Samedi dernier, avait lieu la finale féminine des Internationaux de tennis junior de Repentigny. Finale « toute québécoise », proclamait à tous vents l’annonceur maison. Eugénie Bouchard affrontait Françoise Abanda. À l’issue d’un match serré, Bouchard l’a emporté sur Abanda.
Invitée à s’adresser à la foule après sa victoire, Eugénie Bouchard a pris la parole…en anglais. Baratin stéréotypé d’une vingtaine de secondes en globish, puis trois secondes de remerciements en français…avec accent. La foule était à 97-98% francophone.
De toute évidence, cette athlète supposément québécoise, qui habite Westmount, a été élevée et éduquée en anglais. Si le français a déjà été sa première langue, clairement il ne l’est plus. Dans la liste, qui commence à s’allonger, des Québécois connus qui tournent le dos à leur langue, son nom s’ajoute à ceux de Yann Martel, de Pascale Picard, des gars de Simple Plan, de Ruth Ellen Brosseau.
On se demande ce qui est le plus navrant dans cette dernière histoire de reniement. L’inconscience et, sans doute, le mépris d’Eugénie Bouchard, envers ses compatriotes, la stupidité de ses parents qui, après lui avoir donné un si beau prénom, l’ont coupée de son milieu ou encore le conditionnement de la foule et des dignitaires qui ont applaudi au discours de la jeune championne? Je dois dire cependant que les applaudissements manquaient de conviction, contrairement à ceux qui avaient suivi le laïus (en français) de Françoise Abanda.
Donc, les reniements de nos élites montantes se font de plus en plus nombreux. Et le phénomène risque de s’amplifier à voir la flopée de groupes musicaux anglophones qui se répandent dans tout le Québec. La fidélité à la langue maternelle existe de moins en moins. Parallèlement, l’estime de soi est aussi en baisse. À preuve le délaissement récent d’un parti national comme le Bloc québécois, qui faisait bien son travail, au profit d’un parti étranger comme le NPD.
Phénomène sociologique, diront certains. Marche inéluctable de l’histoire, enchaîneront d’autres. Et beaucoup concluront qu’il n’y a rien à faire et qu’il faut aller avec le courant.
Personnellement, je crois assez peu à l’inéluctabilité des choses. Il y a vingt ans, on disait que l’indépendance du Québec était inévitable; aujourd’hui, on dit qu’elle n’est plus faisable. Il y a mieux à faire qu’à s’adonner aux prédictions : trop facile comme exercice. Il y a à s’engager comme le font merveilleusement le RRQ, la SSJBM, Cap sur l’Indépendance, le RIN, L’Aut’Journal, Vigile.
Les conditionneurs à la résignation sont nombreux et puissants : Radio-Canada, Gesca, les radios-poubelles, TVA, le Parti libéral du Québec, l’ADQ etc. Dans les conseils municipaux et les commissions scolaires, on démissionne aussi beaucoup devant la responsabilité de préserver la langue. On laisse aller, alors qu’on devrait intervenir pour empêcher la dérive anglicisante.
En attendant, Eugénie Bouchard va poursuivre sa carrière à l’international. Elle pourrait être une digne représentante du Québec si quelqu’un lui faisait prendre conscience de ses racines. Sinon, elle ne va être qu’une sportive apatride drapée dans un drapeau canadien de convenance.
Eugénie Bouchard
Les Yann Martel commencent à se multiplier
Les reniements de nos élites montantes se font de plus en plus nombreux.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
6 commentaires
Archives de Vigile Répondre
7 septembre 2011Je suis d'accord avec M. Cloutier.
Si le Québec devenait un pays, le français acquerrait tout d'un coup un lustre incroyable. Les citoyens seraient fiers de le parler, et toutes nos institutions, nos entreprises seraient tenues de le respecter en tant que langue commune.
Nos artistes et nos sportifs auraient peut-être davantage le goût de s'exprimer dans leur langue et s'ils le faisaient en anglais ou dans une autre langue, nous nous dirions que ça leur passerait sans doute, sûrs que nous serions de la solidité de notre culture. Mieux, nous serions fiers des nôtres, capables de rayonner dans d'autres langues.
Notre statut de minoritaires nous incline à voir petit. Quelle pitié!
Archives de Vigile Répondre
7 septembre 2011L'entrainement des Remparts de Québec, à Québec, dirigés par Patrick Roy, né à Québec, se fait uniquement en anglais.
L'équipe vient de repêcher le meilleur espoir russe. Il a 16 ans et est unilingue. On vient de l'inscrire à des cours intensifs d'anglais!
Archives de Vigile Répondre
6 septembre 2011Bon,
Cela m'attriste énormément. J'ai déjà dit que je suis moi-même tiraillé parce que mon père ainsi que ma mère sont tous deux des mélanges Canadien-Français et Écossais. Ainsi, j'ai deux héritages.
Mais ici au Québec, je crois qu'il faut parler français puisque c'est ici sur les rives du Saint-Laurent que se trouve le berceau des Canadiens-Français. Et étant donné qu'il s'agit d'un petit peuple peu nombreux dans une mer anglophone (le reste du Canada et les États-Unis), on a un devoir impérieux de protéger cet héritage.
Claude Richard Répondre
6 septembre 2011Me Cloutier,
Je crois que vous n'avez rien compris ou que vous faites preuve d'aveuglement volontaire, tout pris que vous êtes dans votre campagne anti-PQ.
À quoi servirait-il d'avoir un Québec indépendant si la majorité des Québécois parlent l'anglais comme première langue? À rien du tout. À ce moment-là, moi, comme beaucoup d'autres, je deviendrais fédéraliste.
Ce qui se passe dans le cas d'Eugénie Bouchard et de Yann Martel, c'est une substitution linguistique. Ce n'est pas du tout le fait que ces gens-là parlent l'anglais, comme le font tant d'autres qui n'ont pas l'anglais comme langue première, moi y compris. Un plus un plus un, à un moment donné, cela va faire plus de 50%. Alors nous serons foutus, parce que les anglophones, eux, ne nous feront pas de cadeaux.
Enfouissez-vous la tête dans le sable si vous le voulez, mais cessez de vous en prendre à ceux qui essaient de voir les choses telles qu'elles sont.
Le français est la langue officielle du Québec, ce qui n'empêche qu'il ne cesse de décliner. Et ce n'est pas en glorifiant ceux et celles qui renient leur langue, comme le fait sottement Guy A. Lepage, qu'on va enrayer le phénomène.
Quant à Eugénie Bouchard qui s'adresse en anglais à une foule composée presque exclusivement de francophones au beau milieu du Québec français, c'est un geste de mépris inqualifiable, qu'il soit conscient ou non. Et il mérite d'être dénoncé, rectitude politique ou pas.
Archives de Vigile Répondre
6 septembre 2011Que voilà un texte bien articulé et modéré de Maître Cloutier! En effet, notre réflexe pourrait être de nous aligner contre les individus qui ont choisi le "maintream". Ils ne voient plus de combattants, alors ils sauvent leur peau. C'est que Vigile.net diffuse en confidentialité... Si les moyens nous permettaient d'être aussi visibles que les médias anesthésiants, les gens sauraient qu'une multitude de patriotes grouille pour couper la route à la déroute.
Un penseur qui nous a quittés depuis 2 ans, Dominique Desroches, revient aujourd'hui nous rappeler que, tout occupé qu'il soit dans sa pédagogie philosophique, il ne s'éloigne jamais du besoin de partager ses vues sur la "maison de fous". http://www.vigile.net/La-decomposition-du-Quebec
Archives de Vigile Répondre
6 septembre 2011Le problème n'est pas tant de savoir si les gens parlent l'anglais ou une autre langue mais celle de s'assurer que le français soit la langue officielle du Québec, celle des institutions publiques, celle des communications, de l'affichage et du travail et que tous les citoyens du Québec soient en mesure de la parler.
En Norvège, le norvégien est la langue officielle de base, mais beaucoup de Norvégiens parlent l'anglais. So what?
Dans un Québec indépendant et en mesure de se protéger, tous les citoyens auraient intérêt à parler le plus de langues possibles sur le plan individuel, y compris le mandarin. Pourquoi pas?
C'est le Québec province annexé au Canada qui est le problème et son incapacité à se protéger adéquatement. Pas l'anglais.
Pierre Cloutier