement du Tribunal et n’est pas allé en appel.

À Trois-Rivières, le maire Lévesque a utilisé un subterfuge en demandant à un citoyen de réciter la prière à sa place avant l’ouverture officielle de la séance. Cette mesure a eu pour effet d’exacerber les tensions dans l’audience et a donné lieu a une nouvelle plainte à la Commission pour harcèlement. La Commission a accepté de considérer la plainte et la plaignante, Mme Louise Hubert attend ce deuxième avis qui doit être rendu bientôt.

À Saguenay, le Maire Tremblay a non seulement continué de réciter la prière mais il l’a fait en sachant très bien qu’un jugement du Tribunal avait déjà été rendu à Laval et le maire a de plus stigmatisé publiquement le plaignant lors d’une assemblée publique du conseil. Ce sont ces faits aggravants qui ont valu au maire et à la Ville qu’il représente des dommages moraux et punitifs. Le jugement de Saguenay est donc le deuxième jugement du Tribunal des droits de la personne à reconnaître que la Ville et son maire ont porté atteinte de façon discriminatoire à la liberté de conscience d’un citoyen en vertu de droits définis dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.

Le MLQ connaît bien les tensions et les déchirements que ce genre de cause suscite parfois dans les communautés. Nous ne souhaitons pas contribuer à aggraver la situation en intervenant de manière inopportune. Il ne conviendrait pas en effet de personnaliser les débats en attaquant inutilement la personnalité du maire ou ses convictions personnelles.

Il ne conviendrait pas non plus d’opposer à outrance les « uns » contre les « autres » à partir de distinctions identitaires ou régionales. Dans ce dossier ce sont des québécois de toutes les régions du Québec qui ont manifesté le même attachement au principe de laïcité des institutions publiques. Les citoyens Payette, Hubert, Joncas et Simoneau ont obtenu gain de cause au terme de longues et pénibles procédures auprès d’institutions on ne peut plus crédibles.

La Charte québécoise des droits et libertés de la personne a été adoptée démocratiquement pas le gouvernement du Québec et est entrée en vigueur en 1976. La Commission et le Tribunal des droits de la personne sont des institutions québécoises mises en place pour faire respecter cette Charte.

Le MLQ trouve déplorable que partout au Québec des citoyens ordinaires soient encore et toujours aux prises avec le même problème qui se répète sans cesse malgré les recommandations faites par la Commission aux maires des municipalités via l’UMQ et la FQM. Les procédures d'appel annoncées par le maire de Ville de Saguenay signifient le prolongement de procédures très coûteuses pour le plaignant et pour une organisation entièrement bénévole qui ne bénéficie d'aucun argent public pour porter à bout de bras une cause d'intérêt public national.

Cette situation nécessiterait l’intervention responsable et courageuse des législateurs provinciaux.

Voilà pourquoi le MLQ veut porter ce débat à un niveau supérieur et réclame un amendement à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne afin que le principe de laïcité y soit enfin explicitement mentionné. Nous réclamons de plus, de concert avec les syndicats et tous les partis politiques québécois, sauf le Parti Libéral, un vaste débat qui aboutirait à l’adoption d’une Charte de la laïcité.

Un charte de la laïcité qui, nous l’espérons, pourrait éviter aux générations futures de subir les tribulations que nous connaissons aujourd’hui et parachèverait la modernisation de l'état québécois.


Au nom du Conseil national du Mouvement laïque québécois,

Marie-Michelle Poisson
Présidente du MLQ.QC.CA
Pour faire un don au MLQ : http://www.mlq.qc.ca/vx/7_pub/dons/


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