Speakez-vous le franglais?

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À pleurer de désespoir !





«Right Fiers» - Un slogan en franglais pour les Jeux de la francophonie canadienne en 2017? Depuis que ma collègue Sophie Durocher rapportait la nouvelle dans sa chronique du 14 juillet dernier, je n’en suis pas encore revenue.


Et comme si ça ne suffisait pas, par un drôle de hasard – douloureux, dans les faits -, quelques heures plus tard à peine, je trouvais dans une boutique du centre-ville de Montréal, une carte de souhaits «humoristique» dont la couverture imite le logo du gouvernement du Québec avec la mention suivante, celle-là, ironique : «Office québécois de la langue franglais»... Ça ne s’invente même pas...


Pour ce qui est du slogan franglais des Jeux de la francophonie canadienne, non pas que j’en sois particulièrement surprise.


Après tout, hormis pour le Québec et les communautés franco-canadiennes, la maîtrise du français au Canada n’est qu’une vue de l’esprit. Seul le bilinguisme institutionnel est minimalement fonctionnel au palier fédéral.


Ce qui m’étonne, par contre, est le sans-gêne avec lequel ce geste disgracieux a été posé. Disgracieux et profondément irrespectueux.


***


«Stay tuned»?


Or, dans sa chronique, Sophie Durocher précise ceci :


«Le plus ridicule dans tout ça, c’est que le slogan a été choisi par les jeunes pour représenter la façon dont ils s’expriment. Mélissa Martel, présidente des Jeux de la francophonie canadienne 2017, a déclaré à Radio-Canada :


« Il ne faut pas qu’ils se taisent en français. Ils parlent quand même en français. C’est pour ça qu’il faut valoriser la manière qu’ils parlent ».


Pis encore, s’il s’en faut, on y apprend même que :


«Dans sa vidéo tournée à Moncton, la ministre du Patrimoine et des Langues officielles Mélanie Joly nous annonçait : « Demain, je vous arrive avec des bonnes nouvelles, alors, stay tuned ».


Comment ça «stay tuned?»?


Le franglais, cette bouillabaisse bâtardisée où l’on mélange deux langues pour en créer une autre tout à fait imbuvable. Anglicismes, syntaxe anglicisée, etc... Car dans les faits, le franglais est surtout baragouiné par des francophones.


Le franglais est pourtant le signe indéniable d'une conquête langagière du français par l’anglais. Le tout, avec l’approbation soumise de ceux et celles qui, francophones, cèdent béatement à cette mode exaspérante et culturellement suicidaire. Point.


À Montréal, dès qu’on traverse le boulevard Saint-Laurent vers l’ouest, le franglais s’entend d'ailleurs de plus en plus. Depuis quelques mois, on l’entend aussi s’installer peu à peu à l’est du même boulevard.


***


Une reddition


Le franglais, c’est une reddition. Une reddition linguistique, culturelle, intellectuelle, économique et politique. Comment ne pas dénoncer une telle pratique?


Ayant moi-même grandi et étudié dans un quartier ouvrier de Montréal dans les années 60 et 70, je n’ai jamais hésité une seconde à investir tous les efforts possibles pour mieux maîtriser la langue française.


Ce qui, jamais non plus, ne m’a empêché de maîtriser l’anglais dès l’âge de 8-9 ans. Ce que j’ai fait de manière, soit dit en passant, entièrement autodidacte.


Or, apprendre à maîtriser deux langues, dont tout d’abord la sienne, c’est avant tout pour s’ouvrir à plusieurs cultures, plusieurs littératures, plusieurs artistes, etc.


À l’opposé, mélanger ces deux langues pour mieux dissoudre la sienne propre dans la plus «puissante», c’est se fermer à tout. C’est perdre tout.


C’est aussi tourner le dos à toutes ces femmes et tous ces hommes qui, depuis des siècles, au Québec et ailleurs au Canada, ont tenu le coup face à une langue anglaise aisément assimilatrice.


Le franglais, c’est se renier soi-même.


C’est succomber à la facilité. C’est embrasser le vide. C’est se faire une fierté de son propre manque aberrant de vocabulaire dans sa propre langue.


Bref, c’est nourrir l’ignorance et la dilution culturelle des «parlants français» d’Amérique, d'où qu'ils viennent.


***


 


Et la France?


Certains me lanceront peut-être que «c’est bien pire en France» avec leurs anglicismes devenus chroniques. Patati et patata...


On ne sait trop pourquoi, mais cette vision des choses est assez répandue au Québec.


La réalité est pourtant celle-ci.


S’il est vrai que les Français sont nombreux à saupoudrer leurs phrases de noms et de mots anglais, un élément essentiel reste néanmoins inchangé.


Indépendamment des niveaux d’études et des conditions sociales, de manière générale, leur maîtrise de la langue française est encore et toujours excellente et leur syntaxe est rigoureusement française.


Le franglais, en France, est essentiellement un effet de mode qui, d’aucune manière, ne menace la pérennité du français chez nos cousins.


Au Québec et au Canada, c’est une autre histoire.


Parce que les francophones, toutes origines confondues, baignent dans un océan de langue anglaise – géographiquement et culturellement -, le franglais fragilise d’autant plus une langue certes internationale, mais éternellement précaire chez-nous.


Ou pour le dire autrement, permettez-moi de citer un ancien collègue et ex-chroniqueur à The Gazette qui, dans les années 90, de mémoire, résumait le tout en ces termes imagés et avec brio :


«Au Québec et au Canada, les francophones ont peur de voir leur langue se noyer dans une mer d’anglais tandis que les anglophones ont peur de voir la leur se noyer dans un petit lavabo de français»...


 


 




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