Un lapsus est la plupart du temps révélateur. Quand Philippe Couillard utilisa l’expression les « escouades politiques » à la fin de son point de presse, mercredi, alors qu’il venait de révéler avoir été interrogé par des policiers, plusieurs ont éclaté de rire. « Ce n’est pas parce qu’on rit que c’est drôle », dit l’adage… Car il est urgent que la séparation entre les pouvoirs policier et politique devienne réelle au Québec.
Le chef du Parti libéral a la transparence sélective. En plein été, lorsque son parti fit l’objet d’une perquisition de l’UPAC, il a préféré garder le secret pour lui et ses proches, laissant son caucus dans l’ignorance. Mercredi, à l’inverse, il a choisi de rendre publique la visite de policiers de l’UPAC à son domicile à Québec. Cet été, il préférait, s’est-il justifié, « ne pas nuire aux enquêtes ». Mercredi, il disait obéir à la « nécessité de faire preuve de transparence pour rétablir la confiance ». La contradiction entre les deux principes, que M. Couillard a dit vouloir mettre en « équilibre », est éclatante.
Le chef libéral a beau n’avoir que le mot « transparence » à la bouche, les zones d’ombre se multiplient. Sur qui enquête l’UPAC ? Dans quel dossier ? M. Couillard est, sauf erreur, le premier chef d’un parti de l’Assemblée nationale, dans l’histoire du Québec moderne, à avoir été interrogé par des policiers en lien avec une affaire de corruption. Ce n’est pas banal. Certes, il a précisé ne pas être personnellement visé par l’enquête. Mais son prédécesseur ?
Des questions troublantes portent aussi sur les rapports entre police et politique. Pourquoi l’UPAC a-t-elle été si discrète, en juillet, alors qu’elle avait l’habitude de publiciser perquisitions et arrestations dans le milieu municipal ? Mercredi, il fut stupéfiant d’entendre le député libéral Robert Poëti évoquer librement des complots ! À l’écouter, il n’y aurait aucun « hasard » dans le fait que M. Couillard a reçu une visite de l’UPAC le lendemain de son point de presse sur la perquisition. L’ancien policier visait-il les médias ou la stratégie de l’UPAC ? Si des motivations politiques sont à la source des coups d’éclat ou des coups discrets des policiers, alors le mur devant exister entre police et politique est une blague au Québec.
Or, ces derniers temps, nombre d’événements ont de quoi soulever des doutes en ces matières. D’abord cette nouvelle, tombée en août 2012, en pleine campagne électorale, au sujet de la filature du syndicaliste Eddy Brandone, qui aurait été abandonnée après que le cabinet de Jean Charest eut été mis au courant. Autres cas ? a) Le congédiement du directeur général de la Sûreté du Québec, Richard Deschênes, quelques jours seulement après le changement de gouvernement ; b) les écoutes électroniques du président de la FTQ, Michel Arsenault… et le fait que ce dernier ait contacté le ministre de la Sécurité publique pour réclamer qu’il enquête sur les fuites dont ces écoutes ont fait l’objet.
« Quand les escouades politiques, euh… policières ont été montées », on soupçonna une « opération cosmétique », a bafouillé M. Couillard mercredi. Mais que son parti et lui fassent maintenant l’objet d’enquêtes démontre le contraire ! Non seulement le chef libéral contredit les sous-entendus de son député Poëti, mais il erre. Plusieurs gestes devraient être posés rapidement pour formaliser l’indépendance entre la SQ, les différentes escouades et le gouvernement. La première ? Que les patrons de l’un et des autres soient formellement nommés par l’Assemblée nationale comme, entre autres, le Vérificateur général et le Directeur général des élections.
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