Mike Ward : le droit d’être désobligeant

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La liberté d’expression n’est pas toujours gentille, mais elle ne peut pas être brimée


Après la publication de ma chronique de samedi sur l’affaire Mike Ward/Jérémy Gabriel, une lectrice m’a écrit : « Rire des autres, ce n’est pas de l’humour ».


Désolée Lise, mais dire ça c’est comme affirmer : « La guerre, la guerre, c’est pas une raison pour se faire du mal ».


Si on interdit aux humoristes de rire de qui que ce soit, ils vont tous devoir changer de métier...


ON N’EST PAS OBLIGÉ D’ÊTRE D’ACCORD


J’ai reçu de nombreux courriels de lecteurs fâchés de ma position parce que je me réjouissais de la « victoire » de Ward. C’est normal.


Une décision comme celle de la Cour suprême nous met face à un dilemme fondamental : peut-on à la fois défendre la cause de la liberté d’expression ET trouver que la blague de Ward était dégueulasse ?


« Parler de liberté n’a de sens qu’à condition que ce soit la liberté de dire aux gens ce qu’ils n’ont pas envie d’entendre. »


Je pensais à cette citation de George Orwell vendredi quand j’ai appris la décision de la Cour suprême.








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Quand les juges majoritaires disent que la liberté d’expression « présuppose la tolérance de la société envers les expressions impopulaires, désobligeantes ou répugnantes », c’est exactement à ça qu’ils font référence : la liberté d’expression ne peut pas s’arrêter quand les propos sont choquants ou dérangeants.


Autrement dit, la société ne peut pas penser comme Steven Guilbault, ancien ministre du Patrimoine, qui avait déclaré à Tout le monde en parle : « Notre droit s’arrête là où la blessure de quelqu’un d’autre commence ».


Ce que la Cour suprême a statué vendredi est d’une importance capitale. Lisez ce que les juges majoritaires écrivent au paragraphe 82, quand ils se demandent comment « résoudre le conflit entre le droit à la liberté d’expression et le droit à la sauvegarde de sa dignité » : « Un droit de ne pas être offensé [...] n’a pas sa place dans une société démocratique ».


MÉCHANT, HONTEUX


On ne peut que remercier les juges d’avoir rappelé l’importance fondamentale de trois critères qu’on devrait inscrire en majuscules à l’entrée des salles de spectacle :   



  1. Le contexte. Une blague sur une scène ce n’est pas la même chose qu’un commentaire dans une conférence ou une déclaration officielle.    

  2. Le premier degré : c’est la base du métier d’humoriste que ses propos soient pris au deuxième degré et pas au pied de la lettre.   

  3. La discrimination. Ce n’est pas parce que tu fais une blague sur une personne qui est membre d’une minorité X que ça constitue de la discrimination envers la minorité X.      


L’HUMOUR BÊTE ET MÉCHANT


Dans son bouquin Le livre offensant, Guy Nantel consacre un chapitre complet à l’affaire Ward/Jérémy.


Selon Nantel (qui avait prévu que Ward gagnerait sa cause), le danger avec ce dossier c’est qu’on finisse par dire : « Les humoristes ont le droit de faire des blagues, mais leurs cibles ne doivent pas en souffrir. » Ce qui serait absurde.


Ah oui, en passant, Le livre offensant est le livre québécois le plus vendu cette semaine selon le palmarès de Renaud-Bray...


Ça veut peut-être dire qu’on est très nombreux à en avoir assez de la rectitude politique et des Offensés Permanents.











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