Voir aussi: Le sous-titrage au FFM, 2 septembre 2009
Le lundi 24 août, en considérant les versions sous-titrées, il y avait à l’affiche dans les salles de cinéma du Québec 63 films en langue française et 73 en langue anglaise, soit 10 de plus du côté anglophone. Strictement à Montréal, il y avait 44 films en langue française et 62 en langue anglaise, soit 18 de plus du côté anglophone.[1]
Qui croirait, au vu de ces chiffres, que les francophones forment environ 80 % de la population québécoise et les anglophones environ 10 % ?[2]
Depuis 6 ans, au lieu de gagner du terrain, nous en perdons. En effet, le 3 mai 2003, il y avait à l’affiche à Montréal 54 films en langue française et 49 en langue anglaise[3]. Une situation pour le moins préoccupante.
Sylvio Le Blanc
Montréal (Québec)
1] [http://www.cinoche.com/
2] [http://www.olf.gouv.qc.ca/etudes/rapport_complet.pdf
[3] «Le Devoir», «Le cinéma à Montreal, euh!… Montréal», le mardi 6 mai 2003, p. A 6.
«La Presse», «On se croirait à Paris…», le mardi 6 mai 2003, p. A 12.
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Montréal, le 31 août 2009
Encore le titre en anglais
Dans son papier sur le film en compétition au FFM réalisé par Micha Lewinsky*, je ne vois pas pourquoi l'incorrigible Odile Tremblay donne le titre de ce film suisse en anglais. Il a été tourné en suisse allemand et porte le titre original suivant: «Die Standesbeamtin», titre qui a été traduit en français par «Marie-nous». C’est en outre la version originale qui est présentée au FFM. Comme les sous-titres étaient accessibles en français lors de la séance de dimanche au Cinéma Impérial, pourquoi venir nous assommer avec le titre en anglais, «Will You Marry Us?»?
Sylvio Le Blanc
Montréal (Québec)
* http://www.ledevoir.com/2009/08/31/264893.html
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Bonjour,
Pourriez-vous ajouter ce qui suit ci-contre dans les commentaires de mon article initial : «Les Films en salle : l’anglais triomphe largement», en faisant suite aux commentaires de Julien Beaupré? J’ai essayé de l’envoyer par la voie normale, mais on me dit que mon texte est trop long (20000 caractères). Merci.
Je pense que ce dossier «doublage» fait le tour de pas mal de questions.
Sylvio Le Blanc
M. Beaupré, le doublage n’est pas une pratique honteuse et mercantile. Il n’est pas irrespectueux envers les auteurs de cinéma, acteurs, etc. Nullement!
Sachez M. Beaupré que de grands réalisateurs comme Federico Fellini et Stanley Kubrick veillaient soigneusement à ce que les doublages français de leurs films soient faits. Je ne sais pas si vous connaissez Kubrick. C’est un réalisateur qui contrôlait maladivement son produit artistique. S’il avait considéré le doublage comme un artifice honteux et irrespectueux, il aurait obligé les distributeurs à mettre des sous-titres à ses films.
Sachez aussi que de grands acteurs (Depardieu, Piccoli, etc.) ont doublé et doublent encore aujourd’hui. Pourquoi pratiqueraient-ils un métier honteux envers eux-mêmes?
Croyez-moi, le sous-titrage, pour vous qui voulez protéger le français, c’est la pire des solutions. Parlez-en aux Néerlandais.
Je vous donne à lire quelques lettres parues dans les journaux sur ce sujet qui me passionne. Vous y trouverez des répliques à vos arguments.
Sylvio Le Blanc
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Lettre parue dans «Le Devoir», Idées, le jeudi 27 février 1997, p. A 7.
Industrie cinématographique: Une image vaut bien plus que mille mots
Le doublage des films est nettement préférable au sous-titrage
Dans Le Devoir du 29 janvier, Odile Tremblay s'inquiète avec d'autres «du nombre de plus en plus restreint de films présentés en version originale sous-titrée en français». Elle s'élève par exemple contre le fait que le «Hamlet» de Kenneth Branagh puisse être doublé et non sous-titré, constituant ainsi «un outrage à la langue de Shakespeare, qui doit être entendue».
Mme Tremblay a droit à ses idées. Quant à moi, j'ai toujours préféré le doublage au sous-titrage. La raison en est essentiellement la suivante: j'accorde plus d'importance au texte et à l'image – et aux mille mots qu'elle suggère – qu'à «la musique de la langue» et au «sel des mots».
Prendre le temps d'assimiler les sous-titres – quand ils sont lisibles! –, c'est prendre le risque de rater un mouvement de caméra éloquent ou l'expression inopinée et révélatrice d'un acteur. Lire les sous-titres, c'est s'échiner sur une traduction succincte et incomplète des dialogues. (Sous ce rapport, le sous-titrage du dernier Branagh serait une catastrophe: les tirades y étant nombreuses et denses, on passerait son temps à lire des sous-titres... approximatifs.) J'ai vu à plusieurs reprises le «Falstaff» d'Orson Welles – une perle rare. Mes yeux n'ont pratiquement pas quitté le bas de l'écran de la version sous-titrée; par contre, dans la version doublée, j'ai pu apprécier à sa juste valeur la caméra virtuose de l'auteur, les décors et le jeu multiple des acteurs, tous plus talentueux les uns que les autres. Certes, dans l'opération, j'ai perdu la voix de Welles, mais j'ai hérité en revanche celle de Pierre Brasseur. Quelle voix! Et quel texte... français! Le «Henry V» de Branagh, c'était bien, mais doublé par Gérard Depardieu, quel enchantement (ce dernier produisit lui-même le doublage quelques années après la sortie de la version originale parce qu'il admirait l'œuvre, preuve qu'un homme de goût peut préférer le doublage au sous-titrage).
Dans un film, perdre l'anglais de Shakespeare serait-il aussi outrageant que le fait de perdre l'allemand de Goethe, l'espagnol de Cervantès ou le chinois de Pu Song Ling? «La musique de la langue» de ce dernier «doit[-elle] être entendue» dans un film? Elle ne révèle pourtant rien à quiconque ne connaît pas un traître mot de chinois. Par contre, un habile traducteur et un tout aussi habile directeur artistique sauront peut-être nous en restituer la richesse dans une version doublée. Je ne sais pas ce que donne la voix de l'ordinateur de «2001: l'Odyssée de l'espace» en anglais, mais en français, elle est incomparable. Et que dire de la voix française de Patrick McGoohan dans «Destination danger»! Et de celle, tonitruante, de Gian Maria Volonte dans «La Classe ouvrière va au paradis»... Et de celle de Tom Hulce dans «Amadeus»…
L'ennui avec le doublage, c'est quand il est bâclé. Force m'est d'admettre que, de façon générale, les versions doublées au Québec sont de piètre qualité, contrairement à celles venant de France. Après avoir vu «Blade Runner» en version originale, j'ai comparé l'ancienne mouture, doublée en France, avec la nouvelle, doublée ici. Le «Blade Runner» français est de beaucoup supérieur au nôtre. Tout y concourt: la qualité et l'éventail des voix; la justesse de ton; la synchronisation parfaite. En outre, quelle misère que d'entendre les sempiternelles voix d'un petit cercle d'acteurs-doubleurs québécois (alors qu'en France, ils sont légion). Quelle amère surprise que de reconnaître à tout bout de champ Aubert Pallascio, Edgar Fruitier, Yves Corbeil, Bernard Fortin, Luc Durand, Élisabeth Chouvalidzé ou Vincent Davy (les prestations de ce dernier sont souvent superbes – en particulier dans «La Société des poètes disparus» et «La Rivière du 6e jour» – , mais comme sa voix est surexploitée, le charme s'en trouve rompu). Et il y a également un problème de continuité: un tel double le dernier Sean Connery, sans être assuré pour autant de doubler le prochain (alors que le Sean Connery français est resté le même depuis «James Bond 007 contre Dr No»). Ou encore, une même voix secondaire peut être utilisée pour doubler de deux à trois personnages secondaires (prend-on les spectateurs pour des idiots?). Non, notre industrie du doublage au Québec n'est pas à la hauteur. Ce qui m'amène, tristement, à espérer voir les distributeurs québécois privilégier à l'avenir les films doublés en France au détriment de ceux d'ici.
Avec d'autres, Mme Tremblay estime «qu'une éducation du public est à faire afin de promouvoir l'importance des versions originales». Je ne suis pas de cet avis. Le public québécois s'est habitué au doublage et cela m'apparaît constituer un avantage. Il détesterait se retrouver dans la situation des Néerlandais qui n'ont accès qu'à des versions sous-titrées. (Je me suis d'ailleurs laissé dire que cette réalité avait grandement favorisé la pénétration de l'anglais aux Pays-Bas, ce qui laisse songeur vu notre position fragile, encerclés que nous sommes par 300 millions d'anglophones.)
Pour finir, je pense qu'il faut continuer à (bien) doubler les films qui peuvent se le payer et sous-titrer les plus pauvres.
Sylvio Le Blanc, le 30 janvier 1997
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Lettre de Jacques Lagacé parue dans «La Presse», Répliques, le lundi 10 mars 1997, p. B3.
Vive le doublage fait en France!
Je ne partage aucunement l'indignation que suscite chez Nathalie Petrowski (La Presse, 17 février) et chez d'autres le conflit entre Québécois et Français sur la question du doublage de films. Moi, ce qui m'indigne plutôt, c'est la médiocrité du produit québécois dans ce domaine.
Chaque fois que je tombe sur un film doublé au Québec, j'enrage en entendant les nombreuses maladresses de traduction et fautes de français, la diction laborieuse (on est à mon avis bien loin du «français impeccable» dont parle un lecteur de La Presse dans une récente lettre), les intonations chantantes ou qui manquent de naturel ou de force. Souvent, mon intérêt pour le film se perd, quelle que soit sa qualité par ailleurs, car je ne parviens plus à croire à des personnages qui sonnent faux et s'expriment dans un français qui sent la traduction.
Tout doublage comporte certes, par sa nature même, une part de fausseté. Il demeure néanmoins que, comme la traduction, le doublage est un art, art que les Français, il faut le reconnaître, possèdent à un degré que nous sommes loin d'avoir atteint.
Je trouve que lorsqu'on place la question du doublage sur un strict plan politique et économique, on passe à côté de l'essentiel. D'une part, les raisons culturelles invoquées par les Français pour refuser les doublages faits au Québec (accent, français régional, etc.) sont à mon avis fondamentales, et on ne doit pas les écarter sommairement, comme le fait Serge Turgeon (La Presse, samedi 22 février), en présumant qu'elles sont dictées par la mauvaise foi. D'autre part, le fait que la loi Bacon ait provoqué un petit «boum» économique chez les acteurs ne prouve malheureusement pas qu'elle soit bonne ; en l'occurrence, il s'agit d'un boum artificiel, fondé non pas sur une production de qualité, mais sur la création d'une clientèle captive. C'est pourquoi je me réjouis, même si nos acteurs risquent d'en souffrir, que les doublages faits en France reprennent une part importante du marché.
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Lettre parue dans «Le Devoir», Éditorial, Lettres, le lundi 23 juin 1997, p. A 6.
La Cinémathèque et le biculturalisme
Une Cinémathèque québécoise (CQ) tout autant anglaise que française? Après avoir parcouru leur dernier programme incorporé dans la Revue de la Cinémathèque de juin-juillet-août 1997, j'ai constaté en tout cas qu'elle accordait pour le moins un traitement de faveur à l'anglais. Voyez plutôt: Parmi les 22 films présentés en version originale anglaise (j'omets les films d'animation et les films muets), seulement quatre d'entre eux sont sous-titrés en français – un de moins que les cinq films en version originale française sous-titrés en anglais. Parmi les 45 films tournés dans une autre langue que le français et l'anglais, 31 sont sous-titrés en anglais, 13 seulement en français, et un dans les deux langues. De plus, les titres en anglais ne sont pas traduits en français (il en va de même des titres en anglais des 31 films sous-titrés en anglais). Quel beau programme pour nos amis anglo-québécois morts de rire, qui déjà sont choyés par les autres cinémas de répertoire et les divers festivals.
La CQ représenterait-elle un film japonais sans sous-titre? Un film grec sans sous-titres? Non. Mais elle présente 18 films en version originale anglaise sans sous-titres et sans doublage. Viendrait-il à l'idée de la CQ de ne pas traduire le titre d'un film allemand? Non. Mais elle fait une exception avec l'anglais. On s'est battu ici pour obtenir rapidement des versions françaises dans les salles commerciales, avec l'objectif bien terre à terre de protéger le français. Mais de cela la CQ n'a cure et fait quasiment comme si l'anglais avait ici un statut identique au français.
Le sous-titrage coûte de l'argent, le doublage encore plus, et la CQ n'est pas riche. Qu'à cela ne tienne, il existe déjà des versions doublées de la plupart des 22 films dont il est question plus haut, et si les réseaux de télévision peuvent se les procurer, je ne vois pas pourquoi la CQ ne pourrait faire de même. Mais c'est oublier que les puristes de la CQ abhorrent le doublage (leur rhétorique est bien connue: le doublage altère l'intégrité artistique d'un film). Ils font montre ainsi de leur peu de considération à l'endroit des unilingues francophones qui voudraient voir, comprendre et apprécier ces films, et qui, en outre, préfèrent le doublage au sous-titrage (c'est aussi le cas des 800 000 analphabètes du Québec).
Monsieur Robert Daudelin, nous voulons que la Cinémathèque québécoise soit française (ce serait une première en Amérique). De grâce, montrez-nous tous vos films en français.
Sylvio Le Blanc, Montréal, le 19 juin 1997
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Lettre de Robert Dolbec (Outremont) parue dans «La Presse», Éditorial, La boîte aux lettres, le vendredi 28 mai 1999, page B2.
Doublé au Québec?
"Tu as vu ce film en version française? Un film doublé? Quelle Horreur! Moi, je ne vois que des versions originales." Combien de fois ai-je entendu ce petit discours méprisant. Évidemment, si l'on maîtrise bien l'anglais. Mais si, comme moi, on n'est pas parfaitement à l'aise en anglais, le problème est différent. Certains films, comme ceux de Woody Allen, supportent mal le doublage, mais les films d'action, style «Indiana Jones», n'en souffrent pas beaucoup... à condition bien sûr que le doublage soit de qualité. Et c'est là le problème.
Depuis quelques années, on voit de plus en plus de films doublés au Québec. Trop. La qualité d'un doublage dépend de la qualité de la synchronisation, de la qualité de la traduction et, surtout, de la qualité des comédiens. On trouve évidemment quelques excellents comédiens ici, et aussi quelques moins bons... Je dis "quelques" parce que le Québec est petit, et que le bassin de comédiens y est assez réduit. Les doublages étant réalisés en français "international", langue qui n'est pas vraiment naturelle pour la plupart de nos comédiens, ça nous en laisse encore moins. C'est ainsi qu'on retrouve à peu près toujours les mêmes voix, même dans les rôles principaux, et que ces voix ne sont pas toujours celles de comédiens de talent. Il est d'ailleurs exceptionnel qu'on parvienne à réunir une distribution où tous les acteurs sont de niveau acceptable.
En France, par contre, on trouve un énorme réservoir de comédiens de talent; le français est vraiment leur langue maternelle et, s'ils viennent d'une région où l'accent est différent, ils trouvent normal de le perdre pour pratiquer leur métier (d'ailleurs, aucun Berrichon ne s'offusquerait du fait qu'on ne veuille pas d'un «Indiana Jones» à l'accent berrichon). Les films américains y prennent l'affiche beaucoup plus tard qu'ici: on prend le temps qu'il faut pour faire le doublage.
Quand un comédien devient la voix attitrée d'une vedette américaine, ce sera souvent à vie, et il ne doublera généralement pas d'autres vedettes. Je vous invite à écouter les voix françaises de Sean Connery, ou d'Eddy Murphy. Un plaisir... Écoutez maintenant leurs doublages québécois. Bon, ce n'est pas une catastrophe, mais je me dis parfois que, vraiment, je devrais améliorer mon anglais.
L'Union des artistes prétend exiger que le doublage de tous les films présentés ici soit fait ici. C'est absurde. Nous pouvons certainement en doubler correctement un certain nombre, mais pas tous. Ce serait nous condamner à la médiocrité. Accepteriez-vous que, sous prétexte de protéger l'industrie vinicole québécoise, on oblige les restaurants à ne servir que du vin québécois? Je suis cependant tout à fait d'accord avec l'une des demandes de l'Union des artistes: l'obligation d'afficher l'origine du doublage. Cela me permettrait de choisir plus facilement le moment où j'irai améliorer mon anglais.
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Lettre parue dans «Le Devoir», Idées, les samedi 12 et dimanche 13 juin 1999, p. A 11.
Doublage au cinéma :
La grenouille québécoise veut être aussi grosse que le bœuf français
Il y a quelques mois, l'Union des artistes (UDA), par la voix de son président, Pierre Curzi, s'en prenait à Mike Nichols, le cinéaste de Couleurs primaires, pour avoir fait doubler son film sur le Vieux Continent et non ici. Et ce, sans vérifier au préalable si Nichols savait que le français se parlait quelque part en Amérique du Nord.
Tout dernièrement, elle est revenue à la charge. Elle a lancé une campagne pour sensibiliser les Québécois à l'importance économique et culturelle du doublage (va pour l'importance économique, mais culturelle, je cherche).
Le but ultime de cette campagne? Convaincre les majors de doubler ici (parce qu'elles le font de moins en moins). Une des tactiques pour y arriver? Faire connaître à tous l'origine du doublage. On se demande bien en quoi cette tactique pourrait avoir quelque impact que ce soit puisqu'une seule version doublée est disponible pour un film donné (est-ce qu'un Québécois va s'empêcher de voir le dernier Spielberg parce qu'il a été doublé en France?).
J'aurais trouvé intéressante une campagne lancée par l'industrie du doublage, et appuyée par l'UDA, qui aurait garanti aux Québécois un doublage de première qualité. Une espèce de profession de foi, avec code déontologique en main. Bref, une campagne annonçant des changements d'importance derrière la caméra, ou plutôt derrière le micro. C'était se faire du cinéma. Ce qu'on veut uniquement, c'est des emplois pour les artistes et de l'argent pour les industriels.
Assurée du soutien tacite de l'UDA, notre industrie du doublage peut donc, avec impunité, continuer à doubler les films dans cette langue bâtarde et sans vie qu'on nomme «français international» ou «français normatif». Elle peut continuer à ignorer le joual dans les films (sauf dans les titres Clanche et Il faut clencher; incidemment, c'est «clanche» ou «clenche» qui est joual?). À faire parfois plus français que les Français (je ne compte plus les «va te faire foutre!», les «je t'emmerde!», les «espèce de con!», expressions que l'on sait typiquement québécoises). À utiliser la voix d'un seul et même acteur-doubleur pour doubler deux, trois, quatre ou cinq têtes d'affiche hollywoodiennes. À utiliser des acteurs-doubleurs aux voix caractérisées très connus du public (Harrelson-Flynt devient comique malgré lui quand la voix de Bernard Fortin – aperçu la veille dans La Petite Vie – est percée à jour). À mettre à l'avant-scène des acteurs-doubleurs sans expérience, dont le jeu, l'intonation et l'articulation sont déficients.
L'industrie peut continuer à rompre comme bon lui semble l'appariement d'un acteur avec un acteur-doubleur (un acteur qui a prêté sa voix à Laurence Fishburne dans Agent double n'a pas été rappelé pour doubler les Fishburne subséquents). À ne faire aucun effort pour dénicher des voix qui correspondent à celles doublées.
À ne pas savoir rendre crédibles les accents, «british» ou autres – ce que les Français font si bien. Elle peut continuer à s'enorgueillir de doubler un film pour 75 000 $, en deux semaines, comme s'il s'agissait de produire des saucisses de même consistance (comme si La Mince Ligne rouge pouvait être doublé aussi vite que Dracula, ce vieux cochon). Les Québécois, pense-t-elle, n'y voient que du feu.
Un doublage qui se respecte doit procurer l'illusion que les personnages parlent en direct dans une langue vivante, avec des voix assorties et exclusives. Ce que l'industrie française du doublage réussit généralement bien car elle est respectueuse des cinéphiles. Aidée en cela par un bassin d'acteurs-doubleurs très étendu et qui semblent tous nés, ma foi, pour faire ce métier.
En outre, du seul fait que la voix et la langue nous dépaysent, un film doublé en France renforce l'illusion qu'il est original; une distance s'instille, la magie opère. Aucun Québécois ne se surprendrait de voir un de ses compatriotes préférer le vin français au sien, la bouffe française à la sienne, les musées français aux siens, mais on taxe les partisans comme moi du doublage français de colonisés.
Il est un élément capital et incontournable que l'UDA et l'industrie québécoise du doublage n'ont jamais pris en considération: le plaisir du cinéphile. Si un doublage transmute un bon film en un mauvais film, je crie au scandale, même si cela a pour conséquence de nuire à l'industrie.
Je ne dis pas que notre doublage ne peut pas exister, mais il doit être remixé, codifié et d'une importance proportionnelle au marché qu'il dessert, c'est-à-dire modeste (n'oublions pas qu'un petit marché comme le nôtre n'aurait normalement que les moyens du sous-titrage).
En outre, il doit être complémentaire au doublage français et non réfractaire (demanderions-nous à nos éditeurs de traduire sans le concours des éditeurs français tous les romans en langues étrangères lus par les Québécois?).
Je ne dis pas que l'industrie doit faire usage du joual dans tous ses doublages, mais il doit certainement être très présent, et ce, parce que le joual est très présent au Québec. Et je dis sans ambages que notre industrie devrait s'abstenir dorénavant de faire certains doublages car c'est au-dessus de ses forces (entre autres, tout ce qui est british et, pourquoi pas, tout film coté de 1 à 3 par l'Office des communications sociales). Et il vaudrait peut-être la peine de créer une école du doublage, qui serait à la charge de l'industrie.
L'avenir du doublage québécois est sur la piste de l'humilité, de la vérité, de l'originalité et du professionnalisme. En faisant la sourde oreille au changement, l'industrie québécoise du doublage encourt l'extinction... de voix.
Sylvio Le Blanc
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Lettre parue dans «Voir Montréal», Courrier, le jeudi 15 février 2001, p. 5.
L'accent québécois de Juliette Binoche
Je suis allé voir le film «Chocolat», de Lasse Hallström, en version française. À ma grande surprise, j'ai constaté que Juliette Binoche et Leslie Caron ne s'étaient pas doublées elles-mêmes, et que les autres voix n'avaient pas l'accent français. (Binoche nous avait pourtant fidélisés avec «L'Insoutenable Légèreté de l'être», «Fatale» et «Le Patient anglais».) Amère conclusion: ce film avait été doublé ici et non en France.
Des critiques ont relevé l'incongruité langagière de cette œuvre dont l'action se situe dans un village français à la fin des années 50. Dans sa version originale, on y voit jouer en anglais des rôles de Français de souche par des acteurs britanniques, états-uniens, suédois et français, côte à côte. Bref, un melting-pot invraisemblable. En gommant cette invraisemblance, il est manifeste pour moi que le doublage donne une plus-value artistique au film (n'en déplaise aux puristes qui ne jurent que par le sous-titrage). À la condition cependant que le doublage en soit un en français de France, pardi!
Je ne sais pas qui chez les distributeurs a présidé à cette décision stupide de faire doubler ce film ici au lieu de nous donner à voir la version doublée en France, mais il est sûr que cet individu n'a pas réfléchi cinq secondes. Ou encore, il s'en foutait royalement: cette décision en étant une d'affaire, point à la ligne. Au diable les cinéphiles québécois! (La pilule est encore plus dure à avaler quand on sait que notre industrie du doublage est subventionnée.) Mais nos industriels du doublage auraient pu limiter les dégâts, par exemple, en recrutant tout ce que le Québec compte d'acteurs d'origine française. C'était trop leur demander.
Le doublage proprement dit de «Chocolat» est caractéristique de celui généralement produit au Québec: il est pauvre, sans relief et semble fait à la va-vite. La seule voix nette et crédible du lot est celle prêtée à Johnny Depp (d'aucuns argueront que l'acoustique du Dauphin a quelque chose à voir là-dedans). Je n'en dirai pas plus, sinon que le film a perdu de sa valeur, ce qui est pour le moins désolant.
Pour finir, j'adresse ce message aux acteurs de langue française (ce qui inclut les Québécois, bien entendu) qui tournent dans une autre langue que la leur: faites stipuler dans vos contrats que vos films distribués au Québec doivent être doublés par vous. De la sorte, on évitera de voir un jour Gérard Depardieu prêter sa voix à Bernard Fortin, et vice versa (imaginez «Vatel» doublé au Québec)!
Sylvio Le Blanc, Montréal, le 14 janvier 2001
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Lettre de Léo Guimont parue dans «Le Devoir», Éditorial, Lettres, le mardi 24 avril 2001, p. A 6.
Le doublage
L'Union des artistes manifestait récemment contre le doublage en France des films américains. S'il est vrai que l'argot français dans la bouche d'acteurs américains sonne bizarrement à nos oreilles, je trouve également qu'un gros accent québécois à couper au couteau n'est pas plus crédible ni agréable à entendre, par exemple dans la télésérie Ally McBeal, à un point tel que j'ai renoncé à écouter cette série en français tellement je la trouve mal doublée et horripilante à entendre.
Est-ce que les comédiens et comédiennes d'ici ne pourraient pas commencer par soigner leur diction de manière à parler un français international, intelligible et compréhensible par tous, y compris les Français, à l'instar de nos grands comédiens de la trempe de Gérard Poirier, par exemple?
La prononciation de trop d'entre eux est molle, sans vie et ça ne m'étonne pas que les Français n'en veuillent pas tellement c'est mal foutu.
Je comprends parfaitement qu'il faille protéger notre petit marché québécois et donner du travail à nos artistes, mais il faut, en contrepartie, que ces derniers nous donnent un produit de la meilleure qualité – on le mérite bien nous aussi, non? – et contribuent ainsi à rehausser le niveau de notre pauvre langue déjà si lamentablement parlée dans la plupart des médias électroniques.
Montréal, le 19 avril 2001
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Lettre de Yves Hamel parue dans «Le Devoir», Éditorial, Lettres, le mercredi 9 mai 2001, p. A 6.
L'UDA... deux poids, deux mesures!
Le lundi de Pâques, alors que je me rendais voir un film au cinéma Quartier-Latin, je suis arrivé face à face avec un groupe de manifestants devant le cinéma pour apprendre qu'il s'agissait de membres de l'Union des artistes, leur président Pierre Curzi en tête, qui s'opposaient au fait que le groupe américain Columbia faisait doubler en français, en France, les films destinés au marché québécois plutôt que de les faire doubler ici, au Québec, par des artistes de chez nous.
Puis, quelques jours plus tard, j'apprenais dans le journal que TVA avait décidé de ne plus faire doubler la télésérie Ally McBeal au Québec mais de diffuser désormais la version doublée en France. Or je n'ai pas entendu la moindre réaction et je ne crois pas non plus que les membres de l'UDA soient allés manifester devant les studios de TVA, boulevard De Maisonneuve. Ne serait-ce pas ce que l'on pourrait appeler du "deux poids, deux mesures" de la part de l'UDA?
Il m'apparaît beaucoup plus grave qu'un télédiffuseur d'ici, subventionné à tour de bras par Téléfilm Canada et la SODEC, prenne de telles décisions. Quel est le nombre de téléséries américaines diffusées par TVA-Quebecor qui sont traduites en France plutôt qu'au Québec? L'UDA s'en rend-elle compte? Et pourtant, ses membres préfèrent aller manifester contre une multinationale comme Columbia qui, de toute évidence, a pris une décision d'affaires sans vraiment connaître le marché d'ici, étant gérée par des Américains avec une vision qui se situe à mille lieues des préoccupations du Québec! Or le groupe TVA-Quebecor, ce sont des gens de chez nous qui le dirigent et qui préfèrent donner du travail aux Français plutôt qu'aux Québécois. Il me semble que c'est beaucoup plus grave, non?
Mais, au fait, vous êtes vous posé la question à savoir pourquoi les artistes de l'UDA, Curzi en tête, préfèrent manifester contre Columbia plutôt que TVA-Quebecor? C'est simple: ils ont peur des représailles de la part de TVA. Imaginez, la direction de TVA-Quebecor qui verrait Curzi devant ses studios pourrait ensuite décider qu'il ne fera plus partie d'aucun de ses téléromans... et la même chose pourrait arriver à bien d'autres membres parmi les artistes les mieux payés de l'UDA, beaucoup mieux, d'ailleurs, que ceux qui ne vont faire, occasionnellement de surcroît, des contrats de doublage ici et là, quand il y en a! Au fait, le slogan de TVA n'est-il pas justement "Le réseau d'ici"?
Montréal, le 28 avril 2001
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Lettre parue dans «La Presse», Forum, le mardi 5 juin 2001, p. A13.
Double-t-on mieux au Québec ? : NON
Un film mal doublé est un film perdu
Sylvio Le Blanc
(À Monsieur Benjamin Feingold, PDG, Columbia TriStar)
En avril, des membres de l'Union des artistes (UDA) du Québec ont manifesté et lancé à nouveau le slogan « On veut s'entendre ! » pour protester contre les politiques de doublage de la société que vous dirigez, Columbia TriStar. Ils demandent instamment à ce que vous fassiez doubler ici les films que vous nous destinez.
J'applaudis à votre décision récente de continuer à faire essentiellement doubler vos films en France, et de ne pas suivre la Warner qui, il y a deux ans, a cédé aux pressions de l'UDA, de l'industrie du doublage et du gouvernement québécois réunis. Si vos motivations relèvent de la comptabilité (car faire doubler le même film, à la fois en France et au Québec, vous coûte le double), les miennes sont d'ordres esthétique et culturel.
Pour justifier le doublage québécois, un porte-parole de l'UDA a déclaré récemment au National Post : « Québécois colloquialisms, slang, expressions and accents differ widely from those in France. When you put them side by side, it's obviously not the same language » Et le président de la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) y a quant à lui déclaré : « It's been proven that Quebec audiences prefer films dubbed in Québécois. » Faites-moi rire ! Saviez-vous, M. Feingold, que nos industriels du doublage sont en réalité les seuls au monde à doubler dans une autre langue que celle parlée par la population qu'ils desservent ? On l'appelle « français international » ou « français normatif » ou « français universel », bref une espèce de français aseptisé, édulcoré, proprement imbuvable, que personne ne parle (à part peut-être les ambassadeurs) et que plusieurs acteurs-doubleurs d'ici arrivent d'ailleurs mal à maîtriser. Qu'il s'agisse de doubler un truand de Harlem ou un truand de Wall Street, c'est du pareil au même, il faut l'entendre pour le croire.
Le responsable de la Commission de doublage de l'UDA a déclaré il y a trois mois : « On comprend désormais les Français de vouloir des films doublés dans une langue qui leur ressemble. » La question vous démange vous aussi M. Feingold : et la langue de doublage d'ici, pourquoi ne nous ressemble-t-elle pas ? Pourquoi se refuser ce qu'on trouve naturel chez les autres ? Le président de l'UDA a déclaré quant à lui : « On veut être respectés avec une culture spécifique (...) ». Mais pourquoi respecter une culture qui n'est spécifiquement pas la nôtre ? Tu parles, « On veut s'entendre ! ». Ce qu'on entend, c'est une langue qui n'est la langue de personne.
Il arrive que certains films soient doublés dans une langue qui nous ressemble, mais il s'agit presque toujours de comédies bébêtes, ce qui n'a rien de très glorifiant. Pourtant, nos cinéastes tournent dans cette langue séculaire et nos musiciens la chantent. Nous avons de grands dramaturges qui l'écrivent et qui font voir leurs œuvres à travers le monde (traduites, souvent, dans les « jouals » des pays qui les montent).
Certes, les films doublés en France le sont dans une langue qui diffère un peu de la nôtre par l'accent et par certains termes, mais nous la comprenons aisément et nous y sommes habitués. Jusqu'au début des années 1980, les doublages français de films ont été les seuls auxquels nous avions accès (nous avons ainsi vu plusieurs des plus beaux films qui existent, que l'on revoit encore aujourd'hui avec plaisir). Avant que l'UDA et les industriels du doublage ne partent en guerre contre le doublage français pour avoir leur part du marché, personne n'y trouvait à redire. La langue des doubleurs français nous semble vraie, vivante, en même temps qu'un brin dépaysante, ce qui ajoute à la vraisemblance.
Il est enrageant de constater chez l'UDA cette pitoyable dérive culturelle qui la fait promouvoir une langue bâtarde au détriment de deux langues authentiques (la nôtre et celle des Français), et aussi de la voir se faire l'écho d'industriels qui font défiler le texte et qui ne pensent qu'à leurs profits et pertes. Encore plus quand on sait que l'industrie est subventionnée à fond la caisse. En outre, il est déconcertant de voir l'UDA ne s'en prendre qu'aux majors. En effet, peu de temps après la manifestation de membres de l'UDA, le réseau de télévision TVA décidait de diffuser la version doublée en France de la série Ally McBeal au détriment de la version doublée ici, à la suite de nombreuses plaintes visant la piètre qualité du doublage québécois. Mais, cette fois, personne chez l'UDA n'a osé empoigner le porte-voix pour hurler « On veut s'entendre ! », de peur des représailles, vraisemblablement. C'est pour dire.
Mais quand bien même nos doubleurs prendraient la décision de doubler dans une langue qui nous ressemble, cela ne règle en rien le problème grave et pour tout dire insoluble que représente notre tout petit bassin d'acteurs-doubleurs. Alors que sur le Vieux Continent il est inépuisable, il n'est ici constitué en gros que d'une trentaine d'individus qui reviennent nous rebattre les oreilles d'un film à l'autre. (...)
De plus, nos industriels du doublage embauchent bien souvent des acteurs-doubleurs qui n'ont pas les qualités requises pour doubler. Et quand ils en dénichent un bon, ils lui font doubler à plein régime plusieurs têtes d'affiche. (...)
M. Feingold, il est heureux que vous n'ayez fait doubler Le Tailleur de Panama qu'en France. C'est un film merveilleusement doublé, et nos industriels auraient été incapables d'en faire autant. (...)
Vous qui pensez business, M. Feingold, soyez rassuré pour l'avenir. Vos films qui remportent du succès dans le monde en remportent de même ici, et leur doublage en France n'y change rien. Cela étant, pourquoi dépenser 75 000 $ de plus pour faire doubler un film ici? (...)
Vu leur mépris affiché des Québécois, nos médiocres doubleurs ne méritent pas que leurs affaires fleurissent. Malheureusement, des emplois seront perdus, mais le septième art, lui, sera bien servi. Pour moi, un film mal doublé est un film perdu.
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Article de Maritza Bossé-Pelchat paru dans le journal étudiant «Montréal Campus», Culture, le 10 octobre 2001, p. 17. Avec illustration (caricature).
L’industrie du doublage au Québec
Chasse gardée?
Ils prêtent leur voix à Tom Cruise, Russel Crowe ou à l’un des Télétubbies. Si certains comédiens-doubleurs de la colonie artistique québécoise ne chôment pas, d’autres se font moins entendre. Manque de volontaires ou cercle fermé?
«Ce sont toujours les mêmes doubleurs d’un film à l’autre», déplore le détenteur d’une maîtrise en cinéma à l’Université de Montréal, Sylvio Leblanc. Selon lui, seule une trentaine de comédiens se répartiraient les rôles à doubler. Et il n’est pas le seul à penser ainsi. Le manque de diversité dans le choix des doubleurs et la surexposition de certains sont les reproches les plus souvent adressés à l’Union des artistes (UDA). Pourtant, d’après le responsable de la Commission du doublage au Québec, Sébastien Dhavernas, «ce domaine est l’un des rares où il n’y pas de star system».
Plusieurs considèrent que le doublage au Québec constitue une véritable chasse gardée. Jeune comédien de 27 ans et passionné du doublage, Martin Watier reconnaît qu’il existe une clique dans ce domaine et avoue même faire partie du groupe qui compte une cinquantaine de comédiens. Le doubleur de Mark Walbergh dans Nuits endiablées de Ryan Phillipe dans Pari cruel et de Freddy Prinze Jr dans Elle a tout pour elle, estime que le phénomène ne diffère pas des autres industries telles que la télévision et le cinéma, où les mêmes têtes reviennent souvent. Martin Watier, apparu au petit écran dans Zap et dans Watatatow, confie avoir la piqûre pour le doublage. Il a même déjà refusé de jouer dans des courts et longs métrages, afin de prêter sa voix à des acteurs étrangers. L’artiste ajoute que le salaire rend le métier très attrayant et que rares sont ceux qui le boudent. Assistante de Chantal David à l’agence artistique du même nom, Christine Charbonneau affirme qu’un doubleur gagne 6,50 $ par ligne ou 105 $ l’heure. Elle estime que les comédiens ne sont jamais perdants: «C’est le plus payant qui l’emporte.» Le coordonnateur à la maison de doublage Cinélume, Vasko Nicolov souligne que la paie peut être très élevée au bout du compte. «Un rôle-titre dans un film comme Fight Club peut contenir jusqu’à 800 lignes.»
Selon l’UDA, 500 comédiens québécois gagneraient leur croûte avec le doublage et environ la moitié d’entre eux tireraient une part importante de leurs revenus en prêtant leur voix aux acteurs étrangers. Mais plusieurs parmi ceux-ci s’y consacreraient qu’occasionnellement, même une seule fois par année. «Certains comédiens ne font du doublage que s’ils n’ont pas d’autres obligations ou pour boucler les fins de mois», souligne Martin Watier.
Doubleurs d’expérience
Si dans les années 1980 la traduction des films pouvait s’étaler sur huit semaines, aujourd’hui, les adaptateurs n’ont plus que trois ou quatre jours pour effectuer la tâche. D’après Matthieu Roy-Décarie, les maisons de doublage font donc plus souvent appel aux mêmes comédiens. Par conséquent, les gens d’expérience comme Gilbert Lachance, Alain Zouvi, Vincent Davy, Sébastien Dhavernas, Yves Corbeil et Bernard Fortin sont souvent sollicités. Vasko Nicolov ajoute que la gent masculine ne chôme pas, car «le nombre d’acteurs américains entre 25 et 40 ans dépasse celui des voix masculines québécoises».
Nonobstant le nombre limité de comédiens, les directeurs de plateau accordent habituellement une importance prioritaire à la continuité des voix attribuées aux acteurs étrangers. Par exemple, Gilbert Lachance double tous les films auxquels participent Tom Cruise, Matt Damon, Johnny Depp et Chris Tucker, tandis que Claudie Verdant double les productions mettant en vedette Julia Roberts, Meg Ryan et Kim Basinger. «Il y a des acteurs auxquels on s’attache, affirme Martin Watier. En incarnant toujours les mêmes personnages, on en vient à connaître leurs tics, leur sensibilité, leur psychologie.»
Malgré ce favoritisme de la part des directeurs de plateau, 40 nouvelles voix viennent annuellement renflouer le bassin de comédiens-doubleurs. Le Conservatoire d’art dramatique de Montréal est l’un des rares établissements qui offre la formation au Québec. Strictement réservé aux membres de l’UDA – car l’apprenti doit déjà être comédien – l’enseignement se déroule sur cinq semaines. Mais d’après Sébastien Dhavernas, le talent de doubleur n’est pas donné à tous. «Plusieurs comédiens se démarquent à la télévision et au cinéma, mais ne maîtrisent pas la technique du doublage.» Il souligne que ce genre de travail ne convient pas aux gros ego, car l’artiste doit se «fusionner avec l’image et se faire oublier». Martin Watier se rappelle qu’à ses débuts, il y a sept ans, «on voyait les comédiens-doubleurs comme des gens qui n’avaient pas réussi à percer à l’écran. Une sorte de snobisme existait à leur endroit.» Il considère toutefois que l’optique a changé depuis quelques années. «Faire du doublage est devenu un choix et non plus une sortie de secours.»
Secteur en essor
«L’industrie est en santé», affirme d’une voix assurée Sébastien Dhavernas. Le domaine du doublage génère un chiffre d’affaires annuel de 19 millions $ au Québec et, durant la semaine cinématographique qui s’est terminée le 21 juin 2001, 65 % des productions à l’affiche ont été doublées ici. Mais plusieurs croient que le Québec ne sait pas tirer son épingle du jeu. Détracteur du doublage québécois, Matthieu Roy-Décarie pointe l’industrie du doigt: «Je n’en ai pas contre nos comédiens, mais bien contre l’industrie en général, qui se contente de faire rouler une business et ce, au détriment de la qualité.» Sylvio Leblanc est beaucoup plus acerbe dans sa critique. «On fait dur c’est terrible», lance cet autre pourfendeur de l’industrie. Selon lui, les doubleurs québécois ont toujours la même intonation et ne s’adaptent pas aux rôles qu’ils interprètent. Il met d’ailleurs en doute la crédibilité des personnages doublés par Bernard Fortin, dont il identifie facilement la voix. «Pour moi, reconnaître un comédien, c’est catastrophique, je perds toute la magie du film.»
Le choix du français utilisé vient également diviser les points de vue. Pour sa part, Matthieu Roy-Décarie accuse l’UDA de faire usage d’une langue aseptisée. «Le français international est un langage neutre, technique et sans âme». Sylvio Leblanc partage cet avis et soutient que l’Hexagone propose un parler argotique beaucoup plus coloré et vivant. «Ici, les doubleurs parlent en joual le soir et en cul-de-poule lorsqu’ils doublent. Ce n’est pas naturel et ça se sent», déplore-t-il. L’organisation artistique croit plutôt que la langue utilisée convient à la clientèle nord-américaine à laquelle elle s’adresse. Dans une lettre qui se voulait une réplique aux critiques de Sylvio Leblanc, Sébastien Dhavernas admettait qu’une langue plus québécoise serait parfois de mise, mais laquelle, se demande-t-il: «Celle de Tremblay, des journalistes de Radio-Canada, des Gaspésiens, de Jean-Louis Roux?»
France ou Québec?
Pour régler le problème, Sylvio Leblanc estime que le Québec devrait abandonner le doublage en raison de sa piètre qualité. «On ne l’a pas du tout et ça ne serait pas malheureux de perdre complètement l’industrie au profit de la France.» Moins drastique, Matthieu Roy-Décarie pense «qu’il faudrait agrandir le bassin de comédiens-doubleurs, offrir une meilleure formation, en faciliter l’accès aux minorités ethniques et faire un choix clair sur l’utilisation de la langue». Avant tout, il soutient que l’UDA devrait davantage se questionner sur la situation, car selon lui, ce n’est pas pour la qualité que les Américains doublent au Québec, mais bien pour l’économie de temps et d’argent.
Le responsable de la Commission du doublage demeure très optimiste et s’évertue à clouer le bec à ceux qui critiquent l’industrie. «La majorité des cinéphiles et des gens du domaine sont en faveur du doublage québécois. Les autres font une croisade personnelle et avancent des arguments déraisonnables.» Selon lui, tout ce qui manque à l’UDA c’est un coup de pouce du gouvernement, qu’il juge un peu mou en matière de législation. L’organisation souhaiterait que Québec adopte un décret semblable à celui de la France, qui stipule que tous les films en circulation dans les salles de cinéma françaises doivent être doublés dans un studio établi au pays ou dans un autre État de l’Union européenne. Cette loi permettrait de fortifier l’industrie québécoise, qui doit composer avec la concurrence française.
D’après Sébastien Dhavernas, une telle législation ferait en sorte d’augmenter considérablement le nombre de doublages québécois et, du même coup, les emplois reliés à l’industrie. Sylvio Leblanc ne croit toutefois pas que cette loi réglerait le problème de la surexposition. «Il y aurait plus de films doublés ici mais pas plus de doubleurs. Tout ce que ça va changer, c’est que les mêmes reviendront nous rabattre les oreilles plus souvent.»
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Lettre de Jason Desroches parue dans «La Presse», Forum, La boîte aux lettres, le vendredi 28 décembre 2001, p. A14.
Un effet pervers
En lisant les pages cinéma de ce journal, on s'aperçoit que le doublage québécois a remporté la victoire et ce, sans doute au détriment des spectateurs d'ici. Presque tous les films américains à l'affiche sont désormais traduits ici, d'où les " v.f.Q " à la fin des critiques. Mon but n'est surtout pas de dénigrer le travail louable des acteurs d'ici car je reconnais la qualité du doublage qu'ils font ainsi que le langage utilisé (quoique le français de Téléjournal ne se prête pas à toutes les sauces).
Ce que je déplore, c'est plutôt le fait que ce soit toujours les mêmes voix d'un film à l'autre. Qui, hormis les ténors de l'UDA, se plaignait du statu quo ? Exiger que tout soit doublé au Québec me paraît inutilement protectionniste et je m'inquiète d'une telle petitesse sur le plan culturel. Allons-nous maintenant exiger une traduction propre au Québec pour toutes les téléséries ? Les romans ? Devant un nombre si restreint de voix pour tous les films doublés, je crois que plusieurs spectateurs délaisseront carrément les versions doublées en français. Bel effet pervers d'une revendication qui se voulait fièrement québécoise !
Montréal
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Lettre parue dans «Le Devoir», Éditorial, Lettres, le mercredi 14 août 2002, p. A 6.
Artv ou la contradiction faite art
Artv me fait bien rire. Cette chaîne était toute fière de présenter il y a quelques mois l'oscarisé La vita è bella (La vie est belle), réalisé et interprété par Roberto Benigni, et n'a pas lésiné sur les moyens pour nous faire savoir qu'il s'agissait de la version originale italienne sous-titrée en français, préférant ignorer la superbe version doublée en France (Benigni est réputé aussi dur à doubler que Woody Allen et l'acteur français qui relève le défi depuis des années est tout simplement extraordinaire). Artv, une chaîne puriste?
Quelle ne fut pas ma surprise de constater que cette même chaîne présentait le dimanche 11 août, à 13 h, un film aux antipodes du premier: Passion in the Desert (Passion dans le désert), avec Michel Piccoli, non pas dans sa version originale anglaise sous-titrée en français, cette fois, mais plutôt dans sa version doublée en français, et pas n'importe quel doublage mais celui fait au Québec.
J'ai alors compris que Artv n'était pas la chaîne puriste que l'on croyait, car il est inadmissible de présenter un film dans lequel un acteur français que nous connaissons bien est doublé par un Québécois. Il faut l'entendre pour le croire. Est-ce à dire que Michel Piccoli a refusé de se doubler? Non. Piccoli, qui aime et pratique le doublage (il a entre autres doublé Donald Sutherland dans le Casanova de Fellini), l'a fait, ce doublage, mais pour l'Europe (Piccoli n'a pas à se doubler en double), et cette version, Artv nous l'a refusée.
Cela n'est pas une première. Gérard Depardieu, Vincent Perez et Juliette Binoche ont entre autres été doublés par des Québécois, alors que ces voix nous sont familières depuis des lustres.
Les chaînes de télévision doivent tenir compte du volet doublage au moment de présenter un film et déterminer, des versions doublées disponibles, laquelle est la meilleure. Artv aurait pu suivre l'exemple de TVA avec Ally McBeal, de TQS avec Dolores Claiborne (présenté le 10 août) et de Historia avec Birdy (présenté il y a quelques semaines).
J'ai vu déjà à la télévision leurs pendants à chacun doublés au Québec et la chose est évidente pour toute personne ayant un tant soit peu de sens critique et de goût: la version doublée en France est nettement supérieure à l'autre.
De grâce, quelque chaîne de télé que vous soyez, ne présentez pas Chocolat (et Juliette Binoche) doublé au Québec, comme cela a été fait en salle. Un doublage qui a fait écrire à Matthieu Roy-Décarie, un directeur de plateau de doublage pendant quelques années au Québec: «On ne double pas Juliette Binoche par quelqu'un d'autre! Ça ne se fait pas, point à la ligne! Et on ne double pas un film qui se passe dans un petit village français par des acteurs vaguement québécois.»
Sylvio Le Blanc, Montréal, le 12 août 2002
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Lettre parue dans «Le Soleil», Carrefour des lecteurs, le jeudi 16 janvier 2003, p. A 16.
Chapeau à la SRC et à ARTV !
La SRC a présenté le 3 janvier La vie est belle de Roberto Benigni dans sa superbe version doublée en France (avec un minimum de pauses publicitaires judicieusement introduites) deux jours après qu’ARTV, elle, l’ait présenté dans sa version originale sous-titrée en français. Les deux chaînes ont ainsi pu contenter un grand nombre de téléspectateurs, sauf les non-câblés à ARTV qui auraient préféré voir le film dans sa v.o. sous-titrée et, bien entendu, les aficionados du doublage québécois (je n’en dirai pas plus).
Quand les chaînes de télé font un bon coup, il faut le mentionner. Je dis bravo.
Sylvio Le Blanc, Montréal, le 4 janvier 2003
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Lettre parue dans «Métro (Montréal)», page des lecteurs, courrier, le mercredi 12 février 2003, p. 23.
Le Chicago doublé au Québec est ridicule
J’ai sursauté en entendant des chanteurs québécois doubler les chansons originales du film Chicago. Moi qui croyais cette pratique révolue depuis des lustres. Selon Manuel Tadros (l’adaptateur), «il s’agirait même de la première comédie musicale adaptée en français depuis l’époque de La Mélodie du bonheur (1965) et de Mary Poppins (1964)». On semble fier de ce retour en arrière. Alors que, par souci d’économie, notre petite industrie du doublage utilise toujours les mêmes acteurs-doubleurs et se plaint de n’avoir jamais assez de soutien des autorités gouvernementales, voilà qu’elle dépense quelques milliers de dollars pour doubler des chansons originales (pour un film non destiné aux enfants, précisons-le). Va comprendre qui pourra!
Bien que chaud adepte du doublage cinématographique, dans une comédie musicale, j’ai toujours préféré entendre les chansons originales et les lire sous-titrées en français (comme dans Opera do Malandro, de Ruy Guerra), pour la raison qu’il est pour ainsi dire impossible de doubler convenablement un chanteur, l’opération se traduisant par un asynchronisme quasi constant du mouvement des lèvres et du texte entendu. Le résultat est toujours médiocre, souvent ridicule. Et le Chicago québécois n’y échappe pas.
Pour ne rien arranger, plusieurs acteurs sont doublés chacun par plus d’un doubleur. Prenons l’exemple de Richard Gere, d’abord doublé par Hubert Gagnon (voix familière s’il en est, prêtée aussi à Homer J. Simpson, Mel Gibson, Robert De Niro, Sir Anthony Hopkins, Christopher Walken, Dennis Quaid, Jeff Bridges, John Goodman, Patrick Stewart, Steven Seagal, Rene Kirby, Danny Green, Michael Shamus Wiles, Michael McShane, Philip Baker Hall, Chaînon, Optimus Primo, Météorite) pour les dialogues, puis par Robert Marien pour les chansons. Idem pour Renee Zellweger et Catherine Zeta-Jones. Bref, six voix pour trois personnages, qui vont et viennent.
Sur un autre registre, comme le doublage québécois semble vouloir perdurer, je donne le conseil suivant aux décideurs de l’industrie : faites prononcer dorénavant à vos doubleurs les noms propres à la «franglaise» et non à l'anglaise. Dans Chicago, les noms «Roxie Hart», «Amos Hart», «Mary Sunshine» prononcés à plusieurs reprises à l’états-unienne sont autant de coups de dague portés à la magie du doublage, car il n’y a rien de plus sûr que ce détestable procédé pour nous rappeler que la langue de base utilisée dans le film n’est pas le français. Cela, les Français l’ont compris depuis toujours, mais ici, nos doubleurs veulent tellement se singulariser qu’ils en prennent des décisions contraires au bon sens.
Sylvio Le Blanc, Montréal, le 2 février 2003
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Lettre parue dans «Métro (Montréal)», page des lecteurs, courrier, le jeudi 29 mai 2003, p. 27.
Musimax fait affront aux cinéphiles et aux francophones
Le 24 mai en soirée, Musimax a présenté «Evita», le film d’Alan Parker, dans sa stricte version originale anglaise. N’est-ce pas un affront infligé à ses téléspectateurs francophones, quand on sait que les versions doublée et sous-titrée en français existent? La chaîne, qui se fait le servile porte-voix de nos voisins du sud, ne rate pourtant pas une occasion de nous servir les plus plates interviews en anglais sous-titrées en français. Mais quand il s’agit d’un bon film…
Je suis convaincu qu'une majorité de téléspectateurs aurait aimé lire les textes des chansons sous-titrés en français, pour les bien comprendre. Et entendre Madonna ou Banderas parler français aux Argentins n’aurait pas été plus curieux que de les entendre le faire en anglais. (Mal pris, ma foi, on aurait même été prêts à prendre la version doublée au Québec, mais elle n’existe pas.)
Après avoir fait affront aux francophones, Musimax a fait ensuite affront aux cinéphiles en introduisant indécemment une centaine de messages publicitaires (vous avez bien lu) tout au long du film, brisant tout intérêt. (N.B. : Les messages publicitaires étaient, eux, en français.)
Décidément, «Musimin» est une dénomination qui siérait mieux à la chaîne : «min» pour minimum, minus, minable.
Sylvio Le Blanc, Montréal, le 25 mai 2003
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Lettre parue dans «Voir Gatineau / Ottawa», Courrier, le jeudi 5 juin 2003, p. 3.
«Finding Nemo» ou «Trouver Nemo»? Ellen DeGeneres ou Anne Dorval?
À l’occasion de la sortie du film «Trouver Nemo», version française de «Finding Nemo», plusieurs critiques de cinéma francophones ont pris la peine de préciser que Ellen DeGeneres, Albert Brooks, Alexander Gould, Geoffrey Rush, Willem Dafoe, Erica Beck, avaient prêté leur voix aux personnages de dessin animé du film, et pris la peine aussi de commenter leur performance, tout en sachant pertinemment que leurs lecteurs iraient en majorité voir la version française (faite au Québec, incidemment). L’un d’eux y est même allé d’une interview avec Ellen DeGeneres. Diantre! pourquoi pas plutôt avec Anne Dorval, son vis-à-vis québécois?
Pour le lecteur de journaux francophones moyen, non abonné à «The Gazette», il importe peu de savoir que DeGeneres a fait un doublage états-unien extraordinaire, en revanche, compte tenu de son intérêt pour la version française, il veut en savoir plus sur la performance de Dorval. Les acteurs-doubleurs québécois sont certes moins connus que les stars DeGeneres, Brooks, Rush et Dafoe, et font en conséquence vendre moins de copies, mais, en l’occurrence, ce sont les voix des premiers qui seront entendues, et pas les autres.
Ce n’est pas une première. Par le passé, nombre de critiques francophones se sont fait un point d’honneur d’indiquer que Tom Hulce avait doublé tel personnage de dessin animé, Mel Gibson tel autre, James Earl Jones et Michael J. Fox tels autres. Je peux comprendre qu’on le fasse pour le bénéfice des Néerlandais, vu qu’ils voient des films sous-titrés, mais pour la majorité des spectateurs francophones, c’est superflu, et, en outre, vexant.
Car cette pratique, en apparence anodine, en est une en réalité de mépris et de déni, et concourt à développer un sentiment de culpabilité chez des spectateurs francophones, qui en viennent à s’en vouloir de ne pouvoir «appréhender la richesse» de la version originale souvent encensée et publicisée. Sentiment renforcé par la position inébranlable du collègue de travail ou du beau-frère qui ne jure que par les versions originales anglaises, lève le nez sur toute version doublée et te plaint de ne pas penser comme lui.
Il est regrettable qu’un si grand nombre de critiques voient exclusivement les versions originales anglaises alors qu’ils bossent pour des lecteurs, qui, eux, voient majoritairement les versions françaises. Voilà pourquoi se prononcent-ils rarement sur la qualité d’un doublage. N’ont-ils pourtant pas le devoir de faire le «tour complet» d’un film, et aussi de faire se développer chez leurs lecteurs un sens critique relativement au doublage, cette composante du cinéma incontournable au Québec?
Accessoirement, cela aurait des effets positifs sur l’industrie québécoise du doublage, qui, aujourd’hui, voyant qu’on ne lui prête guère attention, fait trop souvent son travail comme elle l’entend et à la va comme je te pousse.
Sylvio Le Blanc, le 1er juin 2003
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Lettre parue dans «Voir Montréal», Courrier, le jeudi 26 juin 2003, p. 7.
La Cinémathèque et le doublage
Dans le programme estival de la Cinémathèque québécoise, en faisant abstraction des films d’animation et des productions télévisuelles, j’ai remarqué que 48 des films présentés sont en anglais (version originale anglaise, version muette avec intertitres anglais, versions autres que françaises avec sous-titres anglais). Quelle belle partie de programme pour nos amis anglo-québécois morts de rire qui sont déjà choyés par les autres cinémas de répertoire et les divers festivals. Pour une cinémathèque supposée être française, il faut quand même le faire.
Ma seule consolation est que Robert Boivin, le nouveau directeur général, a programmé sept films doublés en français. Enfin quelqu’un à la Cinémathèque qui comprend que le doublage cinématographique, qui existe depuis les années 1930, fait partie intégrante de l’histoire du cinéma, et qui a peut-être lu: «Les plus réticents au principe même du doublage sont attendris de retrouver, dans les versions françaises de Laurel et Hardy, l’accent anglais caricatural qu’on leur a donné autrefois…» Un petit pas fait dans la bonne direction (je dis «petit» car plusieurs des 48 films présentés en anglais ont déjà été doublés en français).
Sylvio Le Blanc, le 22 juin 2003
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Lettre parue dans «Le Devoir», Éditorial, Lettres, le mardi 22 juillet 2003, p. A 6.
Un oubli: le doublage d'«Orgueil et préjugés»
Il ne manquait qu'une chose à la bonne critique de Martin Bilodeau parue dans le dernier Agenda culturel du «Devoir» concernant la minisérie «Orgueil et préjugés», diffusée en six épisodes par la puriste Artv (qui préfère les versions sous-titrées à celles doublées) depuis le 13 juillet, et c'est la mention de la qualité exceptionnelle du doublage français, qui privilégie un accent et une langue précieux, rendant bien le charme suranné de cette œuvre britannique pour les téléspectateurs francophones.
Je connais des gens bilingues qui ont vu à la fois la version originale anglaise (rediffusée par la chaîne A&E il y a environ un an) et la version doublée, et qui ont préféré cette dernière, c'est tout dire.
J'en suis convaincu, voilà un doublage que nous n'aurions pu produire ici.
Sylvio Le Blanc, Montréal, le 16 juillet 2003
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Réplique parue dans «Le Devoir», Éditorial, Lettres, le lundi 18 août 2003, p. A 6.
Pour le meilleur des doublages
Dans «Le Devoir» du 13 août, Mario Desmarais félicite la Paramount d'avoir fait en sorte que la version française du film «The Hours» disponible sur VHS et sur DVD depuis le 24 juin, soit celle que les Québécois ont vue en salle, à savoir celle doublée au Québec. Et veut que cette manière de procéder devienne la règle chez les «majors».
Contraintes par la loi de sortir ici leurs versions françaises dans des délais impartis, les «majors» doivent faire avec le doublage québécois (car souvent, en France, les films ne sont pas encore sortis).
Mais, au moment de rendre disponibles les formats VHS et DVD, les deux sont dans la course.
Ayant à trancher, les «majors» doivent impérativement opter pour le meilleur doublage (à valeur égale, celui québécois pourrait être privilégié), l'art devant être bien servi d'abord, et non l'intérêt de l'un ou de l'autre.
Pour M. Desmarais, qui est du milieu, il importe peu que le doublage concurrent français puisse être meilleur. Mais il en va autrement pour les cinéphiles québécois, qui veulent entendre le meilleur doublage disponible, pour leur plaisir, point à la ligne.
Si M. Desmarais et ses collègues de Technicolor S.C.C. croient vraiment en leurs moyens, ils n'ont pas à craindre la concurrence. Mais nous pouvons craindre le pire si la pratique tant souhaitée par M. Desmarais devient la règle.
Pour finir, je dis sans détour à M. Desmarais que si nous n'avions pas le doublage français au Québec, nous serions bien malheureux. Ce serait comme le Québec sans la France, en quelque sorte.
Sylvio Le Blanc, Montréal, le 14 août 2003
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Lettre parue dans «La Croix» (France), Forum, Courrier, le lundi 26 janvier 2004, p. 27.
Doublage
Certains semblent déplorer le fait que le film « The Statement » (« Exposé »), de Norman Jewison, ait été tourné en anglais, bien que les lieux, le contexte, le sujet et les personnages principaux soient tout ce qu’il y a de plus français. Pourtant, cette pratique des Anglo-Saxons, qui font d’abord des films pour leur public, est courante et aussi vieille que Hollywood. La langue au cinéma est souvent une convention assumée. Cela est exposé le plus simplement du monde dans «À la poursuite d’Octobre rouge», de John McTiernan. On y voit d’abord un commandant russe (Sean Connery) converser en russe avec d’autres officiers russes, puis, subitement, ils passent à l’anglais, comme pour nous dire : « Voilà, vous savez comme nous que les Russes parlent russe, mais pour vous faciliter la vie durant ce film nous allons les faire s’exprimer en anglais. » Je ne reproche pas à Jewison, Lantos et Cie d’avoir tourné « The Statement » en anglais. Ce que je déplore en revanche, c’est que des francophones aillent voir ce genre de film dans sa version originale, alors que la version doublée existe. Surtout que le doublage français gomme l’incongruité langagière de la version originale. […]
Autant ici, au Québec, qu’en Europe, bien des critiques et des conservateurs de cinémathèque ne jurent que par la version originale, nous incitant par cela même à baisser la garde face à ceux qui produisent le plus de films au monde, j’ai nommé les Anglo-Saxons, morts de rire, qui n’en demandaient pas tant. Alors qu’aux États-Unis, on fait généralement d’un film étranger qui marche un remake qui fera le tour du monde.
Sylvio Le Blanc, Montréal, le 2 janvier 2004
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Lettre parue dans «Le Devoir», Éditorial, Lettres, le mardi 13 avril 2004, p. A 6.
Le doublage plus séduisant que le sous-titrage
«Seducing Doctor Lewis» («La Grande Séduction») a été lancé dernièrement dans les salles du Canada anglais, ce qui a amené le commentaire suivant de La Presse canadienne: «Le film sera sous-titré, un obstacle traditionnel qui effraie le grand public et confine souvent les films aux salles de répertoire.»
En effet, le grand public n’aime pas les sous-titres, qui le détournent de l’essentiel, à savoir l’image, avec tout ce qu’elle renferme (le jeu multiple des comédiens, les mouvements de caméra, la palette des couleurs, les décors, etc.). Des sous-titres qui appauvrissent aussi le texte (qui n’est jamais pleinement rendu par ceux-là) et qui, pour finir, balafrent l’image.
Et, pour ne rien arranger, entendre parler joual fera fuir plusieurs Canadiens anglais, qu’ils y entendent quelque chose ou pas (on nous aime tellement dans le ROC, surtout depuis le scandale des commandites).
Une solution? Oui. Nous devrions cesser de jeter notre argent par les fenêtres en subventionnant le doublage de films étrangers qui nous sont destinés et qui sont de toute façon doublés en France, et l’investir plutôt dans le doublage de nos propres films afin de les aider à percer les marchés étrangers (comme avec «La Guerre des tuques»). Nous ne perdons pas uniquement au box-office en ne le faisant pas, mais ailleurs aussi, comme dans l’industrie touristique (pensez aux attractifs paysages du film vus par des touristes en puissance).
Pendant que «La Grande Séduction» sera vue par une minorité de personnes au Canada anglais et partout dans le monde dans sa version sous-titrée, Hollywood va probablement entreprendre des démarches pour en faire un «remake», qui sera tourné sur quelque île idyllique états-unienne, puis sera vu partout dans le monde dans sa version originale anglaise et dans ses versions doublées française, espagnole, italienne, allemande. Un «remake» qui fera probablement un tabac (comme bien d’autres avant lui). Pas fous les «Amaricains»!
Défendre et prôner le sous-titrage, c’est faire l’affaire des grands «dominateurs» culturels, qui, eux, savent y faire. Il faut pouvoir, dans la mesure de nos moyens, les concurrencer sur leur propre terrain.
Le sous-titrage est un pis-aller, nécessaire seulement quand le film est trop pauvre pour se payer un doublage.
Sylvio Le Blanc, Montréal, le 4 avril 2004
Lettre aussi parue dans «Voir Gatineau / Ottawa» et sur le site web «Le Québécois», avec des variantes.
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Lettre parue sur le site web du journal français «Le Parisien», Forums, Les internautes ont la parole, le mercredi 12 mai 2004.
«La Grande Séduction» sous-titrée. Pourquoi pas?
On a fait écho ici au Québec des propos du journal français «Le Parisien», qui a estimé que le film québécois «La Grande Séduction», projeté actuellement en France, pâtissait «à plusieurs reprises d’un accent particulièrement appuyé qui gêne la compréhension».
Je saisis mal la raison pour laquelle ce film n’a pas été sous-titré pour le bénéfice de nos cousins français. Quand on a l’opportunité de montrer un bon film, il faut tout mettre en œuvre pour en faire goûter toute la richesse. Et rien de tel pour nous rapprocher et nous renforcer face à l’anglais envahissant.
Si le chef-d’œuvre de Pierre Perrault et de Michel Brault – «Pour la suite du monde» – n’avait pas été sous-titré en français pour l'Europe, on n’aurait peut-être pas pu lire dans «Les Lettres françaises» du 9 avril 1964, sous la plume de Michel Mardore, ce qui suit : «L’écrivain Pierre Perrault, spécialiste des folklores, intéressa le cinéaste Michel Brault (connu en France surtout pour sa collaboration avec Jean Rouch) au sort privilégié d’une île située dans l’estuaire du Saint-Laurent, l’île aux Coudres. Ses habitants, en dépit de contacts normaux avec la civilisation du XXe siècle ont conservé intactes des traditions, une langue et surtout une « vision du monde » qui remonte à la découverte de cette île par Jacques Cartier, au XVIe s. (…) Nous voyons par conséquent, dans sa pleine existence biologique, une authentique civilisation « disparue » comme on pouvait en trouver en Afrique ou en Amérique latine. L’idée d’une sérénité des choses et de la transmission à l’infini des traditions, constitue la clé de ce monde et du film qui le représente avec une sensibilité et une intelligence exceptionnelles. Le titre, si admirablement faulknérien, s’inspire d’une phrase prononcée par l’un des protagonistes. Il dit tout.»
«Gumb-oh! La! La!», cette série documentaire portant sur les Louisianais états-uniens d’expression française, aurait été difficile d’accès aux Québécois si elle n’avait pas été sous-titrée en français. Cette problématique ne concerne pas que les francophones. Il arrive par exemple aux Britanniques de sous-titrer leurs propres films (nombre de ceux d'Écosse, en l’occurrence).
Pour finir, bien que chaud adepte du doublage, dans le cas qui nous occupe, il n’y a pas d’autre alternative que le sous-titrage. Se doubler mutuellement nos films dans la grande famille de la francophonie mondiale, serait nous faire insulte.
Sylvio Le Blanc, Montréal, le 12 mai 2004
Lettre aussi parue dans «Le Journal de Saône-et-Loire» (France) – ainsi que sur son site web –,
avec des variantes.
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Commentaires de Mathias parus sur le site web du journal «Le Parisien» (France), le lundi 24 mai 2004.
Un bijou !
C'est vrai qu'au début du film, l'accent des acteurs est parfois dur à comprendre. Mais on s'y fait très vite !
Peut-être effectivement qu'une version sous-titrée aurait pu être envisagée.
En tout cas, ce film est un bijou ! Dommage qu'il ait été retiré des écrans si vite ! Malheureusement il fallait libérer des écrans pour un navet nommé "Kill Bill" !
Enfin, continuez chers cousins de nous faire rire avec des films comme "Bienvenue à Sainte-Marie la Mauderne" ! Cela fait un bien fou !
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Commentaires de fingourmet parus sur le site web du journal «Le Parisien» (France), le lundi 31 mai 2004.
«La Grande Séduction»
On s'y fait très vite à l'accent. Ce film est fantastique et nos cousins n'avaient pas à le sous-titrer selon moi.
C'était différent pour le film de Perrault tourné si je ne m'abuse dans un petit village de l'île aux Coudres au Québec alors que tous les acteurs étaient des paysans de l'endroit avec un accent assez particulier. Il n'y avait sauf erreur aucun acteur professionnel dans ce dernier film. De plus, le son était déficient. Je trouve donc que l'on peut difficilement comparer ces 2 films.
Selon moi, «La Grande Séduction» est un film français grand public et il serait illogique de le sous-titrer.
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Lettre parue sur le site web «Vigile.net», Tribune libre, le jeudi 9 septembre 2004.
Version «originale» italienne
Le 7 septembre, Télé-Québec a fait un piètre choix en présentant le film «Teorema» («Théorème») dans sa version italienne sous-titrée en français. On devait pourtant savoir que tous les acteurs – en commençant par l’Anglais Terence Stamp, qui ne parle pas italien – ont été postsynchronisés (les voix sont réenregistrées en studio). Une technique fort prisée des Italiens, mais à laquelle ils n’accordent aucun soin, contrairement aux Français. Qu’en a-t-il résulté? Une version «originale» italienne pitoyable, se traduisant par un asynchronisme constant du mouvement des lèvres et des syllabes entendues, et par un son ambiant factice. Bref, un désastre sonore.
Plusieurs préfèrent les versions originales sous-titrées à celles doublées, pour la couleur locale et tutti quanti. Soit. Mais où résident l’avantage et le plaisir si le film n’est pas tourné en son direct?
La version doublée en français de «Teorema» existe pourtant (qu’on ne vienne pas rétorquer qu’elle est indisponible), que j’ai vue déjà. En gommant tous les défauts de la postsynchronisation italienne, celle-ci apporte une plus-value artistique au film, et nous libère du fastidieux exercice de lire les sous-titres sur un petit écran, en nous laissant nous concentrer sur les images, dans leur entièreté. En outre, le texte du scénariste et réalisateur Pier Paolo Pasolini (d’abord un poète) est meilleur entendu de la bouche de comédiens français chevronnés que lu, les sous-titres étant toujours succincts.
Je pense que TQ – qui doit bien voir à ses cotes d’écoute par les temps incertains qui courent pour elle – se trompe en estimant que ses téléspectateurs apprécient davantage le sous-titrage au doublage. Idem pour Artv.
Cela dit, viendra un jour, j’espère, où il sera possible pour les téléspectateurs de choisir eux-mêmes la version qu’ils préfèrent. Quelqu’un voudra se farcir un doublage québécois, aucun problème.
Bien entendu, les chaînes télé doivent continuer de présenter les bons films qui ne peuvent se payer un doublage. Vaut mieux voir un bon film sous-titré que de ne pas le voir du tout.
Sylvio Le Blanc, le 8 septembre 2004
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Lettre parue dans «Le Devoir», Éditorial, Lettres, le mercredi 22 septembre 2004, p. A 6.
«Ciao Bella» en français !
La télésérie «Ciao Bella», débutant tout juste à Radio-Canada et portant sur une famille italienne de Montréal, a été tournée directement en français, ce qui est invraisemblable, voire ridicule (comme cela le serait avec les communautés chinoise, juive ou anglaise de Montréal). En outre, les deux jeunes sœurs parlent français sans accent (il est à noter que plus on est jeune dans cette série, moins on a l’accent, comme si le français gagnait tu terrain). Même le cousin d'Italie parle français.
Une convention veut que nous acceptions les films tournés ou doublés en français même si la logique en prend parfois pour son rhume. Mais dans ce cas-ci, cela ne fonctionne pas, et c’est dû à la proximité de la communauté italienne. Le réalisme aurait dû être au rendez-vous. De la sorte, nous aurions eu beaucoup d’anglais et d’italien tandis que le français aurait été cantonné au bas de l’écran, où nichent les sous-titres. En effet, il faut se promener à Montréal pour se rendre compte que l’anglais et l’italien sont les langues de communication privilégiées par les représentants de la communauté italienne, et non le français. Cette communauté, il faut s’en souvenir, a été parmi les plus farouches opposants à l’affirmation du fait français au Québec, vers 1970.
Les anglophones qui verront la même série à CBC, eux, seront en terrain connu (la série a été tournée dans les deux langues).
«Ciao Bella» a été produite à même le fonds dit «transculturel» (un mot qui fait peur), créé par Robert Rabinovitch, président de Radio-Canada, pour développer des projets prétendument conjoints pour les deux réseaux. Que veut nous faire accroire la maligne chaîne (qui ne fait jamais rien pour rien) avec cette série? Que le français n’est plus menacé à Montréal? Il l’est pourtant.
Sylvio Le Blanc, Montréal, le 17 septembre 2004
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Lettre parue dans «Le Soleil», Arts magazine, Courrier du lecteur, le samedi 3 juin 2006, p. A2.
Le sous-titrage à la télé
Le sous-titrage des émissions et des films à la télévision ne s’adresse pas qu’aux sourds et malentendants. Il appert que bien des Néo-Québécois dont la langue première n’est pas le français y ont recours (c’est parfois même une condition d'écoute). Quand notre accent les désarçonne, le texte qui défile au bas de l’écran les remet bien souvent en selle. Et rien de tel pour apprendre à prononcer les mots. Non seulement les Néo-Québécois perfectionnent de la sorte notre langue, mais de plus ils se familiarisent avec nos us et coutumes.
Au chapitre du sous-titrage, bien que certaines chaînes soient méritantes, il reste encore à faire. Les ministères et organismes gouvernementaux pertinents à l’intégration et à la formation des Néo-Québécois, tant à Ottawa qu’à Québec, devraient contribuer financièrement au sous-titrage à la télévision et favoriser sa généralisation. Ce serait de l’argent bien dépensé, j’en suis convaincu, en considérant aussi la force d’attraction de l’anglais en cette petite terre d'Amérique assiégée.
Sylvio Le Blanc, Montréal, le 21 mai 2006
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Lettre parue dans «Ici», Courrier, le jeudi 8 juin 2006, p. 4.
Double doublage?
Plusieurs l’auront remarqué, le doublage du film The Da Vinci Code entendu sur nos écrans est en partie québécois et en partie français. Il appert en effet que les acteurs français Audrey Tautou, Jean Reno et Jean-Pierre Marielle se sont doublés eux-mêmes alors que les autres acteurs l’ont été par des Québécois, dont Bernard Fortin (Tom Hanks), Guy Nadon (Ian McKellen) et Luis de Cespedes (Alfred Molina).
Entendre ainsi se répondre l’accent québécois trafiqué et l’accent français dans un film se déroulant essentiellement en France, cela frise le ridicule. Et reconnaître immédiatement des voix hautement familières comme celles des trois acteurs québécois cités, cela suffit à vous faire trouver plat un film que vous auriez pu autrement apprécier (comment ne pas décrocher quand on perçoit l’omniprésent Fortin derrière Hanks?).
Je ne comprends pas la Columbia et Sony Pictures d’avoir laissé faire ça, d’autant que le doublage français était réalisé au moment de la sortie du film ici. Si trois voix françaises ont pu être acquises par la maison de doublage québécoise, pourquoi pas toutes? Pourquoi avoir dépensé pour doubler en double? Et pourquoi le gouvernement québécois a-t-il accordé des crédits d’impôt à une production superfétatoire, faisant payer en somme aux Québécois leur billet d’entrée plus cher pour entendre le doublage le moins crédible? Il ne devrait plus se compromettre dorénavant dans les cas où le doublage français existe déjà au moment du lancement du film ici, ayant mieux à faire avec notre argent. Des artistes en arrachent et ont besoin de son support pour monter des projets, originaux, eux.
J’espère au moins que la Columbia se rachètera lors de la sortie des formats vhs et dvd.
Sylvio Le Blanc, Montréal, le 28 mai 2006
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Lettre parue dans «Le Soleil», Arts magazine, Courrier du lecteur, le vendredi 30 juin 2006, p. ?.
Et le débat sur le doublage ?
La quatrième édition du Dictionnaire du cinéma québécois vient de paraître chez Boréal. J’ai été déçu de constater qu’il n’y a pas d’entrée sous «doublage». C’est le privilège des directeurs Michel Coulombe et Marcel Jean de ne pas traiter des techniques propres au cinéma (montage, etc.) dans leur dictionnaire, contrairement aux Français, mais en ce qui concerne le doublage, il aurait fallu faire une exception, car au Québec, c’est plus qu’une technique.
En effet, depuis les années 1980, l’industrie du doublage a fait beaucoup parler d’elle. Souvenons-nous des études et des rapports sur le sujet. Souvenons-nous des campagnes lancées par l'Union des artistes en faveur du doublage québécois. Pensons à la masse d’articles et de courriers des lecteurs le louant ou le coulant (comme récemment encore, avec la sortie du Code Da Vinci). Bref, il m’apparaît que le doublage a donné lieu à un débat important ici, dont un dictionnaire du cinéma québécois doit rendre compte, surtout quand celui-ci a l’ambition de dresser le portrait du cinéma au Québec sous tous ses angles. Si on a rendu compte de la saga récente des festivals de cinéma, je pense qu’on aurait pu tout aussi bien faire pareil avec celle sur le doublage. En outre, si un dictionnaire d’ici n’en parle pas, lequel va le faire? Un dictionnaire du cinéma canadien?
Je sais que le doublage n’a pas bonne presse auprès de la plupart des spécialistes du cinéma, mais il s’agit ici d’un dictionnaire, pas d’un livre d’auteur. Il faut faire preuve d’un maximum d’objectivité.
J’espère donc qu’on traitera du doublage dans la cinquième édition, à la condition que la contribution dictionnairique ne soit pas le fait d’un Pierre Curzi, d’un Sébastien Dhavernas ou d’un Bernard Fortin (je plaisante).
En terminant, les photos paraissant sur la première de couverture font penser que le cinéma québécois existe depuis une dizaine d’années. Elles sont peut-être plus accrocheuses et vendeuses que d’autres plus anciennes, mais ce n’est pas tout de vendre. À ce chapitre, la première édition de 1988 (que je conserve précieusement) était exemplaire.
Sylvio Le Blanc, le 18 juin 2006
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Lettre parue dans «Le Soleil», Arts magazine, Courrier du lecteur, Ce que vous en pensez, le samedi 18 novembre 2006, p. A2.
Scorsese doublé au Québec
Le dernier film de Martin Scorsese, Agents troubles (vous pigez le jeu de mots?), version française de The Departed, a été doublé au Québec. Quelle déception! Il faudrait faire savoir au réalisateur, si exigeant, que son film y a perdu. Un malheur ne venant jamais seul, il ne nous sera vraisemblablement pas possible non plus de voir Les Infiltrés (la version doublée en France) en DVD.
Cet énième mauvais doublage m’a fait réfléchir et penser à une solution : la France et le Québec devraient se partager le marché du doublage selon la qualité des films. Ainsi, tous les films ordinaires ou mauvais seraient doublés au Québec alors que tous les bons films seraient doublés en France. Pourquoi? En général, les spectateurs qui ne font pas la différence entre un bon et un mauvais films ne font pas plus la différence entre un bon et un mauvais doublages, alors qu’il en va autrement pour les cinéphiles. L’industrie québécoise n’aurait pas à craindre une diminution des profits, car la majorité des films sont ordinaires ou mauvais. On n’entendrait plus personne critiquer le doublage québécois et les cinéphiles seraient heureux.
Sylvio Le Blanc, le 12 novembre 2006
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Lettre parue dans «Le Journal de Québec», Votre opinion, le vendredi 9 février 2007, p. 14.
Doublage québécois ou français?
J’ai lu la très intéressante série d’articles sur le doublage parue dans le Journal. Personnellement, j’ai toujours préféré le doublage français et j’en explique les raisons.
La langue d’abord. Plusieurs critiquent le doublage français à cause de la langue, quelquefois argotique, qui ne serait pas la nôtre. Pourtant, la langue privilégiée par les doubleurs québécois n’est pas davantage la nôtre (des films comme «Slap Shot», avec Paul Newman, doublés dans une langue qui nous est propre, constituant des exceptions); on l’appelle français «international» ou «normatif». Les Français doublent au moins dans leur langue, tandis que les nôtres le font dans un français d’ambassadeurs. Entre les deux, je choisis celle qui sonne vrai.
Les voix ensuite. Pendant qu’en France, le bassin des doubleurs est immense, il est ici bien limité (les Français sont dix fois plus nombreux que nous). En outre, une trentaine de voix reviennent sans cesse (l’impression que nous avons de toujours entendre les mêmes voix n’est sûrement pas une lubie). Et on le sait, il n’y a pas meilleure façon de rompre le charme d’un film que de reconnaître derrière des personnages des acteurs comme Bernard Fortin et Guy Nadon, cent fois vus ou entendus ailleurs.
L’argent maintenant. Comme le doublage québécois est subventionné par l’État (par des crédits d’impôt), il en résulte que le billet de cinéma revient plus cher aux Québécois pour un film doublé ici. Si le doublage était de meilleure qualité que l’autre, j’accepterais volontiers de délier les cordons de la bourse, mais ce n’est pas le cas.
Aujourd’hui, l’industrie québécoise doit consentir des efforts pour réaliser des doublages passables, car elle est concurrencée par l’industrie française, mais imaginons ce qu’il adviendra quand elle aura le monopole. Je crains le pire.
Sylvio Le Blanc, Montréal, le 7 février 2007
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Lettre parue dans «Le Soleil», Arts magazine, Opinion, Ce que vous en pensez, le samedi 12 mai 2007, p. A2.
Le doublage québécois, encore et toujours
L’Union des artistes (UDA) a eu beau changer de président, elle tient le même discours redondant. Ainsi, elle invite pour la énième fois le gouvernement à pourvoir le Québec d’une loi visant à faire doubler ici tous les films en langue étrangère, revendiquant surtout le respect de notre « nord-américanité ». Mon œil !
Certains critiquent le doublage français à cause de la langue, quelquefois argotique, qui ne serait pas la nôtre. Pourtant, la langue privilégiée par les doubleurs québécois n’est pas davantage la nôtre (des films comme Lancer frappé, avec Paul Newman, doublés dans une langue qui nous est propre, constituant des exceptions); on l’appelle français « international » ou « normatif ». Les Français doublent au moins dans leur langue, tandis que nos doubleurs le font dans un français d’ambassadeurs. Entre les deux, je choisis celle qui sonne vrai.
Pendant qu’en France le bassin des doubleurs est immense (les Français sont 10 fois plus nombreux que nous), il est ici bien limité. En outre, une trentaine de voix reviennent sans cesse (l’impression que nous avons de toujours entendre les mêmes voix n’est sûrement pas une lubie). Et on le sait, il n’y a pas meilleure façon de rompre le charme d’un film que de reconnaître derrière des personnages des acteurs comme Bernard Fortin et Guy Nadon, 100 fois vus ou entendus ailleurs. Imaginons maintenant que tous les films soient obligatoirement doublés ici. Ce serait, à mon sens, désastreux.
Comme le doublage québécois est subventionné par l’État (par des crédits d’impôt), il en résulte que le billet de cinéma revient plus cher aux Québécois pour un film doublé ici. Si le doublage était de meilleure qualité que l’autre, j’accepterais volontiers de délier les cordons de la bourse, mais ce n’est pas le cas.
Aujourd’hui, l’industrie québécoise doit consentir des efforts pour réaliser des doublages passables, car elle est concurrencée par l’industrie française, mais imaginons ce qu’il adviendra quand elle aura le monopole. Je crains le pire.
Le premier ministre Jean Charest parlait il y a quelques mois de libre échange entre l’Europe et le Canada (dont le Québec). Suivant cela, il serait incompréhensible de couper la voie au doublage français. Les quelque 6 millions de francophones que nous sommes, assiégés par 300 millions d’anglophones, ont intérêt à maintenir le maximum de ponts avec les francophones européens, de manière à favoriser le développement et l’enrichissement de notre langue commune (commune, oui, malgré de petites différences). Ne nous isolons pas encore plus sur notre île d’Amérique.
Sylvio Le Blanc, Montréal, le 26 avril 2007
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Lettre parue dans «Le Devoir», Éditorial, Lettres, le vendredi 29 juin 2007, p. A 8.
Le joual des Têtes à claques apprécié en France
Les Têtes à claques sont déjà un phénomène au Québec et en passe de le devenir aussi en France. Et, surprise, on tient mordicus là-bas à ce que la langue privilégiée par les auteurs, à savoir le joual, reste telle quelle. D’un côté, les Français nous disent qu’ils apprécient cette langue qui nous ressemble; de l’autre côté, nous doublons pour nous seuls des films étrangers dans un français passe-partout horrible, un français international sans vie. C’est quand même fort. Nous n’avons même pas le courage, chez nous, de notre propre langue! Et l’ADQ qui exige dans ces conditions que tous les films étrangers soient doublés ici... De grâce, M. Dumont, laissez-nous nos 30 % de films doublés en France dans une langue qui sonne vrai et contentez-vous des 70 % qui sont déjà doublés ici dans une langue d’ambassadeurs imbuvable.
Sylvio Le Blanc, Montréal, le 26 juin 2007
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Lettre publiée dans «Ledevoir.com», Vos réactions, le 14 octobre 2007.
La force de l’anglais
La force de l'anglais est vraiment phénoménale et se manifeste partout. Prenons cet article de la critique de cinéma Odile Tremblay portant sur le dernier film du Taïwanais Ang Lee (ou Lee Ang). Elle en donne d'abord le titre en anglais : «LUST, CAUTION», puis, secondairement, entre parenthèses, le titre en français : «DÉSIR, DANGER», alors que le film a été tourné en chinois. Peut-on m'expliquer?
On peut voir le film à Montréal dans sa version doublée en français au Québec et dans sa version originale chinoise sous-titrée en anglais. Je soupçonne que Mme Tremblay l'ait vu dans cette dernière version, vu qu'elle abhorre le doublage. Mais comme la critique travaille pour des cinéphiles essentiellement francophones qui lisent leur journal préféré en français, son article aurait d'abord dû donner le titre en français : «Désir, danger», puis, par respect, celui en chinois, entre parenthèses : «Se, Jie». Le titre anglais, dans ce cas précis, on s'en tamponne; on le laisse à «The Gazette». (Je ne dis pas, si elle avait fortement recommandé aux lecteurs d'aller voir la version originale sous-titrée en anglais, j'aurais compris, mais ce n'est pas le cas.)
Dans le corps de son article, c'est pire encore. Mme Tremblay mentionne exclusivement en anglais ces titres de film : «Eat Drink Man Woman» («Salé, sucré» ou «Yin shi nan nu»), «Crouching Tiger, Hidden Dragon» («Tigre et dragon» ou «Wo hu cang long») et «In the Mood for Love» («Les Silences du désir» ou «Huayang nianhua»), alors que ces films ont été tournés en chinois. Pourquoi «Le Devoir» fait-il un cadeau à cette langue qui déjà s'impose outrancièrement partout dans le monde? «The Gazette», elle, n'en fait pas à la langue française. Réveillez-vous, Mme Tremblay!
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Lettre d’André Loiseau publiée dans «Ledevoir.com», Vos réactions, le 15 octobre 2007.
Triste et belle observation, Sylvio
Merdre (comme le dirait Ubu), c'est pourtant vrai!
Madame Tremblay est trop charmante pour avoir fait exprès de choisir cette langue étrangère. Nous sommes tous tellement cernés puis assommés par l'anglais que nous en voyons les relents jusque dans nos images et jusque dans nos rêves. Et il semble que nous admirions inconsciemment les vainqueurs auxquels nous résistons.
En attente d'un pays qui nous ressemble, nous nous battrons encore.
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Lettre parue dans «Le Journal de Québec», Votre opinion, le jeudi 25 octobre 2007, p. 18.
Heureuse initiative
Si le doublage des films qu’il distribue est fait au Québec, Alliance Atlantis Vivafilm l’indique maintenant dans ses publicités écrites. Que voilà une heureuse initiative, qui sera formatrice pour bon nombre de spectateurs ne faisant pas encore la distinction entre les doublages d’ici et d’outre-Atlantique.
Pour ceux qui font déjà la distinction et qui accordent de l’importance au doublage, l’indication est utile. Ainsi, ceux qui, comme moi, n’apprécient pas le doublage québécois sauront à quoi s’en tenir. Idem pour ceux qui, à l’inverse, n’apprécient pas le doublage français. Tous les distributeurs devraient reprendre l’idée à leur compte, parce que le doublage dans les films, ce n’est pas rien.
Sylvio Le Blanc, le 22 octobre 2007
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Lettre publiée dans «L’Express de Toronto» (Ontario), Forum, le mardi 3 juin 2008, p. 3.
Le doublage 100 % québécois? Catastrophe
L’ADQ et le PQ font la paire sur la question du doublage. Ils ont réussi à faire tenir pour l’automne prochain une commission parlementaire pour en parler. Ils aspirent à ce que les majors états-uniens fassent doubler toutes leurs productions au Québec, non satisfaits qu’actuellement 78 % d’entre elles le soient déjà et que seulement 22 % le soient à l’étranger.
Le Parti libéral, quant à lui, veut que les choses restent telles quelles.
Je ne suis pas surpris que le député péquiste Pierre Curzi, ex-comédien et ex-président de l’Union des artistes, réclame 100 % des doublages, car le faisant depuis des années, mais je comprends mal qu’une majorité de Québécois le suivent encore.
Ne voient-ils pas que notre bassin d’acteurs est trop étroit pour rencontrer les futures exigences? Une quarantaine de voix reviennent déjà sans cesse (l’impression que nous avons de toujours entendre les mêmes voix n’est sûrement pas une lubie).
Plusieurs acteurs doublent déjà une vingtaine de personnages importants. Qu’est-ce que ce sera quand notre modeste industrie s’occupera de doubler au grand complet les films et les téléséries (comme Beautés désespérées, Chère Betty, superbement doublées pour l’instant en France) entrant sur notre territoire? Une folie!
Comme on le sait, il n’y a pas meilleure façon de rompre le charme d’une œuvre doublée que de reconnaître derrière des personnages des acteurs comme Bernard Fortin, cent fois vus ou entendus ailleurs.
Il faut que les Québécois sachent aussi que nos meilleurs acteurs fuient le doublage, le méprisant en quelque sorte. Pierre Curzi lui-même a été sollicité pour en faire, mais il a toujours refusé. Les acteurs vont toujours préférer faire du théâtre, du cinéma, de la télé, et même de la pub, plutôt que du doublage.
Ce qui fait que nos doubleurs ne sont pas nécessairement les meilleurs acteurs possibles.
En France, en revanche, le bassin des doubleurs est immense (les Français sont dix fois plus nombreux que nous, ce qui donne une idée).
Certains pourfendent le doublage français à cause de la langue, quelquefois argotique, qui ne serait pas la nôtre. Pourtant, la langue privilégiée par les doubleurs québécois, appelée communément français «international» ou «normatif», n’est pas davantage la nôtre. Les Français doublent au moins dans leur langue, alors que les nôtres le font dans un fade français d’ambassadeurs. Entre les deux, je choisis celle qui sonne vrai.
L’industrie québécoise doit actuellement consentir des efforts pour produire ses doublages, car elle est concurrencée par les industries française et belge, mais qu’adviendra-t-il quand elle aura le monopole (donné en cadeau par l’État)? Je crains le pire, vu que les Québécois ne sont pas très exigeants, question doublage, et que les critiques (qui devraient normalement évaluer la qualité du doublage), pour la plupart, privilégient les versions originales.
Comme le doublage québécois est subventionné par l’État (par des crédits d’impôt), il en résulte que le billet de cinéma revient plus cher aux Québécois pour un film doublé ici. Si le doublage était de meilleure qualité que l’autre, j’accepterais volontiers de délier les cordons de la bourse, mais ce n’est pas le cas, loin de là.
Je salue la détermination de la ministre de la Culture et des Communications, Christine St-Pierre, dans ce dossier. À l’heure où le Premier ministre Jean Charest parle de libre échange entre l’Europe et le Québec, il serait incompréhensible de fermer la voie, ici, au doublage étranger. Les quelque 6 millions de francophones que nous sommes, assiégés par 300 millions d’anglophones, ont intérêt à maintenir le maximum de ponts avec les francophones européens.
L’ADQ et le PQ font de la petite politique au chapitre du doublage. L’autonomie ou l’indépendance du Québec signifierait-elle pour eux son isolement et son appauvrissement culturel?
Sylvio Le Blanc, le 1er juin 2008
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Lettre parue dans «Métro (Montréal)», C’est vous qui le dites, Courrier des lecteurs, le jeudi 15 janvier 2009, p. 30.
Le doublage de Valkyrie
CINÉMA. L’action du film Valkyrie se situe en Allemagne, durant la Deuxième Guerre mondiale, en 1944. Tom Cruise y joue le rôle du colonel Claus von Stauffenberg, qui, avec plusieurs autres opposants au régime nazi, planifie l’assassinat du führer Adolf Hitler et la reprise du contrôle de l’armée et du gouvernement.
Comme les personnages sont tous allemands, ils devraient logiquement s’exprimer dans la langue de Goethe, mais, dans la version originale, c’est dans la langue de Shakespeare que ça se passe. Et comme les acteurs sont d’origines diverses (Grande-Bretagne, États-Unis, Allemagne, Pays-Bas), les accents sont forcément divers, ce qui donne des échanges souvent bigarrés et dissonants.
Voilà pourquoi il est préférable de voir la version doublée en français, qui gomme l’incongruité langagière de la version originale. Par l’unité de ton qu’il insuffle au film, le doublage, de premier ordre (ce qui ne gâche rien), lui confère même une plus-value artistique.
Bien des critiques et des conservateurs de cinémathèque ne jurent que par la version originale, nous incitant par cela même à baisser la garde face à ceux qui produisent le plus de films au monde, j’ai nommé les Anglo-Saxons, morts de rire devant cette ardeur à défendre leur langue hégémonique.
Sylvio Le Blanc, Montréal, le 26 décembre 2008
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Lettre publiée dans «Ledevoir.com», Vos réactions, le 11 juillet 2009.
Les voix françaises en sourdine
Je félicite les Cinémas Fortune, les seuls à donner l'information pertinente relativement aux voix des personnages animés dans le film «L'Ère de glace - L'Aube des dinosaures», vf de «Ice Age - Dawn of the Dinosaurs». Oui, bravo! Gérard Lanvin, Vincent Cassel et Élie Semoun pour les francos, Ray Romano, Denis Leary et John Leguizamo pour les anglos. Et je blâme les autres cinémas, les distributeurs, ainsi que les relayeurs d'information de ne faire mention quant à eux que des doubleurs anglophones, alors qu'ils savent pertinemment que ceux qui iront voir la vf n'entendront pas les voix anglaises.
Même la Régie du cinéma se met de la partie en se limitant aux voix anglaises dans sa fiche, alors que cet organisme gouvernemental en est un du Québec, où la seule langue officielle est le français. Elle sait pourtant que la vf existe, puisqu'elle le mentionne.
Quant à Médiafilm, cet organisme qui cote les films de 1 à 7, non content d'escamoter la vf, il donne, tenez-vous bien, son appréciation de la performance des doubleurs anglophones, alors que sa clientèle est essentiellement francophone. Voici un extrait de sa mission : «Partager notre expertise avec l'ensemble des spectateurs du petit et du grand écran du monde francophone (...)».
Pourquoi agit-on ainsi au Québec, où le français est pourtant «assiégé» par l'anglais? Par masochisme? Par snobisme? Par purisme (la sacro-sainte vo)? Quoiqu'il en soit, cela ne peut qu'inciter des Québécois à aller voir la vo anglaise, qui retiendront que c'est celle-là qu'il faut voir. Si nous étions la France, ce roc solide de notre langue, nous pourrions peut-être voir les choses différemment, mais nous ne sommes pas la France. Ici, nous devons faire attention.
Même le site officiel de la vf donne le nom des acteurs anglophones. Imaginez!
Pour finir, il est pour le moins regrettable que des critiques voient exclusivement les vos anglaises alors qu'ils bossent pour des lecteurs qui voient majoritairement les vfs. Ne cherchez pas la raison pour laquelle ils ne se prononcent jamais sur la qualité d'un doublage. N'ont-ils pas le devoir, pourtant, de faire le tour complet d'un film, et aussi de faire se développer chez leurs lecteurs un sens critique relativement à cette composante du cinéma incontournable au Québec?
Sylvio Le Blanc, le 11 juillet 2009
Les films en salle : l’anglais triomphe largement
Encore le titre en anglais
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3 commentaires
Archives de Vigile Répondre
29 août 2009Le doublage, c'est une pratique honteuse et strictement mercantile. C'est un manque de respect aux auteurs de cinéma, ainsi qu'aux acteurs originaux et à leurs performances.
Voir un film dans sa version originale, c'est accepter que le film porte en lui-même son identité culturelle, véhiculée en grande partie par la langue de ses protagonistes. Entendre des Hongkongais doublés en français dans un film, ça me choque, même chose pour les Étasuniens, d'ailleurs.
Et si le vocabulaire est rarement riche dans une version doublée (puisque les mots doivent non seulement traduire le sens, mais aussi s'accorder avec les lèvres), les sous-titres peuvent se permettre davantage de latitude si l'œuvre originale a un certain caractère lyrique.
Exigeons des sous-titres français pour tous les films distribués au Québec plutôt que de faire parler des gens de tous les pays comme des citoyens de Longueuil.
Archives de Vigile Répondre
28 août 2009Exiger de regarder un film dans sa version originale est de la foutaise selon moi et une recette certaine pour assimiler la nation.
Je le sais, dans l'Ouest de l'Île de Montréal, les cinémas de Kirkland, Dollard-des-Ormeaux et Dorval présentent des films en anglais seulement. Les jeunes ne choisissent pas de voir la version orginale anglaise, ils n'ont pas le choix.
Moi, qui me considère bilingue, qui peut et pourrait gagner ma vie en anglais seulement si je le voulais, je suis capable de voir un film en anglais, mais je n'en saisirai jamais toutes les subtilités et il y aura toujours des mots inconnus ou incompréhensibles lorsqu'ils sont prononcés rapidement ou à voix basse par les acteurs.
Les traductions de films au Québec ou en France sont excellentes.
Regarder des films en anglais, développe notre vocabulaire anglais au détriment du français. Regarder des films en français développe notre vocabulaire en français, surtout lorsqu'ils sont doublés en France.
Cessons de défendre les anglais et de faire nos "snobs" et nos colonisés. Dans un Québec indépendant, la proportion des versions françaises devra être de 90%.
Daniel Roy, C.A.
Archives de Vigile Répondre
28 août 2009Ça doit bien venir du fait que la grande majorité des films sont réalisés en anglais, aux États-Unis. Ils les produisent à la chaîne contre quelques films québécois et français de France. Nos francophones, pressés et bilingues, veulent voir la copie originale "pas doublée".
Ça va continuer comme ça parce qu'on est un radeau dans une mer anglophone. Faudra s'y faire ou déménager en France. Est-ce que la France aurait le même problème ? Probablement pas, j'espère.