La plupart des grands médias québécois se sont employés, dès l’annonce de la Charte des valeurs en 2013, à discréditer ce projet de loi. On connaît le sort de ce dernier. Il est mort de sa belle mort avec l’élection des libéraux.
Depuis ce temps, flotte dans l’air comme l’idée que cette Charte a contribué à la défaite du Parti québécois. Cette opinion semble accréditée par le fait que des députés péquistes ont, après l’élection, pris leurs distances de ce texte de loi rebaptisé Charte de la laïcité. Même ses plus ardents protagonistes ont semblé retraiter, disant que, si c’était à refaire, ils tempéreraient certaines clauses.
Mais ces réactions paraissent avoir été conditionnées par la désignation par beaucoup de commentateurs de la Charte comme un des facteurs importants de la défaite du PQ. Ces commentateurs étaient pour la plupart les mêmes qui vilipendaient cette initiative de Bernard Drainville.
Il fallait remettre les pendules à l’heure et cela vient d’être fait par Pierre Serré dans un article de L’Action Nationale de février 2016 intitulé : La descente aux enfers du NPD : l’effet niqab?
On le voit par le titre, la réhabilitation de la Charte n’est pas le principal objet de l’article. Mais en politique, tout se tient et parler de l’effet niqab indéniable sur les résultats de la dernière élection fédérale amène à revoir le jugement de nos analystes patentés sur la popularité ou l’impopularité de la Charte de la laïcité.
Serré démontre à l’aide de tableaux tirés d’une compilation de 101 sondages réalisée par un journaliste de la CBC que l’effet niqab s’est fait sentir partout au Canada durant la dernière campagne, mais à des degrés divers selon la région. Pour ce qui nous intéresse, c’est-à-dire l’effet au Québec, il est indéniable que la question du niqab a nui énormément au NPD.
Normalement, cela aurait dû nuire aussi aux libéraux qui avaient une position identique. Or, ceux-ci au Québec ont profité du déclin du NPD.
Serré explique cette apparente contradiction par le fait que les libéraux se sont montrés relativement discrets sur le jugement de la Cour d’appel fédérale rejetant, en pleine campagne, le règlement anti-niqab des conservateurs. Thomas Mulcair, lui, au contraire, s’est posé comme le défenseur d’une minorité « opprimée » en affichant clairement ses couleurs. Ce qui a déplu à l’électorat québécois.
La position du NPD semble avoir été au moins en partie inspirée par le sentiment, véhiculé par les « commentateurs », que la Charte de la laïcité avait joué contre le PQ. Tom et les siens se croyaient ainsi bien avisés de tabler sur les valeurs supposément multiculturalistes des Québécois.
Or, comme le rappelle justement Serré, deux sondages préélectoraux en 2014 au Québec montraient un appui à la Charte de 68 et 69 % de la part des francophones. Comme ce sont les non-francophones qui étaient contre la Charte et que c’était une clientèle qui n’était de toute façon pas favorable au PQ, rien n’indique que la Charte a nui au PQ. « Aucun siège n’a été perdu par le PQ pour cette raison », de statuer l’auteur qui a une longue expérience des sondages.
Il faut donc se méfier des opinions supposément savantes de gens au service des médias dominants. Leurs affirmations reflètent leur parti-pris, qui s’adonne souvent être celui de leur employeur. Il n’y a rien d’objectif ni de scientifique là-dedans.
En résumé, si 68-69% des francophones étaient pour la Charte, presque le même nombre a voté pour les deux partis qui s’y identifiaient (le PQ en totalité et la CAQ en grande partie). La Charte n’a sûrement pas nui au PQ, mais s’il avait mieux exploité son potentiel, un peu comme François Legault l’a fait, peut-être que les libéraux s’en seraient plus mal tirés.
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4 commentaires
François Ricard Répondre
9 mars 2016Mme Marois est la seule véritable cause de la débâcle du PQ en 2014.
Personne n'ose le dire. Jusqu'au deuxième débat, les sondages étaient favorables au PQ.
Le deuxième débat télévisé fut catastrophique. 'C'est quoi le "deal" Mme Marois?"
Question répétée à satiété par François Legault. Question à laquelle elle n'a jamais répondu.
La semaine suivante, lors des portes à portes, les gens nous demandaient:"C'est quoi le deal?" Et avec comme corollaire:"Pourquoi Mme Marois n'a pas voulu s,expliquer en commission parlementaire? Elle a des choses à se reprocher?"
Encore aujourd'hui de nombreux gens sont convaincus que Mme Marois avait des fautes graves à cacher et c'est la raison pour laquelle elle n'a pas voulu témoigner.
Pierre Grandchamp Répondre
9 mars 2016L'erreur du PQ: comme il s'agissait d'un gouvernement minoritaire, il aurait dû accepter le compromis proposé par la CAQ.
Marcel Haché Répondre
9 mars 2016Quand bien même le gouvernement Marois aurait seulement souhaité bonne chance au CH pour qu’il gagne la coupe Stanley, un « certain » électorat le lui aurait reproché. Le problème de la charte, c’était surtout sa provenance. Serré a raison. Ce n’est pas la charte qui a causé l’échec du gouvernement Marois. Cette fable est mise à la disposition des indépendantistes comme une fausse piste. La vraie piste a un tout autre nom que la charte…
Grâce à la machine de propagande de Radio-Canada, un « certain » électorat s’est facilement donné bonne conscience aux dépends d’un gouvernement minoritaire. Une autre fable a donc encore été inventée exprès, cette fois à propos de l’intolérance et la xénophobie des méchants séparatistes. Et, encore une fois, c’était pour mieux masquer l’ignorance et l’intolérance d’un « certain » électorat qui se croit persécuté au Québec.
Et c’est ainsi que « le Québec » reste bloqué, paralysé. Honte aux chefs indépendantistes de tolérer ce qui mène à rien de moins que la dérive d’une nation.
Normand Paiement Répondre
9 mars 2016Monsieur Richard,
N'avez-vous pas l'impression que le PQ a tout simplement mal géré sa stratégie électorale en 2014?
Au lieu de miser ouvertement sur la Charte de la laïcité, les stratèges péquistes se sont contentés de la sortir du chapeau en fin de campagne, alors que le mal était déjà fait: la valse-hésitation de Pauline Marois, notamment sur la question du référendum, aura eu pour effet de donner l'impression à la population que la première ministre ne savait pas où elle s'en allait. Contrairement au message qu'elle a tenté de faire passer, elle a démontré clairement qu'elle était tout sauf une femme «déterminée»! On connaît la suite...
Heureusement, tout cela est du passé. Il ne reste plus qu'à espérer que PKP et son équipe auront retenu la leçon et que la volonté du nouveau chef péquiste de faire du Québec un pays demeurera inflexible et débouchera sur une stratégie gagnante pour faire changement!
Cordialement,
Normand Paiement