Dans notre système de justice, l’accusé jouit de la présomption d’innocence et le fardeau de la preuve pour le faire condamner incombe à la Couronne. En demandant l’arrêt des procédures sur la base de l’arrêt Jordan, Nathalie Normandeau pourrait laisser croire à plusieurs qu’elle a des choses à se reprocher et renverse, consciemment ou non, la présomption d’innocence qui jouait en sa faveur.
De Cogeco à Boulevard
Dans l’univers très médiatisé d’aujourd’hui, la gestion du risque réputationnel s’est transformée en obsession pour plusieurs entreprises qui n’hésitent pas à se délester d’actifs ou d’employés qui pourraient ternir leur image. Nathalie Normandeau en avait payé le prix lors de son arrestation par l’UPAC en étant chassée de l’émission qu’elle animait avec Éric Duhaime au FM93. Pour avoir représenté dans le passé des gens qui avaient été lapidés sur la place publique et par la suite acquittés par les tribunaux, je pouvais trouver déplorable que l’ex-ministre soit évincée avant son procès sans plus de cas sur la présomption de son innocence. Heureusement pour elle, d’autres stations se l’arrachaient et elle a eu la chance de revenir en ondes, évitant l’opprobre de l’opinion publique avant même d’être condamnée par un tribunal.
De Boulevard à la rue
En préférant recourir à la forme et à une guerre de procédures, l’ex-ministre sème maintenant de forts doutes sur ses comportements passés. Son recours a évidemment soulevé l’indignation de l’opposition qui appelle le gouvernement à user de la clause dérogatoire pour que le procès ait effectivement lieu. Au-delà de l’esbroufe politico-judiciaire dans laquelle l’avocat de l’accusée se permet de donner des leçons sur la séparation entre les pouvoirs législatifs et judiciaires, il sera surtout intéressant de voir les décisions de la station BLVD-FM si jamais la Cour mettait fin aux procédures. L’entreprise pourra-t-elle garder en ondes une animatrice sur laquelle pèsera un doute permanent de culpabilité?