Le gouvernement a sans doute eu tort de procéder à quatre nominations au Conseil du statut de la femme (CSF) en plein débat sur la Charte des valeurs québécoises. Mais la présidente de cet organisme et l’ex-ministre Christine St-Pierre, par leur réaction excessive et leurs projets inavoués, sont autant responsables du fait que le CSF a désormais perdu sa crédibilité sur cette question.
La nomination de quatre femmes au CSF, au moment où elle a été faite, constituait une maladresse de la part du gouvernement. Elle donnait l’impression que la ministre Agnès Maltais cherchait à influencer la position du CSF au sujet de la Charte des valeurs québécoises. Les mêmes nominations faites il y a six mois n’auraient sans doute pas déclenché un tel débat.
Malgré tout, la sortie de Julie Miville-Dechêne, jeudi dernier, apparaît avec le recul excessive et dommageable. D’abord dans sa conclusion selon laquelle ces nominations auraient mis fin à la liberté de pensée de l’organisme ainsi qu’à son indépendance.
Il faut savoir que les nouvelles membres du Conseil, même si elles faisaient bloc pour une Charte des valeurs (ce qui n’est pas certain), demeureraient en minorité parmi les membres votant.
Comme l’a indiqué cette semaine dans notre page « Idées » Catherine des Rivières-Pigeon, membre du conseil, Mme Miville-Dechêne a « présumé » de la position sur laquelle auraient débouché d’éventuelles discussions sur le sujet de la Charte des valeurs québécoises.
Quant à ses propos sur l’indépendance de l’organisme, il y a excès, là aussi. À l’écouter, on a l’impression que le gouvernement avait enfreint la règle de la séparation des pouvoirs. Pourtant, la présidente du CSF n’a rien d’un magistrat. Le mot « indépendant » est absent de la loi qui constitue le CSF. À plusieurs endroits, il est même stipulé que la présidente doit obtenir « l’approbation préalable du ministre » avant d’agir, notamment pour « entreprendre l’étude de toute question qui relève du domaine de l’égalité et du respect des droits » (art.3).
Quand on les veut réellement indépendants du gouvernement, les organismes doivent avoir une tête nommée par l’Assemblée nationale ; c’est le cas du Vérificateur général, entre autres. Pourtant, en conférence de presse, la championne de l’indépendance du CSF, la libérale Christine St-Pierre, a affirmé qu’une telle modification du mode de nomination n’était pas nécessaire.
Est-ce parce qu’elle a trouvé bien commode de pouvoir remplacer Christiane Pelchat, l’ex-présidente du CSF, lorsque cette dernière, avec ses membres, avait publié en 2011 un avis prônant la laïcité stricte ? Dans cette affaire, les accusatrices semblent atteintes du mal qu’elles dénoncent chez leurs accusés. Mme St-Pierre, qui crie à l’ingérence politique, s’est débarrassée d’une présidente qui ne faisait pas son affaire ; pour y placer une amie. Quant à Julie Miville-Dechêne, elle semblait vouloir renverser l’avis de 2011 et aurait bien aimé faire nommer quatre nouvelles membres du conseil qui l’auraient assistée dans ce virage.
Sa sortie avait quelque chose de politique. Elle n’était en tout cas assurément pas conforme à cet article du code d’éthique du CSF : « La présidente fait preuve […] de réserve dans la manifestation publique de ses opinions politiques. » Et aujourd’hui, comme l’a écrit Mme des Rivières-Pigeon : « Après ces controverses affichées sur la place publique, je crains que le Conseil n’ait plus la crédibilité requise pour s’exprimer. » Au final, qui aura « muselé » le CSF ? Le gouvernement avec ses nominations ? ou Mme Miville-Dechêne et l’ex-ministre Christine St-Pierre avec leurs sorties fracassantes ?
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