Ce mardi, sur mon blogue, je postais cette analyse du projet de loi 59 dont le titre est «Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes.»
J’y expliquais comment et pourquoi ce projet de loi du gouvernement Couillard, si adopté tel quel, poserait un danger réel à la liberté d’expression; protégerait indûment les intégrismes religieux; ne ferait rien pour combattre ceux-ci de même que la radicalisation qu’ils risquent d’alimenter; instaurerait une espèce d’escouade et de tribunal de la pensée; imposerait une culture de délation de la pensée et listerait même publiquement le nom des personnes qui auraient été jugées «coupables» d’avoir tenu un discours dit «haineux» ou «incitant à la violence» et ce, sans même que ces termes ne soient définis dans le projet de loi.
Le tout, pis encore, dans un contexte où les chartes des droits et le code criminel prévoient déjà des mesures nettement plus raisonnées pour une société démocratique quant à la diffamation, le discours haineux, etc.
J’y citais également la démonstration rigoureuse qu’en faisait aussi l’ex-députée libérale Fatima Houda-Pepin ce lundi en commission parlementaire sur le projet de loi 59.
Or, ce même mardi soir, à la même commission parlementaire, la démonstration même de cette analyse était livrée, si je puis dire, par l’absurde lors d'un échange particulièrement surréaliste entre Adil Charkaoui et la députée caquiste, Nathalie Roy.
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Imaginez si le projet de loi 59 était adopté tel quel...
Jouant à la victime comme à son habitude, Charkaoui, du «Collectif québécois contre l’islamophobie», n’a tout simplement pas digéré d’entendre la députée remettre en question sa représentativité de la communauté musulmane. Et la députée d’ajouter qu’il n’avait «aucune crédibilité».
Mais là n’est pas le plus important.
En réaction, Adil Charkaoui insistait sur ce qu’il voit comme étant une «montée de l’islamophobie au Québec et ailleurs» et laissait même tomber ceci : «La déclaration de la députée de la CAQ est empreinte de haine».
Et voilà le mot HAINE lâché.
Bien évidemment, Adil Charkaoui n’est en effet aucunement «représentatif» d’une communauté aussi large et diverse que la communauté musulmane.
L’important ici est plutôt de noter son usage, volontaire, du mot «haine» pour qualifier une simple critique, une opinion, venant d’une députée, d’une élue.
Et voilà où le véritable bât blesse: si le projet de loi 59 était adopté tel quel, rien ne pourrait empêcher Charkaoui d’exiger de la Commission des droits de la personne qu’elle «enquête» sur les propos de la députée. Ce qui, on en convient, serait non seulement abusif, mais équivaudrait à de l’intimidation, voire à une tentative de faire taire ou sanctionner cette déclaration ou toute déclaration équivalente.
En d'autres termes, si le projet de loi 59 était adopté tel quel, ce qui aujourd'hui n'aurait été qu'un échange musclée d'«opinions» entre ces deux personnes - le premier accusant la seconde de «haine» et la seconde niant au premier toute représentativité et toute crédibilité -, permettrait au premier, s'il le voulait, de porter plainte formellement à la Commission des droits de la personne contre la seconde pour «discours haineux».
Voilà dans toute sa splendeur une démonstration éclatante de l’arbitraire dangereux du projet de loi 59 auquel je faisais référence dans mon billet de mardi.
(Et si la députée devait toute de même être protégée par l'immunité parlementaire, la même situation dangereuse pourrait s'appliquer à n'importe quel autre citoyen ou citoyenne qui se verrait accuser de tenir un «discours haineux» envers, tel que le stipule le projet de loi, tout «groupe de personnes qui présentent un caractéristique commune», alors qu'il ou elle ne faisait qu'exprimer une opinion.)
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Un projet de loi ubuesque
Et M. Charkaoui ne s’est pas arrêté là. Il a aussi déclaré ceci en commission avant d’être interrompu et de pouvoir terminer sa phrase: «La question de la haine que nous vivons depuis que l’ADQ et le Parti québécois a /sic/ diabolisé, a diabolisé la communauté musulmane (...)»
Encore une fois, le mot HAINE est lâché. Cette fois-ci contre deux partis politiques, dont un n’existe plus.
Bref, je persiste et signe : ce projet de loi est tout simplement ubuesque.
Dans ses nombreuses couches d’absurde, voilà même qu’un témoin à une commission parlementaire - nommément ici Adil Charkaoui -, se permet d’accuser une députée et deux partis politiques de «haine» envers les musulmans en même temps qu’il prône l’abandon du même projet de loi qui, si adopté tel quel, lui permettrait pourtant de lancer la Commission des droits de la personne à leurs trousses...
Un autre bel épisode digne de l’Absurdistan...
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