L’initiative d’un comité parlementaire fédéral sur l’enseignement de l’histoire est inutile. Au-delà du fait qu’il soit intéressant de voir des parlementaires s’intéresser à ce sujet, les élus d’Ottawa n’ont aucune compétence constitutionnelle pour faire ce travail. Et la Constitution, c’est plus que des « vieilles chicanes »…
On pourrait dire qu’il y a en soi quelque chose d’intéressant à voir des parlementaires, comme ces élus conservateurs à Ottawa, s’intéresser à l’enseignement de l’histoire au Canada au point d’adopter, en comité, un projet d’étude comparative des manières dont on s’y prend d’un océan à l’autre.
Après tout, un des maux actuels est le « présentisme ». Tocqueville craignait avec raison l’avènement d’une modernité comme l’est devenue la nôtre où « le passé n’éclairant plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres ».
Le passé a - ridiculement - mauvaise presse, chez nous. Tout personnage public prenant la parole aujourd’hui et étant « contraint » d’évoquer « le passé » sera à coup sûr tenté d’ajouter, comme pour rassurer ses interlocuteurs, qu’il a le « regard tourné vers l’avenir ». Souvent, il ajoutera « résolument ». Prenons un exemple récent : il fallait lire l’étrange communiqué du Musée de la civilisation du 16 avril dans lequel la direction a annoncé qu’on le rebaptisait « Les » Musées de la civilisation et qu’elle en a profité pour modifier le nom d’une autre de ses composantes : le Musée de l’Amérique «française», devenu Musée de l’Amérique « francophone ». Faut-il minorer le passé «français» de ce coin de Nouveau Monde ? Il semble bien. Et quel était le dernier intertitre du communiqué ? « Un regard tourné vers l’avenir ». Évidemment. Notez bien, donc, que désormais, chez nous, même les musées se détourneront du passé ! Après tout un des universitaires historiens québécois les plus renommés, Jocelyn Létourneau, ne martèle-t-il pas, de livre en livre, qu’il faut « passer à l’avenir » ?
Par ailleurs, ce n’est tout simplement pas aux parlementaires d’Ottawa de se pencher sur les programmes d’histoire. On sait que pour les conservateurs, la Constitution, ce ne sont que des « vieilles chicanes », mais ce document fondamental stipule bien que la compétence exclusive en matière d’éducation revient aux provinces. Un détail ? Le premier ministre Stephen Harper a été obligé d’admettre cette évidence vendredi à Québec ; tout en défendant mollement l’initiative du comité. Cherchez l’erreur. Quoi ? Il n’y a pas assez de travail au fédéral pour occuper les élus ? Une idée : pourquoi ne se penchent-ils pas plutôt sur l’effet des coupes budgétaires à Parcs Canada, responsable de certains des sites historiques les plus importants au Québec ?
Cette initiative sur l’enseignement de l’histoire démontre une fois de plus l’ambiguïté du fait national dans la fédération canadienne. Chaque nation a son débat permanent sur l’histoire à enseigner dans ses écoles. Or, pour une majorité dans le « ROC », le Canada est une « nation » et le Parlement « national » se trouve à Ottawa. Dans cette perspective, il est donc normal que les parlementaires s’y penchent sur l’enseignement de l’histoire. Ce même Parlement a eu beau accepter en 2006 que les Québécois forment une nation, rien n’y fait, semble-t-il. (Sans doute parce que cela devrait être précisé dans la Constitution.)
Chez nous, le débat sur la nécessité de dépasser le présentisme dans l’enseignement de l’histoire, notamment en y réintégrant des éléments d’histoire nationale et politique, doit se tenir au Québec et au Québec seulement. Si les parlementaires conservateurs fédéraux veulent absolument faire des « comparaisons » et magnifier certains événements chers à leur parti (encore 1812 ?), libre à eux. Mais ils devraient se rendre compte que, pour ce qui est des écoles du Québec, ils perdent tout simplement leur temps.
L’histoire révisée par Ottawa
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