Quand je suis arrivé de Suisse à Montréal en 1968, j'avais logiquement un
préjugé favorable envers le fédéralisme, un système qui fonctionne plutôt
bien dans mon pays d'origine. Il aura fallu plus de vingt ans pour que je
devienne un souverainiste inconditionnel.
J'ai certes été influencé par mon épouse québécoise, décédée maintenant
depuis près de deux ans. Mais c'est finalement l'intolérance, ou plutôt
(n'ayons pas peur des mots!) le racisme des anglophones qui m'a convaincu.
Le refus méprisant par le Canada anglais d'une entente aussi insipide que
l'Accord du Lac Meech a été la goutte d'eau dans un vase déjà rempli à ras
bords.
Si j'avais voté NON en 1980, j'ai donc voté OUI en 1995. Pendant les
semaines précédant le référendum, j'envoyais presque une lettre par jour
aux médias québécois et même étrangers. Plusieurs ont été publiées.
J'ai certes été déçu de la défaite du OUI même si je m'attendais à ce
qu'elle soit plus nette.Mais j'ai été particulièrement choqué par l'évident
vol référendaire et par l'ostracisme dont a été victime Jacques Parizeau
pour n'avoir dit que la vérité!. Je reconnais que ses termes (argent, votes
ethniques)ont été particulièrement mal choisis et ont donné des armes à ses
adversaires, parmi lesquels les vrais racistes du Canada anglais. Il aurait
mieux fait de parler du vote des anglophones et des allophones.
C'est un fait que les francophones ont voté oui à plus de 60% et que le non
à 95 % des "autres" a fait la différence. Il ne faut pas avoir peur de
l'affirmer! Aucun autre peuple n'aurait accepté aussi passivement un tel
verdict!
Il est malheureusement encore tabou d'aborder ce sujet qui est pourtant
essentiel! Compte tenu des vagues annuelles d'immigrants et du peu
d'attirance de ceux-ci à l'égard de l'indépendance du Québec, il faudrait
maintenant que plus de deux francophones sur trois votent OUI pour qu'une
victoire référendaire soit possible.
Il n'est pas dans mes habitudes de prendre mes souhaits pour des réalités.
Peut-être est-ce dû à mes origines, mais je suis très réaliste, voire terre
à terre. Les fameuses "conditions gagnantes" me paraissent chaque jour plus
impossibles à atteindre. Une grand partie de la jeunesse se désintéresse
complétement du problème et beaucoup de personnes âgées sont préoccupées
principalement par la sécurité de leurs revenus de pension. Je peux le
constater quotidiennement dans ma résidence pour personnes retraitées.
Je sais aussi que beaucoup d'autres Québécoises et Québécois, consciemment
ou inconsciemment, partagent mon point de vue. Avant d'inscrire un nouveau
référendum dans un programme politique, il faudrait nous expliquer le
cheminement prévu pour parvenir aux conditions gagnantes.Je ne demande
qu'à être convaincu , mais je ne crois plus au père Noël. Je voudrais que
les ténors des partis ou groupes souverainistes abandonnent la politique de
l'autruche et ne craignent plus d'aborder ce sujet tabou.
Je voterai certes OUI en cas de prochain référendum. J'estime en effet que
l'indépendance du Québec est le seul moyen de sauver la langue française en
Amérique du Nord. Mais, dans les conditions actuelles, je ne pourrais
donner ma voix à un parti qui s'engagerait à organiser une telle
consultation populaire au cours d'un premier mandat. Je ne tiens pas à être
co-responsable d'un suicide collectif! Je n'aurai, le cas échéant, donc
d'autre choix que de m'abstenir lors des prochaines élections.
Ce qui me paraît extrêmement urgent, en revanche, c'est de prendre, pour
protéger notre langue, TOUTES les mesures rendues possibles par une
constitution canadienne pourtant biaisée en faveur des anglophones. Ce qui,
malheureusement, n'a pas été réalisé, même quand le Parti Québécois était
au pouvoir. Je n'ai jamais compris, en particulier, pourquoi la liberté de
choix pour la langue d'enseignement n'a pas été supprimée au niveau
collégial!
***
Michel Gallay
Montréal
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
Vote ethnique
Le racisme des anglophones m'a convaincu
Il aura fallu plus de vingt ans pour que je devienne un souverainiste inconditionnel
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
13 commentaires
Michel Gallay Répondre
4 janvier 2012Un dernier bref commentaire.
Vous avez raison Landalou. La souveraineté ne pourra se faire sans les immigrants.Et je ne parle pas de ceux qui, comme moi, ont vécu 28 ans avec une compagne québécoise de souche nationaliste!!!
Tant que le Québec n'en aura pas le contrôle, le faudra vivre avec l'immigration et ses conséquences! Les leaders souverainistes devront modifier leurs discours pour rallier un plus grand pourcentage d'immigrants et d'immigrantes.Ce ne sera pas facile, mais il n'y a pas d'autre choix!
Je viens de lire plusieurs de vos articles, M. Saint-Arnaud.Quoique vous puissiez penser, l'immigration est un mal absolument nécessaire dans nos sociétés occidentales, étant donné le très faible taux de natalité. Elle doit cependant s'adapter aux besoins de l'économie, alors que le système canadien est aberrant.Le taux de chômage devrait être plus faible dans la population immigrante que dans l'ensemble de la population si les immigrants étaient bien choisis!
Je me rends chaque année en Suisse pour plusieurs semaines.Les travailleuses et travailleurs étrangers y sont bien plus nombreux qu'au Québec. Sans elles et sans eux, exemples parmi d'autres, les hôpitaux ne pourraient fonctionner et presque tous les restaurants devraient fermer!!! La naturalisation des immigrants ne se fait cependant pas si rapidement qu'au Canada!
Je reprendrai ce sujet probablement dans un prochain article que je soumettrai à Vigile.
Archives de Vigile Répondre
3 janvier 2012Merci Monsieur Gallay pour votre contribution à l'épanouissement du Québec.
Bonne année et bonne santé!
Archives de Vigile Répondre
2 janvier 2012En gros, et pour paraphraser jaques Brel..( on a beau faire , on a beau dire, qu'un homme averti, en vaut deux...), et pour contrer les tabous, la souveraineté du Québec ne peut jamais se faire sans les immigrants!!
Qu'on continue a voir les immigrants comme des fédéralistes purs et durs est déjà la preuve que les fossoyeurs de la souveraineté ont complétement raté le train de l'analyse politique mesurée et censée. Ils doivent creuser beaucoup plus profond pour réaliser que le Québec a échoué d'intégrer ces immigrants et que les séparatistes veulent avoir la lune, et donc l'exclusivité en tout pour arriver a leurs fins
BONNE ANNEE 2012
Ben
Michel Gallay Répondre
30 décembre 2011Je réagis brièvement à quelques commentaires.
Je persiste et signe. L'utilisation du terme "ethnique" par Jacques Parizeau, en pleine crise des Balkans, a été une bourde historique, la pierre qui a fait tomber tout l'édifice péniblement construit.Il fallait parler de langue et non de peuple!!!!
Un OUI en 1995 aurait-il conduit à l'indépendance du Québec dans son intégrité territoriale? Je me suis souvent posé la question.
Deux forces se seraient opposées; l'une quantifiable, soit le racisme viscéral des anglophones allié à l'incroyable servilité des fédérastes francophones; l'autre plus difficile à évaluer, soit l'effet d'entraînement de l'incroyable liesse populaire qu'aurait déclenchée la victoire souverainiste. Le point de non-retour aurait-il été atteint?
C'est vrai qu'en matière linguistique, on est au Québec, souvent plus royaliste que le roi!
Je n'écrirai plus en faveur de l'indépendance.Je suis fatigué.J'ai beaucoup donné en 1995, pendant plusieurs mois avant le référendum, en écrivant de nombreuses lettres aux journaux. J'ai 75 ans; mon épouse québécoise est décédée depuis près de deux ans.L'article paru dans Le Soleil (mais non dans Le Devoir, La Presse et Le Droit!!) était un peu comme mon chant du cygne.
J'ai aussi publié un récit autobiographique pour ma famille et mes amis.J'y explique à la fin de tous les derniers chapitres ma transformation progressive de fédéraliste en souverainiste.La crise d'Octobre a été un premier choc! Vous pouvez avoir gratuitement la version numérique du livre intitulé "Par Montréal et par Vaud" auprès de la Fondation littéraire Fleur de Lys (site ci-dessous).
C'est aux plus jeunes de prendre le relais.....si relais il y a !!!
http://manuscritdepot.com/a.michel-gallay.1.htm
Archives de Vigile Répondre
30 décembre 2011On dit que le Québec se maltraite lui-même davantage que ne le fait le Canada au point de vue de la langue. Mais on utilise le mauvais exemple : Gouvernement actuel qui ne respecte pas la charte de la langue française; après tout, ce gouvernement n’est qu’un bras sournois du fédéralisme canadien unitariste.
Or, l’efficacité dans notre «normalisation » vient des médias enrégimentés : la modernité dans l’ouverture à l’autre. Près de la moitié des 8 milliards d’humains comprendraient l’anglais, selon des groupes de traducteurs, cités à la SRC. En entendant ça, nos jeunes se disent privilégiés de baigner dans l’Amérique du Nord pour parler sans accent cette langue que parlent tant bien que mal les Hollandais, Danois, Suédois et… Français. Mais ceux-là vivent dans des pays autonomes, qui imposent leur propre langue aux nouveaux arrivants.
Au Québec, nous sommes une population qui a perdu son territoire dans une transaction France-Angleterre. Jusqu’à maintenant, on a toléré tant bien que mal nos sautes d’humeur de dominés. Puis, quand la faim nous tirailla trop, sur nos terres de roches, nous nous sommes déportés nous-mêmes aux Etats-Unis : Au début du xxe siècle, le Canada paie pour faire venir des immigrants allemands, polonais ou ukrainiens, mais il laisse les Canadiens français s'exiler aux États-Unis par milliers. Insouciance ou conspiration d'un gouvernement anglo-saxon pour se débarrasser d'un peuple inassimilable ?(Les Tisserands du pouvoir).
Cette fois-ci, nous immigrons massivement dans le Canada. Visité une famille de Gatineau pour l’anniversaire d’une mère retraitée de la fonction publique fédérale. Tous ses pairs, ses enfants et petits enfants, mariés ou non avec l’autre nation, tous parlent le balingue. On aime bien se rappeler en français les années chez les parents, mais quand viennent les sujets d’importance vitale, c’est l’anglais qui embarque. La langue publique, sine qua none. C’est l’image qui surgit aussi à Montréal, et bientôt dans la Capitale qui devra accueillir plus d’allophones…non intégrables. (souvenirs de l’Ouest canadien, de la Nouvelle-Angleterre, du sort des Cajuns!
Archives de Vigile Répondre
29 décembre 2011"J’ai certes été déçu de la défaite du OUI même si je m’attendais à ce qu’elle soit plus nette.Mais j’ai été particulièrement choqué par l’évident vol référendaire et par l’ostracisme dont a été victime Jacques Parizeau pour n’avoir dit que la vérité !. Je reconnais que ses termes (argent, votes ethniques)ont été particulièrement mal choisis et ont donné des armes à ses adversaires, parmi lesquels les vrais racistes du Canada anglais. Il aurait mieux fait de parler du vote des anglophones et des allophones.C’est un fait que les francophones ont voté oui à plus de 60% et que le non à 95 % des "autres" a fait la différence. Il ne faut pas avoir peur de l’affirmer ! Aucun autre peuple n’aurait accepté aussi passivement un tel verdict !"
Je connais beaucoup d'indépendantistes qui ont été outrés des paroles de M.Parizeau. Ils furent gênés de ces paroles à cause de leurs amis anglophones. Moi pas. J'approuvais les paroles de M. Parizeau. Mais ces paroles prononcées devant le peuple, à l'intérieur d'un discours explicatif - les vrais mots, quoi ! - devant ce peuple qui attendait les résultats avec tellement d'espoir -et la grande déception que l'on pouvait lire sur les visages à l'annonce de la défaite - ces paroles auraient eu un effet explosif et nous serions aujourd'hui un pays indépendant. Mais la plupart des gens se demandaient que voulaient dire ces mots..."garrochés" comme ça, par un homme gravement blessé.
Personne ne connaissait ce 60% ni rien de la tricherie monumentale. Cette écoeuranterie qui nous pèse si lourd dans la poitrine.
Si, le lendemain ou un autre jour, nous avions appris que M.Parizeau contestait l'élection, que pensez-vous qu'aurait été notre réaction ? La joie, l'espoir et le réveil ! Nous aurions été du combat, soyez-en sûr. Nous sommes un pays jeune sur un vieux territoire, nous ne connaissions pas tellement -et encore aujourd'hui- pas tellement les couillonneries politiques et les traîtrises à la Lucien Bouchard. On se croyait loin de tout ça. Beaux naïfs!
Je crois que nous n'en sommes pas revenus puisque nous sommes tombés -en majorité- comme des alourdis dans le filet du bon Jack !
Vous savez ce que je regrette le plus ? Le manque de maturité des politiciens et politiciennes qui sont dans l'arène.
Peut-on avoir confiance en ceux qui ont trahi deux patriotes comme M. Parizeau et M. Yves Michaud ?
Qui était là pour encourager et conseiller Monsieur Parizeau de se battre ? Qui ? l'anguille Bouchard a fait son travail de sape. Merde !
Yann Jacques Répondre
29 décembre 2011Vous avez parfaitement raison, M. Gallay. Le Québec a refusé de signer la constitution canadienne, notamment à cause des dispositions linguistiques qu'elle contient. Or, le Québec s'impose lui-même plus de contraintes linguistiques que ne lui en impose la constitution canadienne. Le Québec travaille plus activement à son anglicisation que le Canada. Comme vous le dite, le gouvernement québécois devrait (comme c'est le cas dans tous les pays du monde) offrir ses services uniquement dans sa langue officielle, sauf lorsque la constitution nous impose d'offir des services bilingues. Malheureusement, nous ne sommes pas nombreux à penser de même, y compris au parti québecois, et aucun parti politique n'est prêt à endosser cette position (je pense par contre que le mouvement Québec Français a proposé quelque chose de semblable récemment).
Y. Jacques
Archives de Vigile Répondre
29 décembre 2011L'ennui, voyez-vous, c'est que pour deux personnes matures (immigrées) qui ouvrent les yeux, il y a des milliers de descendants des "de souche" qui répugnent à penser se battre comme leurs parents et se mériter le mépris: le racisme! Les médias de tout acabit leur ont inculqué la notion "d'ouverture au monde", d'égalité des minorités dans le Canada, de vivre au présent et d'oublier les vieilles chicanes... Kamikazes du nationalisme, loin de préserver leur langue, leur différence, ils se glorifient de se fondre dans l'universalisme, de disparaître pour "sauver le monde" qui n'a pas demandé leur avis.
Archives de Vigile Répondre
29 décembre 2011Cher monsieur Gallay,
Continuez d'écrire en faveur de notre indépendance. Votre témoignage, en tant qu'immigrant (même de longue date), est puissante pour convaincre ceux qui hésiteraient encore.
Jean-Claude Pomerleau Répondre
29 décembre 2011M Gallay,
Le Référendum de 1995, eut il été gagnant,il n'aurait pas mené à la souveraineté.
Cela est devenu très claire suite à la réaction du gouvernement canadien à l'effet qu'il n'avait pas l'intention de reconnaitre la victoire du OUI. Et, que le Québec n'était pas dans un rapport de force favorable pour rende effectif son choix démocratique.
Ce constat, que le Canada ne voulait pas jouer le jeu démocratique, semble être un taboue chez les élites souverainistes alors que la population en a fait sa conclusion.
Alors que faire. Cette situation nous force à un changement de pardigme: Ce n'est pas le Référendum qui mène à la souveraineté c'est la souveraineté (de fait) qui mène à un Référendum qui formalise de jure un état de facto.
Cette situation nous ramène à l'État nationale, à partir duquel nous devons bâtir la souveraineté. Cet État qui a pris son élan avec la Révolution tranquille et que nous avons abandonné pour la quête d'un pays mythique. Ce faisant nous avons abandonné la proie pour l'ombre.
En 2012, il nous faudra revenir à l'État, qui est le déterminant de la politique.
JCPomerleau
P.s Le Difficile changement de paradigme:
http://www.vigile.net/Le-difficile-changement-de
Michel Gallay Répondre
29 décembre 2011Saint-Jean,
Je voudrais bien croire à votre beau scénario.À mon avis, c'est trop tard, malheureusement.Les Québécoises et les Québécois auraient, dès le début, l'impression d'être manipulés.
C'est en 1980 que cette forme d'étapisme aurait dû être utilisée au lieu d'un référendum perdu d'avance. Mais Claude Morin a été cloué au pilori pour l'avoir proposé.
Pablo Lugo Herrera Répondre
29 décembre 2011Pour ma part, ça a duré 9 ans et c'est un Québécois qui m'a fait réfléchir!
Archives de Vigile Répondre
29 décembre 2011M.Gallay, contrairement à vous je crois qu'il est possible d'avoir un référendum gagnant dans un premier mandat. Si vous aviez écouté Jean Martin Aussant de Option nationale sur le sujet vous auriez compris comme moi que sa stratégie est la bonne.
Example:
Option nationale obtient de la population un mandat pour rapatrier notre L.I.T.(toutes nos lois, nos impôts, nos traités). Comme on peut l'imaginer, le fédéral refuse toute négociation sur le sujet avec le gouvernement du Québec nouvellement élu. La réaction de la population serait facile à prévoir. Le refus du fédéral, comme lors de Meech, ferait automatiquement grimper l'appuis à la souveraineté à plus de 60%. Dans les circonstances, une victoire du oui à un référendum serait presque assurée.